La recolonisation du Québec

2007/04/25 | Par Léo-Paul Lauzon

Nos outils collectifs vendus dans l'indifférence, et même l'enthousiasme

Il ne peut y avoir de souveraineté politique, culturelle et linguistique pour quelque pays que ce soit sans une souveraineté économique digne de ce nom et encore plus pour des pays en voie de développement et des petits pays comme le Québec.

Alors que d’autres pays beaucoup plus puissants que le Québec et le Canada refusent carrément que soient vendus à l’étranger des joyaux nationaux, au nom de l’intérêt stratégique et de la sécurité nationale, ici au Québec, c’est dans l’indifférence et plus souvent dans l’enthousiasme que sont cédés à des étrangers nos instruments collectifs.

Aux États-Unis, en Europe, on s’offusque plus qu’au Canada de prises de contrôle par des étrangers. J’ajouterais que les intérêts des Québécois et des Canadiens sont généralement opposés à celui des actionnaires et des dirigeants et qu’en Europe et aux États-Unis, l’État intervient souvent pour bloquer des ventes d’entreprises nationales à l’extérieur.

Vous vous dites sûrement pourquoi alors, si les autres le font et vont même jusqu’à la nationalisation directe ou indirecte, avec une forte participation de l’État qui lui donne le contrôle effectif ou un droit de veto sur la vente à l’étranger de compagnies, nous ne le faisons pas ici et encore plus compte tenu de la petitesse de notre secteur économique et de sa vulnérabilité face aux multinationales étrangères beaucoup plus imposantes et dotées de moyens financiers infinis?

Eh bien, la raison est simple : nous sommes dirigés par des politiciens à la fois vendus et ignorants qui ont principalement à cœur leur propre personne et celle de leurs amis, et non l’intérêt supérieur de la majorité.

Sommaire:
Jean-Paul Gagné, Nike et les autres
Quatre cas de privatisations:
(1) Biochem Pharma
(2) Provigo
(3) Domtar
(4) Cambior

Jean-Paul Gagné, champion toutes catégories

Le comble de l’imbécillité et de la soumission la plus totale est Jean-Paul Gagné, l’éditeur du journal Les Affaires. Dans son éditorial du 1er juillet 2006, intitulé : «Vente d’Inco et de Falconbridge : Ottawa doit dire oui», il a écrit : « Un veto d’Ottawa enverrait un mauvais message (sic) dans les marchés financiers et notamment à Washington (sic), où on voit le Canada un peu (je dirais même beaucoup) comme le prolongement (je dirais même la colonie) des États-Unis (sic). Toute transaction qui affaiblit notre souveraineté économique est difficile à accepter (sic) mais le système économique dans lequel nous vivons nous oblige (vous m’en direz tant!) à accepter (faut se soumettre sans rechigner) les règles du jeu (quelles règles?) qui l’accompagnent ». Faut le lire pour le croire !

Heureusement, d’autres ont une autre compréhension du phénomène. Dans un article du Journal de Montréal du 5 décembre 2001 titré : «Le président de CGI s’inquiète des trop nombreuses ventes d’entreprises à des étrangers», Serge Godin déclare que : «Les ventes très nombreuses d’entreprises québécoises et canadiennes à des intérêts étrangers m’inquiètent beaucoup. Je suis persuadé que ces déplacements de centres de décision vers l’extérieur ont un effet nocif sur notre économie, sur l’emploi, sur notre capacité d’établir le maximum de synergie entre nos entreprises pour générer la richesse chez nous.».

Nike accroche les patins de Gaétan Boucher

Le cas de la vente de Bauer à Nike l’illustre bien comme le décrit cet article de Simon Drouin paru dans La Presse du 7 juin 2001 et intitulé : «Bauer Nike Hockey retranche Gaétan Boucher». On peut y lire ce qui suit : «Le congédiement de M. Boucher, 43 ans, fait partie d’une restructuration des activités de Bauer Nike Hockey au Québec. Au terme de cette opération, l’usine de Saint-Jérôme comptera 135 employés de production et 72 employés de bureau. Lors de l’achat de Bauer par le géant américain Nike en décembre 1994, 1200 personnes y travaillaient.

Bauer Nike Hockey compte aussi vendre ou louer une portion considérable de l’édifice de Saint-Jérôme. Quant au siège social de Montréal, il fermera ses portes à la fin du mois. Le congédiement de Gaétan Boucher (le plus grand médaillé québécois de l’histoire des Jeux Olympiques) fait partie de notre plan de restructuration et, comme tous les autres employés, c’est très malheureux, a dit Michelle Mc Sorley, porte-parole de Bauer Nike Hockey».

Il y a beaucoup d’autres exemples. Au cours des dernières années, la vente d’entreprises québécoises présentes dans des secteurs stratégiques pour l’émancipation de la province et surtout de compagnies qui furent jadis propriété de tous les Québécois par le biais de l’État et de ses sociétés d’État comme la Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement, la Société de développement industriel devenue Investissement Québec, Dofor, Soquia, Soquem, etc. s’est multipliée au nom de dogmes creux comme la mondialisation, le libre-échange, l’État minimal non-interventionniste, les supposées lois naturelles du marché, l’adaptation, le modernisme et d’autres conneries du même genre.

La liste est longue, longue, longue

Prenons le cas de quelques entreprises québécoises qui étaient détenues directement (contrôle légal) ou indirectement (contrôle effectif) par le gouvernement du Québec comme Biochem Pharma vendue en 2001 pour 5,9 milliards$ à l’anglaise Shire Pharmaceuticals; Provigo, le plus important détaillant et grossiste en alimentation au Québec, vendue en 1998 pour 2 milliards$ à l’Ontarienne Loblaw et à sa compagnie-mère George Weston; Cambior, le plus important producteur d’or québécois, vendue au mois de septembre 2006 à l’ontarienne Iamgold pour 1,3 milliards$, Domtar, la plus importante papetière québécoise, vendue au mois d’août 2006 à l’Américaine Weyerhaeuser pour 3,3 milliards$ et Sico, le plus important fabricant québécois de peinture, vendue au mois d’avril 2006 au néerlandais Akzo Nobel pour 288 millions$.

Faute d’espace, je n’aurai pas le temps de vous parler de plusieurs autres compagnies québécoises vendues récemment à des étrangers, comme Bombardier Capital, Bombardier Récréatif, La Senza, Maax, Softimage, Dollarama, Delisle, Vachon, Multi-Marques, Gadoua, UAP, Le Groupe Commerce, La Laurentienne Générale Assurances, Meloche Monnex, Bélair Direct, Ivaco, Unibroue, Sports-Experts, Réno-Dépôt, Urgel Bourgie, C-Mac, Sabex, Nova Bus, Prévost Car, Cinar, Sodisco, Culinar, Microcell et Fido, Télésystèmes Mobile, Intersan, Jean-Marc Brunet, Adrien Gagnon, Technilab, Celmed, Bauer, les Alouettes et le Canadien de Montréal, Molson, Corby, Seagram, les papetières Donohue, Stadacona, Alliance, Forex, Foresbec, Avenor, Repap, Cartons St-Laurent, Consolidated-Bathurst, Abitibi-Consol, etc. Et cette liste est loin d’être exhaustive.

Je leur lance un défi !

Je mets au défi tous ceux qui nous disent que les compagnies québécoises peuvent aussi acheter des étrangères de me préparer leur énumération. Il ne faut pas être une lumière pour comprendre qu’à ce petit jeu tronqué, les multinationales étrangères, qui sont mille fois plus grandes vont tout ramasser ce qui les intéresse au Québec dans le temps de le dire, incluant Van Houtte, Québécor, Jean Coutu, Rona, Métro, la Banque Nationale, Cogeco, Transcontinetal, Cascades et même CGI alors que les nôtres vont acheter de petites et moyennes entreprises ici et là.

Quatre cas de privatisation

Dans mes prochains articles, vous allez pomper avec moi, car vous allez voir comment la vente de nos instruments collectifs qu’étaient Biochem Pharma, Provigo, Domtar et Cambior ont enrichi de minables petits affairistes d’ici qui ont réussi à s’abroger, sans que ça leur coûte une maudite cenne noire, ces quatre compagnies publiques québécoises avec la complicité de vos politiciens.

(1) Biochem Pharma

La privatisation, et la vente à l’étranger qui s’ensuivit, de joyaux collectifs québécois, comme Biochem Pharma, Provigo, Domtar et Cambior, s’est effectuée au nom de dogmes primaires et n’a profité qu’à quelques petits affairistes minables.

La prestigieuse revue The Economist a dit récemment que la vente de sociétés québécoises et canadiennes à l’étranger aurait soulevée des passions et une levée de boucliers ailleurs. Ici, rien, même que ça se fait dans l’enthousiasme. Faut être arriérés et colonisés pas à peu près.

L’ancêtre de Biochem Pharma était l’Institut Armand Frappier, un organisme étatique au Québec rattaché au réseau de l’Université du Québec. C’est cet organisme de recherche public qui, à l’aide uniquement de fonds et de chercheurs publics, avait inventé, entre autres, le plus célèbre médicament pour lutter contre sida, le 3TC.

Cette société était un succès total. Puis, le gouvernement du Québec, au nom de l’idéologie néolibérale, l’a privatisée et la compagnie a changé de nom pour Biochem Pharma. On a mis en place des faiseux qui l’ont inscrite en Bourse et qui se sont naturellement octroyés des mégas parachutes dorés composés d’options d’achat d’actions, de caisses de retraite et d’indemnités de départ.

Puis, afin de profiter de la manne, les dirigeants de Biochem Pharma, avec à sa tête l’opportuniste par excellence Francesco Bellini, ces gens qui n’ont eu rien à voir avec les découvertes de la firme, qui n’ont rien investi et, de ce fait, pris aucun risque, ont décidé de vendre en 2001 ce formidable instrument collectif à l’anglaise Shire Pharmaceuticals Group pour 5,9 milliards de dollars.

Le titre de cet article du journal Les Affaires du 23 décembre 2000, rédigé par André Dubuc et Francis Vailles, va tout vous dire sur qui a profité de ce honteux délestage : Les dirigeants de Biochem Pharma empocheront plus de 325 millions, dont la bagatelle somme de 261 millions$ à Francesco Bellini.

Au premier paragraphe de l’article, il est dit que : En vendant, les dirigeants de Biochem Pharma n’auront plus les coudées franches, mais ils auront les poches bien garnies… En rétrospective, les hauts dirigeants auront profité des décisions récentes (sic, c’est-à-dire juste avant la vente) de l’entreprise concernant leur rémunération.

Puis, pour nous écoeurer encore plus, Bellini a dit des énormités dans un article de La Presse du 12 mai 2001 de Denis Arcand intitulé : Bellini a le cœur brisé… Je ne suis pas un lâcheur. Un lâcheur et un profiteur si vous voulez mon avis.

Comment se fait-il que le gouvernement péquiste et la population du Québec n’ont rien fait pour stopper cette transaction? N’y a-t-il pas de secteur plus stratégique pour un pays, générateur d’investissements, de recherches et d’excellents emplois, que le domaine pharmaceutique?

La France n’a-t-elle pas récemment empêcher la vente à des étrangers de sa pharmaceutique Aventis? Essayez donc pour voir de faire une offre d’achat émanant d’étrangers sur les Américaines Merck et Pfizer.

Lors de la vente à l’étranger de Biochem Pharma, de Provigo, de Domtar, de Cambior et même des Canadiens et des Alouettes de Montréal, où étaient donc nos intrépides et aventureux gens d’affaires et nos lumineux lucides qui nous accusent pourtant régulièrement d’immobilisme?

Ce qu’il aurait fallu faire, comme beaucoup d’autres pays d’ailleurs, c’est de créer, comme l’a suggéré récemment Québec Solidaire, une société d’État comme Pharma Québec qui aurait hérité de Biochem Pharma (Institut Armand Frappier) et qui aurait aussi pris des participations dans d’autres jeunes compagnies pharmaceutiques québécoises.

Ainsi, nos découvertes, nos emplois, nos investissements et notre argent resteraient ici même au Québec. Nos politiciens doctrinaires préfèrent verser des milliards de dollars en fonds publics à chaque année sous forme uniquement de subventions, et non d’achats d’actions, à des compagnies qui sont ensuite vendues à des étrangers au seul profit de leurs actionnaires, comme ce fut le cas ces dernières années dans le domaine pharmaceutique avec Sabex, MultiChem, ID Biomédical, Technilab, Anapharm, Promedis, Pangeo Pharma et Celmed Biosciences.

Dans le cas de Celmed Biosciences vendue au mois de novembre 2006 à la hollandaise Kiadis, qui toutes deux se spécialisent dans les médicaments contre le cancer, le titre de l’article de La Presse du 29 novembre 2006 est révélateur : Celmed Biosciences : le siège social quitte Montréal, même si Celmed représente 70% des actifs de la nouvelle entreprise.

Et puis, même si les gouvernements et Francesco Bellini nous avaient juré avoir obtenu des assurances bétonnées, Shire ferme le labo de Biochem à Laval, tel était le titre de l’article de La Presse du 1 er août 2003 dans lequel on pouvait lire ceci : Trois ans après avoir acheté la pharmaceutique lavalloise Biochem Pharma, et deux jours après avoir obtenu un contrat de vaccins de plusieurs millions du gouvernement fédéral, l’anglaise Shire Pharmaceuticals a annoncé hier la fermeture du centre de recherches Biochem de Laval…

Les 120 scientifiques et administrateurs du prestigieux laboratoire ont été avisés hier qu’ils seront licenciés. Terminons au moins sur une note positive. Au mois de décembre 2006, Francesco Bellini vient de nous annoncer qu’il va s’installer en Alberta. Bon débarras. Si ça peut juste inciter d’autres profiteurs comme lui à faire de même, on ne s’en porterait que mieux. On est prêt à payer le transport et le cognac pour fêter ça.

(2) Provigo

L’histoire de Provigo, le plus important distributeur et grossiste en alimentation au Québec, est celle d’un retentissant succès né de véritables entrepreneurs dignes de ce nom suite à la fusion de Couvrette et Provost, Lamontagle et Denault.

Pendant longtemps, le contrôle majoritaire de ce joyau collectif était détenu par trois sociétés d’État québécoises que sont le Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société générale de financement du Québec et Soquia.

Notre bon gouvernement du Québec a d’abord nommé à sa tête des opportunistes de luxe. Comme président et chef de la direction, ce fut Pierre Migneault qui eut la bonne idée aussi d’embaucher sa conjointe Sylvie Lorrain à titre de vice-présidente déléguée, qui elle également passera à la caisse. Comme président du conseil, ce fut Pierre Michaud, actionnaire majoritaire de Réno-dépôt qui a depuis vendu sa business à une compagnie française.

Puis, le brainwashage et la propagande du faiseux Pierre Michaud a commencé, comme le démontre clairement le titre de ces deux articles du Devoir et du Journal de Montréal parus le 12 avril 1995 : Le président du c.a. de Provigo souhaite que la saga finisse. Pour Pierre Michaud, la Caisse de dépôt ne devrait plus contrôler la compagnie, et Pour le bien de l’entreprise, il faudrait que Provigo appartienne à une multitude d’actionnaires. Pierre Michaud, président du conseil.

On se laisse dire n’importe quoi, par n’importe qui sans rien dire. Quelqu’un peut-il dire à ce petit monsieur que c’est lorsqu’une compagnie appartient à l’État qu’il compte le plus de propriétaires, soit plus de 7 millions de québécois et c’est ce qui est le mieux pour l’entreprise, la population et le Québec.

Nos journalistes, avec leur légendaire sens critique, se sont laissé dire et ont rapporté fidèlement les conneries des dirigeants. Vraiment pathétique! Puis, comme il va de soi, Si Provigo passe à Loblaw, le tandem Migneault-Michaud passera à la caisse, tel était le titre de l’article de Miville Tremblay paru dans La Presse du 4 novembre 1998. Encore une fois, des gens qui n’ont pas fondé l’entreprise, qui n’ont rien investi et qui n’ont pris aucun risque, ont empoché des millions de dollars.

Dans un article de La Presse du 9 janvier 1999 intitulé : Pierre Migneault ne devrait pas faire de vieux os chez Provigo, il est dit ceci d’intéressant au premier paragraphe : Le président de Provigo s’est dit prêt à rester en poste sous la nouvelle direction de Loblaw. Mais avec le parachute doré qu’il s’est négocié (sic), comment pourrait-il refuser de sauter?. Effectivement, Migneault-Michaud ont sauté et très vite en plus de ça.

Loblaw avale Provigo. L’offre du géant ontarien survient au moment où la Caisse de dépôt, Métro-Ricgelieu et Provigo travaillaient à un projet de rapprochement, tel était le titre de l’article du Devoir du 1 er novembre 1998.

Même si la Caisse de dépôt et Métro-Richelieu étaient prêts à tout faire pour que le contrôle de ce géant reste au Québec, nos politiciens n’ont rien fait, de même que nos aventureux gens d’affaires d’ici qui ont pourtant horreur de l’immobilisme. Loblaw, une filiale de George Weston a payé 2 milliards$ pour faire l’acquisition de Provigo.

Pour l’essor de l’industrie agro-alimentaire du Québec, il aurait fallu que notre gouvernement intervienne pour forcer la fusion de Métro et de Provigo et contraindre ces détaillants à faire un minimum de place sur leurs tablettes à nos PME québécoises comme Lavo, Leclerc, Carrière, Yoplait, Lassonde, Cascades, Lafleur et d’autres.

Comment nos petites entreprises québécoises peuvent-elles, dans cette industrie, tenir tête à des multinationales comme General Foods, Kraft et Nestlé? Penser le contraire, c’est faire preuve d’une forte dose de pensée magique. Si d’autres pays le font, pourquoi alors ne le faisons-nous pas au nom du pragmatisme et du gros bon sens?

Mais dans le cas de nos biens publics, le profit rapide empoché par les dirigeants opportunistes importe plus que le bien être de l’ensemble des Québécois et des générations futures, comme l’a très bien signalé l’article de Miville Tremblay de La Presse du 4 novembre 1998 mentionné plus tôt : On comprend que le tandem Migneault-Michaud ait trouvé moins intéressante l’offre de Métro-Richelieu où l’appréciation du titre aurait été possible de manière plus graduelle et plus incertaine. Valait mieux empocher les millions tout de suite et décrisser avec le pognon.

Le titre de ces articles va vous donner une bonne idée de ce qui s’est produit par après, suite à la vente de Provigo à l’Ontarienne Loblaw :

- Provigo déleste 125 employés de son siège social. Les Affaires , 26 juin 1999;
- Vente de Provigo à Loblaw : l’inquiétude demeure grande parmi les producteurs et transformateurs québécois. Le Devoir , 28 août 1999;
- Provigo restructure ses services informatiques, La Presse , 14 février 2002. 50 Postes en moins au Québec;
- Centralisation de Loblaw à Toronto. L’agroalimentaire québécois s’inquiète, La Presse , 5 mai 2006;
- Loblaw fait le ménage au Québec, La Presse , 17 novembre 2006. On peut lire que : Après avoir délesté deux centres de distribution qui employaient 140 personnes l’an dernier, Loblaw fermera 27 magasins au Québec au cours des prochains mois.

Puis, concernant le cas précis du secteur de la boulangerie au Québec, voici une autre belle histoire impliquant Weston, la compagnie-mère de Loblaw. Dans un premier temps, Weston évince les pains Gadoua, tel était le titre de l’article du Journal de Montréal du 26 mai 2001. Fini les pains et autres produits de la québécoise Gadoua dans les marchés Provigo, Maxi et Loblaws. Ils seront remplacés par les produits Weston, bien évidemment. On est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas?

Puis, comme une PME comme Gadoua ne peut supporter financièrement une telle perte de clientèle, ce qui devait arriver arriva, La boulangerie Gadoua se laisse avaler par la torontoise Weston, que titrait l’article de La Presse du 8 juillet 2004. Fantastique. Peuple colonisé, soumettez-vous à genoux! Dans la même veine, le président de la chaîne québécoise de dépanneurs Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, avait déploré la vente de la boulangerie québécoise Multi-Marques à l’Ontarienne Canada Bread et avait dit que cela sera dommageable pour l’économie québécoise dans un article du Journal de Montréal du 24 janvier 2001 intitulé : La vente de Multi-Marques à Canada Bread Compagny : Une belle occasion ratée, dit Alain Bouchard.

(3) Domtar

N’y a t il pas secteur aussi névralgique pour un pays d’être propriétaire de ses ressources naturelles comme les autres pays occidentaux le sont. Uniquement dans le secteur des pâtes et papier, voici une liste non exhaustive de compagnies québécoises qui sont passées à des intérêts étrangers ces dernières années sans que personne n’intervienne : Papiers Stadacona, Alliance, Forex, Consolidated-Bathurst, Foresbec, Avenor, Cartons St-Laurent, Repap et Donahue. À quand le tour de Cascades et de Tembec?

Domtar, la plus importante papetière québécoise, qui, il n’y pas si longtemps, était détenue majoritairement par l’ensemble des Québécois par le biais de la Société générale de financement, de la Caisse de dépôt et placement et de Dofor.

Mais voilà, au nom de l’idéologie néolibérale qui préconise l’État très minimal et déifie le pseudo-marché fondé sur le capitalisme global, nos minables politiciens l’ont privatisé sans aucun débat public, ont nommé comme dirigeants de petits faiseux, plutôt que de véritables commis d’État, qui ont vite fait de vendre à des étrangers en empochant des millions de dollars grâce aux parachutes dorés qu’ils s’étaient octroyés.

Domtar passe aux Américains (la papetière Weyerhaeuser). Une opération de 3,3 milliards$. Québec réagit prudemment, tel était le titre de l’article du Devoir du 24 août 2006. Ben non, le gouvernement libéral du Québec n’a pas réagi prudemment; Jean Charest et Raymond Bachand, son ministre du Développement économique, ont applaudi, en vrais colonisés qu’ils sont, à cette prise de contrôle étrangère comme il a été signalé dans l’article du Devoir du 26 août 2006 : Québec ne s’opposera pas à la fusion entre Domtar et Weyerhaeuser.

Quant au Parti québécois, il fut égal à lui-même en donnant son accord mais avec prudence : PQ : la prudence est de mise, que titrait le Journal de Montréal du 25 août 2006. Comme à l’habitude, on s’est fait rassurant pour les jobs et le maintien du siège social à Montréal, comme le titrait Le Devoir du 24 août 2006 : Domtar se fait rassurant pour les emplois au Québec.

Le petit parvenu de président de Domtar avait passé son message aux politiciens dans ses médias et avec l’appui indéfectible de ses loyaux journalistes, comme le signale de façon explicite le titre de cet article de Michel Van de Walle paru dans le Journal de Montréal du 10 novembre 1995 : Le président de Domtar souhaite que Québec vende son bloc de la papetière.

Dans l’article, il est dit ceci de vraiment intéressant : Selon le président Stephen Larson, le contrôle exercé par le gouvernement du Québec sur le capital-actions de Domtar a un effet dépressif (sic) sur le titre en bourse. Québec a acheté 42% des titres de Domtar en 1981 pour éviter un transfert d’activités en Ontario.

L’important c’est la hausse rapide du prix de l’action afin d’engraisser les arnaqueurs de première classe et au diable les besoins des autres. Que pensez-vous que le gouvernement français aurait répondu à ce petit parvenu s’il lui avait demandé de se délester des actions qu’il détient directement et indirectement dans Renault, Airbus, EADS, France Télécom, Électricité de France, Sanofi-Aventis, etc?

Tout de même bizarre, en 1981, le gouvernement du Québec prend le contrôle effectif de Domtar afin d’empêcher sa vente à l’étranger et 25 ans plus tard il applaudit et participe à sa vente à l’Américaine Weyerhaeuser. Autres temps, autres mœurs! Un exemple éloquent que la modernisation, l’adaptation et la réingénierie de l’État riment avec colonisation.

(4) Cambior

C’est en 1986 que le gouvernement du Québec a privatisé pour des miettes Cambior, le plus important producteur d’or québécois, qu’il détenait par le biais de la société d’État Soquem. Naturellement, de petits dirigeants incompétents ont été mis en place, dont le président Louis Gignac qui, par après, a presque acculé à la faillite Cambior par une très mauvaise gestion de couverture des risques.

Il n’aurait pas fallu que cet impair, qui a coûté des dizaines de milliards de dollars à Cambior, eut été fait du temps que l’entreprise était propriété de l’État sinon on en aurait entendu parler par ben des arrivistes qui auraient alors exigé la privatisation sur le champ. Ils sont toutefois plus compréhensifs et plus tolérants pour les erreurs commises par le privé et loin d’eux l’idée de suggérer la nationalisation dans ces cas.

Puis, pour 1,3 milliard de dollars, Le producteur d’or Cambior passe entre des mains torontoises. L’union avec Iamgold donnera naissance à la dixième entreprise aurifère mondiale, que titrait Le Devoir du 15 septembre 2006.

Comme cela va de soi dans ce type de transaction : Le Québec minier déplore la perte du siège social de Cambior, que titrait l’article du journal Les Affaires du 23 septembre 2006 dans lequel le journaliste François Riverin mentionne que : La transaction se traduira par la disparition du siège social d’un producteur minier de taille importante au Québec au profit de Toronto, avec les effets négatifs sur les emplois et les fournisseurs de service que cela implique. Je suppose que c’est comme ça qu’on va s’enrichir au Québec et que cela va profiter pleinement aux générations futures?

Le mot de la fin de cette autre triste histoire revient à la pathétique chroniqueuse de La Presse , Michèle Boisvert qui, après la touchante entrevue que lui a aimablement accordée le président de Cambior Louis P. Gignac, a titré son texte ainsi : Transaction sur fond de tristesse.

Naturellement, la madame a laissé Ti-Louis Gignac dire n’importe quoi sans l’ombre d’un minimum de sens critique. Comme Francesco Bellini avait le cœur brisé lorsqu’il a vendu Biochem Pharma à l’anglaise Shire, Louis Gignac, qui est le seul responsable des difficultés financières de l’entreprise est, quant à lui, triste de la vente de Cambior à l’ontarienne Iamgolg.

Tous les producteurs d’or au monde font depuis plusieurs années des affaires d’or alors que Cambior végétait. Cherchez l’erreur chez celui qui est attristé, mais qui, comme les autres, empoche légitimement des millions de dollars pour l’aider à passer au travers de cette dure épreuve. Une chance qu’il y a des chroniqueuses humanistes comme Michèle Boisvert de La Presse pour leur prêter une oreille attentive, les comprendre et partager leur douleur devant de tels drames, sinon ces affairistes de grands chemins auraient certes des pensées suicidaires.

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15|22|Société Accueil_Actualités|Charest veut « aider » les éducatrices des CPE|2007-04-25 21:09:33|Pierre Dubuc|Menace de grève chez travailleuses de la CSN des centres de la petite enfance de Montréal et de Laval, grogne chez leurs collègues de la CSQ, le dossier des CPE défraie à nouveau l’actualité. On se rappellera que, faisant preuve d’une combativité exemplaire au cours des dernières années, les travailleuses syndiquées de ce secteur ont obtenu en 2006 l’équité salariale pour les 36 000 femmes travaillant dans les CPE.

Obligé de reconnaître le statut professionnel des éducatrices des CPE, le gouvernement cherche maintenant à rogner ce qu’il vient de concéder par l’introduction d’une nouvelle catégorie d’emploi : aide-éducatrice.

Bien entendu, on peut toujours dire que les éducatrices « ont besoin d’aide », mais encore faut-il savoir de quelle « aide » au juste on parle, de nous dire Carolyne Watier de la Fédération des intervenantes de la petite enfance (CSQ) que nous avons rencontrée avec ses collègues de la grande région de Montréal.

Selon la proposition gouvernementale, les aide-éducatrices – rémunérées bien entendu à un salaire moindre – remplaceraient les éducatrices pendant de « courtes périodes ».

« À quelles « courtes périodes » fait-on référence ? », se demandent-elles. « Y a-t-il des périodes où nous sommes moins éducatrices? » « Est-ce à l’accueil, quand il faut souvent consoler l’enfant, triste de devoir quitter ses parents? » « Est-ce lors des dîners, des siestes? », lancent-elles avec inquiétude.

« C’est dans ces moments de transition que les gens du ministère disent qu’on ne fait rien. Mais ce sont les moments les plus difficiles! Quand l’enfant est en pleine activité éducative, y’a pas de problème ! »

« On est pas moins éducatrice, quand on les habille ou qu’on les change de couche. On ne peut pas diviser, compartimenter ainsi la journée. Y a-t-il des moments, lorsqu’il est en présence de ses enfants, qu’un parent est moins parent? C’est la même chose pour les éducatrices ».

Tout le monde sait bien que l’introduction de la catégorie d’emploi « aide-éducatrice » ne vise qu’à dévaloriser la profession en permettant l’embauche de personnel à salaire moindre pour effectuer sensiblement les mêmes tâches, mais sans les qualifications requises.

« On a lutté fort pour se bâtir une profession. On ne se laissera pas faire, maintenant qu’on atteint notre but », lancent-elles à l’unisson.

Elles sont bien conscientes des difficultés financières des CPE. La majorité, selon elle, sont déficitaires et les salaires constituent 80% des dépenses. Mais ce n’est pas leur salaire de 22$ au sommet de l’échelle qui en est la cause. C’est le sous-financement du réseau.

Bien qu’on ait salué le rôle positif de la mise en place du réseau des CPE sur l’augmentation du taux de natalité, elles sont conscientes de l’impact de la promesse électorale de Mario Dumont de verser à la famille 100 $ par semaine par enfant. Dans ce contexte, les attaques du gouvernement Charest contre le réseau des CPE risquent de s’intensifier. Déjà, on peut porter à son crédit, l’augmentation du tarif à 7 $, le retrait du droit à la syndicalisation pour les travailleuses en milieu familial, la création des « bureaux coordonnateurs », entraînant de nombreuses mises à pied dans le réseau.

Mais, aujourd’hui comme hier, il va rencontrer sur son chemin des éducatrices déterminées à se battre pour l’amélioration des services de garde et la reconnaissance de leur travail à sa juste valeur.|Des aide-éducatrices – rémunérées bien entendu à un salaire moindre – remplaceraient les éducatrices pendant de « courtes périodes ».
16|23|International Manchettes Politique_Canada|Ukraine: une répétition de 2004 ?|2007-04-29 22:00:37|Pierre Dubuc|


Les élections sont très contestées en Ukraine entre les partis pro-occidentaux et pro-russes. Il n'est pas inutile de rappeler comment, lors des élections de 2004, le Canada était intervenu pour faire pencher la balance du côté occidental.

(Sur la photo: Victor Iouchtchenko au moment de la Révolution orange en 2004)

Vous vous souvenez de la Révolution orange à l’hiver 2004 lors des élections en Ukraine ? Des milliers de manifestants brandissant des drapeaux orange, un peu sur le modèle du « love in » de Montréal quelques jours avant le référendum de 1995. La référence n’est pas anodine. Des diplomates et des politiciens canadiens ont joué un rôle de premier plan dans ces événements nous l'apprenait un article du Globe and Mail (14 avril 2007).

Trois tours pour assurer la victoire de Iouchtchenko

 Rappelons d’abord les faits. Après un premier tour de scrutin qui n’avait pas fait de gagnant, un deuxième tour donnait 49,42% des voix au pro-russe Vikto Ianoukovitch et 46,69% des voix au pro-occidental Viktor Iouchtchenko. Mais des sondages à la sortie des bureaux de votation – les fameux « exit polls » - indiquaient une avance de 11% pour Iouchtchenko et des observateurs étrangers rapportaient des irrégularités et de allégations de fraude. Il n’en fallait pas plus pour que Iouchtchenko et ses partisans refusent les résultats officiels et organisent des rassemblements de protestation à travers le pays.

Le 23 novembre 2004, une manifestation pacifique rassemblant environ un demi-million de défenseurs de Iouchtchenko avait lieu sur la place de l'Indépendance à Kiev. Malgré le froid et la neige, les manifestants ont campé sur place. Ils arboraient des drapeaux de couleur orange, symbole principal du mouvement. Ce mouvement de protestation a réussi à provoquer la tenue d’un troisième tour de scrutin qui donna finalement la victoire à Viktor Iouchtchenko avec 52 % des suffrages. C’était la victoire de ce que les médias occidentaux ont appelé la Révolution orange.

L'ex-pouvoir ukrainien, le gouvernement russe ainsi que des groupes occidentaux de gauche ont accusé les organisations à l’origine des manifestations d’appui à Iouchtchenko d’être largement financées par des institutions telles l'Open Society Institute de George Soros, le National Democratic Institute, proche du parti démocrate américain et la Freedom House, proche du gouvernement américain.

Un demi-million de dollars pour des « élections justes »

L’article du Globe and Mail nous apprend aujourd’hui que le Canada a aussi trempé dans cette affaire. Selon le journaliste Mark MacKinnon, l’ambassadeur canadien alors en poste à Kiev, Andrew Robinson, a joué un rôle prépondérant dans ces événements.

Il aurait versé dès le printemps 2004 la somme de 30 000 $ US au groupe Pora, ce groupe de jeunes radicaux qui a occupé la place centrale de Kiev au mois de décembre 2004. C’est du moins ce qu’affirme aujourd’hui Vladislav Kaskiv, le leader de ce groupe. « Ce sont les premiers montants d’argent que le groupe a reçu. C’est là que tout a commencé », déclare M. Kaskiv au journaliste du Globe.

L’argent versé à Pora n’est qu’une des facettes de l’intervention canadienne dans les affaires intérieures de l’Ukraine. L’ambassade canadienne aurait versé plus d’un demi-million de dollars pour soutenir des « élections justes » en Ukraine. Selon l’aveu même de l’ambassadeur Robinson, les montants d’argent alloués par le Canada, bien qu’inférieurs à ceux des Etats-Unis, « étaient significatifs et méritent d’être connus ».
Dès janvier 2004, peu après la « révolution des roses » en Georgie, l’ambassadeur canadien reconnaît avoir organisé des rencontres secrètes mensuelles des ambassadeurs de 28 pays occidentaux pour aider à l’élection de Viktor Iouchtchenko.

Concrètement, le Canada a investi de l’argent dans l’organisation des fameux « exit polls » qui contredisaient les résultats officiels en donnant la victoire à Viktor Iouchtchenko et qui ont incité les jeunes à descendre dans la rue.

Le Canada, premier pays à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine

Outre l’ambassadeur canadien, le joueur clé de l’intervention canadienne était Boris Wrzesnewskyj, un député libéral proche du premier ministre Paul Martin, dont la sœur était une amie de la femme de Viktor Iouchtchenko. Déjà en 1991, Boris Wrzesnewskyj était à l’origine d fait que le Canada ait été le premier pays à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine.

M. Wrzesnewskyj faisait partie du groupe d’observateurs soi-disant « impartiaux » lors du deuxième tour de scrutin et il a fait les manchettes en Ukraine en condamnant les fraudes présumées. Deux jours plus tard, il était sur une tribune érigée sur la Place de l’Indépendance pour proclamer sa conviction que Viktor Iouchtchenko avait gagné. Des drapeaux canadiens sont alors apparus parmi la mer de drapeaux oranges.

M. Wrzesnewskyj se vante d’avoir investi 250 000 $ de sa fortune personnelle dans l’élection en faisant transiter les fonds par l’intermédiaire de l’Université de l’Alberta. Il a parrainé le contingent de 500 observateurs venus du Canada à même des fonds fédéraux et de 500 autres Ukrainiens venus de façon « indépendante ».

Un de ces observateurs, M. Wynnyckyj, a déclaré au journaliste du Globe : « On nous a demandé de ne pas arriver avec des vêtements de couleur orange, mais il n’y avait aucun doute sur la partisanerie des observateurs ».

L’implication de M. Wrzesnewskyj ne s’est pas limitée à faire venir du Canada des observateurs « impartiaux », à organiser et financer des « exit polls » et à dénoncer publiquement la « fraude » de ses adversaires pro-russes.

Une intervention canadienne au plus haut niveau

Il raconte au journaliste du Globe qu’il a rencontré dans le plus grand secret Yaroslav Davydovych, le président de la Commission électorale centrale de l’Ukraine pour lui faire savoir l’importance que les pays occidentaux accordaient à une victoire de Viktor Iouchtchenko et que « dans de telles circonstances historiques, le Canada pouvait garantir la sécurité de M. Davydovych et lui assurer, ainsi que sa famille, un sauf-conduit vers le Canada si les événements le forçaient à quitter le pays ».

Quelques jours plus tard, M. Davydovych, défiant les autres membres de la Commission électorale, refusait d’introniser M. Ianoukovitch, le candidat pro-russe, comme président et ordonnait la tenue d’un second tour qui allait donner Iouchtchenko gagnant.

Bien entendu, toute ressemblance avec des événements s’étant produit au Québec en 1995 est fortuite.

|Des diplomates et politiciens canadiens étaient grossièrement intervenus en s'inspirant du Love-in de 1995 au Québec
17|24|Mouvements_syndical|Cinq ans de dégâts dans l'entretien des autobus|2007-04-29 22:09:03|Marc Laviolette|

Le 25 février 2007 plus de 800 membres du syndicat des transports de Montréal (CSN) réunis en assemblée générale, votaient à 97 % pour la grève. Même si leur convention collective était échue depuis le 7 janvier 2007, le syndicat voulait indiquer clairement sa mobilisation face aux enjeux de la négociation actuelle soit, réorganiser le travail au service d’entretien de la STM de façon à réparer les cinq années de dégâts de la gestion privée du service d’entretien par la firme Slivia et, d’autre part, revendiquer la pleine gestion paritaire du fond de pension et rendre permanentes, donc accessibles à tous les membres, les primes de raccordement permettant aux salariés de prendre leur retraite après 30 ans d’ancienneté ou à l’atteinte du facteur 80 (âge et ancienneté).

Malgré les hauts cris poussés par les éditorialistes et les « biens pensants de la société » contre le vote de grève, les syndiqués sont déterminés à relever le défi de la mise à niveau de la flotte d’autobus de la STM. « Pour y arriver, ça passe par la négociation de la réorganisation du travail », confiait à l’aut’journal, Pierre St-Georges, président du syndicat de l’entretien, CSN.

Le dossier noir de Slivia, la fille de Kéolis

En mai 2006, le syndicat rendait public le dossier noir de la gestion privée de la firme Slivia, une entreprise privée issue de l’association de la firme SNC-Lavalin avec la firme européenne Kéolis. Pour le syndicat, les quatre ans de gestion privée de l’entretien des autobus (une forme de PPP) était un désastre.

Lors de la conférence de presse de 2006, le président Pierre St-Georges déclarait « La flotte d’autobus de la STM est dans un tel état que, si rien ne change à très court terme sur la façon dont la direction du réseau des autobus gère l’entretien, c’est une question de jours, de semaines, à la rigueur, de mois pour qu’un malheur ne survienne ».

La condition actuelle des autobus était, de l’avis du syndicat, plus dégradée que lors de la crise vécue par la STCUM en 1993, alors que la condition des véhicules était dans un état pitoyable et représentait un risque pour les usagés. Aujourd’hui, lors de l’inspection des véhicules, il n’est pas rare que les travailleuses et travailleurs de l’entretien constatent des freins usés jusqu’au métal, des suspensions brisées, des carrosseries perforées côté trottoir, des problèmes de direction…

Faire sortir les autobus pour toucher le « cash »

« Le résultat est facile à comprendre, Kéolis avait un contrat de 1,5 million par année plus 10 % du montant total du contrat de bonification si la firme augmentait l’offre de services (sorties d’autobus) selon les objectifs fixés. Pour faire son « cash », Kéolis augmenta à 1 300 autobus sortis par jour. Depuis que Kéolis a été congédié, nous sommes à 1 240 sorties d’autobus par jour. Kéolis (trois personnes) pour toucher sa prime, mettait en circulation des autobus qui auraient dus être immobilisés parce que non-conforme aux normes Société d’assurances automobile du Québec ». Le syndicat évalue que, selon ces mêmes normes, de 400 à 450 autobus devraient (aujourd’hui) être immobilisés immédiatement. Pour les syndiqués, la mise à niveau de la flotte coûtera plusieurs centaines de millions de dollars.

Pour le président du syndicat de l’entretien : « Ce n’est pas les 100 millions annoncés par le gouvernement Charest pour venir en aide au transport en commun au Québec qui vont régler le problème. Quand un service d’entretien composé de 2 200 travailleurs et travailleuses génère 480 000 heures de temps supplémentaires par année c’est qu’il y a un grave problème d’organisation du travail et de gestion ».

Lors du renouvellement de la convention collective, la STM devra pour se sortir du marasme compter sur l’intelligence et la force de travail de ses salariés. C’est ce qu’a très bien compris la direction du syndicat CSN. Une telle attitude démontre bien le caractère progressiste de ce syndicat oeuvrant dans le transport en commun : s’assurer que leur travail préserve la sécurité du public et augmente l’offre de ce service public à la fois stratégique pour la population de Montréal et essentiel dans la réduction du nombre d’automobile circulant sur l’île de Montréal. « La réorganisation du travail doit être négociée avec le syndicat et nous avons des objectifs précis à atteindre à ce chapitre », concluait M. St-Georges.

Un problème d’équité intergénérationnelle à régler

 « Parmi les 2 200 membres du syndicat, près de 50 % sont des jeunes. Présentement ces jeunes n’ont pas accès aux mesures de bonifications temporaires (primes de raccordement) permettant aux salariés qui ont 30 ans d’ancienneté ou qui atteignent le chiffre magique 80 (âge et ancienneté) de prendre leur retraite. C’est un problème d’équité intergénérationnelle. Nous voulons rendre permanente ces primes de raccordement pour permettre à tous les membres d’y avoir accès ». C’est le sens des négociations sur le fonds de pension. Le syndicat exige aussi la pleine gestion paritaire du fonds de pension. Actuellement la STM a un droit de veto sur la nomination de l’actuaire, sur la nomination du gestionnaire et sur la politique de placement. « Nous voulons avoir notre mot à dire sur les aspects stratégiques de notre fonds de pension », nous confiait le président du syndicat.

Jusqu’où ça va descendre avant que ça tourne?

En cette période du 1er mai, fête internationale des travailleurs, Pierre St-Georges est à la fois critique et confiant à propos du mouvement ouvrier. « Le mouvement ouvrier a toujours tiré son épingle du jeu. J’ai confiance dans l’histoire mais aujourd’hui je me demande jusqu’où ça va descendre avant que ça tourne. Je trouve ça inquiétant. Nous avions promis à Jean Charest que nous serions au rendez-vous électoral pour lui faire ravaler ses mesures anti-syndicales et anti-sociales. Avec l’absence d’activités de mobilisation syndicale durant la campagne électorale et le résultat des élections, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on a lâché. Nous devrions nous inspirer du mouvement étudiant dans la lutte contre les coupures de 103 millions dans l’aide aux étudiants. Ils ont maintenu la pression et ont forcé le gouvernement à reculer ».

Dans ce contexte, la lutte du syndicat de l’entretien de la STM pour l’équité intergénérationnelle et pour le maintien et le développement du transport en commun à Montréal est un vent de fraîcheur.

|Le désastre de la gestion de la flotte d'autobus de Montréal par Slivia, une filiale de la française Kéolis.
18|25|Accueil_Actualités Livres|Deadline America|2007-04-29 22:18:54|Pierre Dubuc|Photo: École des médias, UQAM

Oh! Que je n’étais pas de bonne humeur lorsque la dernière édition de l’aut’journal (no. 258) nous est revenue de l’imprimeur et que l’erreur de la première page m’est sautée en pleine face. Les scores sur notre bulletin de note des dernières élections étaient erronées. Nous donnions 38% au Parti libéral, 32% à l’ADQ et 28% au Parti Québécois, alors que les vraies scores sont respectivement de 33%, 31% et 28%.

Tout à fait par hasard, le lendemain, je me suis mis à la lecture de Deadline America, le livre d’Antoine Char et, dès le premier chapitre, je tombe sur le cas du Chicago Tribune qui ne s’était jamais remis d’avoir annoncé en 1948 la victoire du républicain Thomas Dew sur le président sortant Harry Truman.

Le journal est depuis ce jour la risée de la confrérie journalistique pour avoir titré dans sa première édition Dewey defeats Truman. L’erreur fut corrigée dans l’édition suivante. Mais c’était trop tard, le président Truman avait sa copie entre les mains dans le train qui le ramenait à Washington.

Le Chicago Tribune a décidé par la suite de tourner la situation à son avantage et son numéro barré du Dewey defeats Truman se vend 900 dollars l’exemplaire, soit trois fois plus que celui annonçant l’assassinat d’Abraham Lincoln. La boutique du journal fait des affaires d’or avec le t-shirt Dewey defeats Truman.

Mais le journal a exorcisé cette vieille manchette dans la nuit du mardi 7 novembre 2000 alors qu’il titra « As close as it gets » sur les résultats de l’élection opposant George W. Bush et Al Gore, alors que ses principaux concurrents titraient Bush appears to defeat Gore (New York Times), It’s Bush in a Tight One (Boston Globe). Ces derniers durent se rétracter le lendemain, car Bush ne fut élu président qu’au terme d’une folle saga politico-judiciaire de 36 jours. « En une nuit, le Chicago Tribune avait exorcisé la manchette Dewey-Truman », écrit Antoine Char qui était présent cette nuit-là dans la salle de rédaction du quotidien de Chicago.

Professeur à l’école des médias de l’UQAM, Antoine Char raconte dix tranches de vie de la société américaine à partir de la Une de ses grands et petits quotidiens. Il nous relate en détails – parce qu’il était présent dans les locaux des journaux – la couverture de l’exécution de Thimothy McVeigh par le Norman Transcrip d’Oklahoma City, les Jeux olympiques de Salt Lake City vus deux journaux rivaux au pays des Mormons, le Deseret News et le Salt Lake Tribune, l’élection de Arnold Schwarzenegger par le Sacramento Bee, l’approbation des mariages gais par l’État du Massachusetts à travers les pages du Christian Science Monitor, le procès de Michael Jackson pour pédophilie par le Santa Maria Times et quatre autres histoires.

Au-delà du bourdonnement de chacune de ces salles de presse, Char nous présente un portrait vivant de la presse américaine avec en prime son background historique. Bien entendu, ce sont aussi des tranches de vie de la société américaine. À lire pour comprendre le fonctionnement des médias de nos voisins du sud, mais aussi, tout simplement, parce que les histoires sont drôlement bien tournées.

Antoine Char, Deadline America
Hurtubise HMH, 2007
|Un portrait vivant de la presse américaine et de son background historique
19|26|International Politique_Canada|De Vimy à la crise de la conscription...|2007-04-30 20:28:08|Pierre Dubuc|

Photo: David Mendiboure

Le gouvernement canadien a commémoré dans un faste exceptionnel le 90e anniversaire de l’assaut de la crête de Vimy par les troupes canadiennes lors de la Première guerre mondiale. Pour la première fois de l’histoire, quatre divisions canadiennes unissaient leurs efforts pour un assaut commun. La presse anglophone, se faisant l’écho de plusieurs manuels d’histoire canadiens-anglais, a présenté l’événement comme étant rien de moins que l’acte fondateur du Canada.

La commémoration de Vimy fait partie d’une intense campagne de propagande du gouvernement canadien pour justifier la guerre en Afghanistan. Elle coïncide avec le lancement de la télésérie La Grande Guerre qui met en vedette Justin Trudeau dans le rôle de Talbot Mercer Papineau.

Redéfinir l’identité canadienne autour des valeurs militaires

Le premier ministre Michael Valpyre Stephen Harper vient d’une famille militariste – son père a publié deux livres sur les emblèmes militaires du Canada – et il ne se cache pas de vouloir redéfinir l’identité canadienne autour de la Politique étrangère, de la Défense et de l’Armée. Une des premières mesures importantes de son gouvernement a été de prolonger jusqu’en 2009 la mission canadienne en Afghanistan et son ministre de la Défense, Gordon O’Connor, vient de laisser entendre que celle-ci pourrait se poursuivre après la date butoir de 2009.

Malgré la campagne d’intoxication en cours, particulièrement au Canada anglais, il se trouve néanmoins des journalistes pour dégonfler le mythe de Vimy. Dans le Globe and Mail du 7 avril, Michael Valpy rappelle qu’il n’y a qu’au Canada où l’assaut de la crête de Vimy est célébré comme un important fait d’armes.

Il souligne également que, bien qu’il soit vrai que les soldats canadiens aient remporté une victoire tactique, celle-ci avait été préparée par des stratèges militaires britanniques, que les troupes canadiennes étaient composées en majorité d’immigrants britanniques de fraîche date, commandées par des officiers britanniques et qu’elles bénéficiaient du soutien logistique de l’artillerie britannique. La présence de la Reine d’Angleterre à la commémoration du 90e anniversaire n’était donc pas du tout déplacée !

Il faut dire que le premier ministre Stephen Harper est un nostalgique de l’empire britannique. Il y a un an, lors d’un voyage en Angleterre, il a salué les valeurs communes qui unissent toujours la petite île – le Royaume-Uni – et le grand Dominion, le Canada ! Il y avait longtemps qu’un premier ministre canadien avait fait référence à son pays comme étant un dominion britannique !

Michael Valpy précise que la reconnaissance par le Canada de l’importance de cette bataille est venue de la presse… anglaise et américaine ! Il raconte que le premier ministre Borden a écrit dans son journal personnel : « Tous les journaux louent les Canadiens. Le New York Times a déclaré que la bataille « sera dans l’histoire canadienne.. une journée de gloire qui servira d’inspiration aux jeunes Canadiens pour des générations à venir » ».

La Grande guerre pour la civilisation

Pendant que la Reine d’Angleterre et le premier ministre canadien commémoraient le sacrifice des 3 598 soldats morts dans l’assaut de la crête de Vimy – et des 7 104 blessés – les nouvelles en provenance d’Afghanistan nous apprenaient la mort de six soldats canadiens dans l’explosion de leur blindé.

La Reine Élizabeth II et M. Harper n’ont pas manqué de faire le lien entre les deux événements. En fait, les deux conflits se déroulent à la même enseigne. C’est ce que nous rappelait dernièrement le journaliste britannique Robert Fisk dans son livre La Grande guerre pour la civilisation. Fisk a donné ce titre à son livre qui porte sur les conflits actuels au Moyen-Orient après avoir trouvé une médaille militaire de son père, vétéran de la Première guerre mondiale, sur laquelle étaient frappés ces mots : La Grande guerre pour la civilisation.

La Première guerre mondiale était une guerre injuste, une guerre pour le partage des richesses du globe entre les grandes puissances. La guerre en Afghanistan, qui s’inscrit selon George W. Bush dans le cadre de « la guerre pour la civilisation », est également une guerre pour le contrôle des richesses pétrolières de la région. Le risque existe qu’elle dégénère, avec la guerre contre l’Irak et bientôt peut-être contre l’Iran, en un nouveau conflit mondial.

La crise de la conscription, un acte fondateur du mouvement indépendantiste

Le scandale de la traduction bâclée des panneaux d’interprétation au site historique de Vimy a fait dérailler au Québec la campagne de propagande fédérale et est venu pertinemment rappeler que la question linguistique et nationale a également été à l’origine de l’opposition du Québec à cette guerre.

Avec à leur tête le leader nationaliste Henri Bourassa, les Québécois se sont opposés à une participation à la guerre en rappelant le Règlement 17 en Ontario qui privait les Franco-ontariens de leurs écoles françaises. Lorsque les lourdes pertes subies lors de la bataille de la crête de Vimy forcent le gouvernement Borden à mettre en vigueur la conscription, le Québec se révolte et des émeutes font quatre morts dans la ville de Québec.

C’est pour combattre l’opposition à la guerre que les autorités fédérales sortent de leur manche Talbot Mercer Papineau, un arrière petit-fils de Louis-Joseph Papineau. Talbot Mercer Papineau, un anglo-protestant d’origine américaine, fait paraître dans The Gazette un texte qui s’en prend au pacifisme d’Henri-Bourassa qui, rappelons-le, était le petit-fils de Louis-Jospeph Papineau.

Son texte, nous rappelle Normand Lester dans un article publié dans Le Devoir (2 août 2006), sera utilisé à des fins de propagande impérialiste jusqu'en Angleterre. Sous le titre «The soul of Canada», le Times de Londres le publie.

En regardant Justin Trudeau interpréter Talbot Mercer Papineau, souvenons-nous que les événements racontés ont conduit à la crise de la conscription et au dépôt à l’Assemblée législative du Québec d’une motion par le député J.-N. Francoeur qui stipulait que le «Québec serait disposé à accepter la rupture du pacte fédératif de 1867».

|La commémoration de Vimy fait partie d’une intense campagne de propagande du gouvernement canadien pour justifier la guerre en Afghanistan. 
20|27|Économie Accueil_Actualités|Des taux de profits de prêteurs à gages|2007-05-01 14:06:34|Gabriel Ste-Marie|

Les profits totaux après impôts des cinq plus importantes pétrolières actives au Canada sont passé de 25 milliards $ en 1999 à 121 milliards $ en 2006. Et le gouvernement canadien persiste à verser 1,6 milliards $ en subventions à cette industrie à chaque année. C’est ce que révèle une étude du prof Léo-Paul Lauzon et de son collègue Marc Hasbani sur l’industrie pétrolière, intitulée Le taxage continuel de la dictature pétrolière mondiale.

En 2006, ces cinq pétrolières ont enregistré un rendement annuel après impôt de 28% ! Ce taux grimpe à 35% pour Exxon (Esso). Lauzon rappelle que « même les prêteurs sur gage n’osent pas demander de tels taux ! » Ces entreprises remettent 63% de leur profit à leurs actionnaires, plutôt que de les réinvestir. Pour Exxon, c’est 83%. Ces résultats confirment les dires de Rex Tillerson, PDG d’Exxon, qui affirme que sa stratégie depuis douze ans est d’investir le moins possible et dépenser le moins possible.

On ferme des raffineries pour faire monter les prix

Pour Léo-Paul Lauzon, il n’est pas étonnant qu’on ne construise plus de raffinerie depuis 1976 en Amérique du Nord, et qu’on en ait fermé la moitié, malgré une demande grandissante : « Ils contrôlent l’offre pour faire augmenter les prix ».

Les auteurs affirment que le Canada est à peu près le seul pays où l’industrie pétrolière n’est pas nationalisée et qu’elle appartient principalement à des intérêts étrangers, en l’occurrence à des entreprises étatsuniennes et anglaises.

« Les traités de libre-échange et la privatisation de Petro-Canada a enlevé au gouvernement tout contrôle sur cette ressource. » Lauzon explique que le Canada ne pourrait légalement assurer l’approvisionnement de ses marchés en pétrole, s’il y avait par exemple une pénurie mondiale : « C’est navrant, surtout si on considère que le Canada, largement autosuffisant, est le sixième producteur de pétrole et la deuxième réserve mondiale. » Le Canada est le principal fournisseur aux États-Unis.

Le Mexique, qui fait aussi parti de l’Accord de libre-échange nord-américain, a pourtant refusé d’inclure le pétrole et les hydrocarbures dans ce traité, et encore moins de privatiser sa pétrolière Pemex.

Des nationalisations contre l’hégémonie américaine

Les auteurs de l’étude affirment que le Canada, par son immobilisme, va à l’encontre de la tendance actuelle des pays producteurs de pétrole à nationaliser cette industrie. Nous n’avons qu’à penser à la Russie, au Venezuela, au Tchad, à la Bolivie, à l’Équateur, à Dubay (un des Émirats arabes unis) et à l’Argentine.

Pour Léo-Paul Lauzon, c’est à cause de ces nationalisations que le cours international du brut aurait diminué. Il devient embêtant d’enrichir ces pays qui présentent une menace à l’hégémonie américaine. Lauzon poursuit : « C’est aussi pourquoi les États-Unis ont demandé au Canada de quadrupler sa production, via les sables bitumineux. Il faut couper l’herbe sous le pied de ces pays. Il ne faut surtout pas qu’ils servent d’exemple à d’autres pays comme le Nigéria ou le Congo. »

Qu’à cela ne tienne, ces nationalisations sont là pour rester. Par exemple, à cause de leurs besoins croissants, l’Inde et la Chine s’associent avec les entreprises nationalisées.

Les auteurs rappellent qu’en plus des pays susmentionnés, le Brésil, la Chine, la Norvège, la Malaisie, l’Équateur, l’Arabie Saoudite et le Koweit ont nationalisé leur industrie pétrolière : « Tous ces pays, mais pas le Canada. »

Le prof Lauzon explique que la Russie vient de renationaliser ses pétrolières : « Privatisées suite à la chute de l’Union soviétique, elles produisaient moins que du temps de l’ancien régime. » Leur renationalisation a permis au gouvernement de rehausser sa marge de manœuvre et d’effectuer des remboursements record sur sa dette contractée au Club de Paris.

Le Canada doit aussi nationaliser l’industrie pétrolière. Lauzon s’explique : « On a bien privatisé le CN, Air Canada, Petro-Canada, Téléglobe, Télésat, Canadair, Les Arsenaux Canadiens, Les aéroports, IAF Biochem Pharma, Cambior, Domtar, le contrôle aérien, etc., Le chemin inverse devrait pouvoir se faire de temps en temps ! »

Pour une raffinerie québécoise

À défaut de l’immobilisme du gouvernement Harper, les auteurs suggèrent que le Québec construise une raffinerie. Lauzon rappelle qu’au Québec, le marché du pétrole est contrôlé à 75% par Esso, Shell, Petro-Canada et Ultramar. Le projet d’une raffinerie appartenant au gouvernement pourrait se faire en collaboration avec les détaillants indépendants comme Sonic, Harnois ou Crevier, et via la société d’État Soquip.

La raffinerie importerait directement son brut du Mexique, de la Norvège ou du Venezuela. Un tel projet coûte environ 3 milliards $. Payé comptant et en un seul coup, cela revient à un peu plus que les profits d’Hydro-Québec d’une année ou à 5% des revenus d’une année du gouvernement du Québec. Il reste à approfondir l’analyse d’un tel projet et d’évaluer les bénéfices potentiels du gouvernement et de la société en général.

|Les profits totaux après impôts des cinq plus importantes pétrolières actives au Canada sont passé de 25 milliards $ en 1999 à 121 milliards $ en 2006.
21|28|International Accueil_Analyses|Fidel Castro et le Québec|2007-05-01 14:17:45|Pierre Dubuc|

L’entrée triomphale de Fidel Castro à La Havane le 8 janvier 1959 est sans l’ombre d’un doute un des événements marquants du XXe siècle. L’onde de choc se fit surtout sentir en Amérique latine, mais ses réverbérations atteignirent également le Québec.

Quand, trois ans plus tard, le gouvernement Lesage annonça son intention de nationaliser les compagnies d’électricité, se profila l’ombre de Cuba et l’expropriation de compagnies américaines comme la United Fruit. La presse anglo-saxonne nord-américaine accusa le ministre des Richesses naturelles, René Lévesque, d'être le Castro du nord.

La Révolution cubaine et le FLQ

Mais l’impact le plus percutant de la Révolution cubaine se fit principalement sentir sur le mouvement indépendantiste québécois dont il fut une des principales inspirations avec le mouvement de décolonisation en Afrique et le mouvement des droits civiques des Noirs américains. Toute la mythologie entourant ces 12 hommes réfugiés dans la Sierra Maestra, après avoir survécu au débarquement du Granma en 1956, pour y organiser trois ans plus tard un soulèvement victorieux ne pouvait qu’enflammer la jeunesse révolutionnaire.

Le développement de guérillas en Amérique latine, encouragé par Cuba, et surtout celle de Che Guevara en Bolivie, se présente comme un nouveau modèle révolutionnaire, une alternative à des Partis communistes réformistes, sclérosés, qui n’osaient plus contester la Doctrine Monroe et acceptaient que l’Amérique latine soit la chasse-gardée des États-Unis.

L’élan révolutionnaire prend souvent la forme de l’aventurisme et le Québec n’est pas en reste avec la création du Front de libération du Québec. S’inspirant de la guérilla urbaine des Black Panthers américains et des Tupamaros uruguayens, le FLQ procède en octobre 1970 à des enlèvements politiques.

Los dos amigos : Trudeau et Castro

Si Cuba accepte de servir de terre d’exil aux felquistes responsables de l’enlèvement James Richard Cross, ce ne doit pas être interprété comme une manifestation de soutien à la cause indépendantiste québécoise, mais plutôt comme un service rendu à un pays ami, le Canada !

Realpolitik oblige, La Havane a trouvé un allié dans le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau qui se sert de Cuba pour exprimer son désir de desserrer l’étreinte des Etats-Unis. En 1976, Pierre Elliot Trudeau effectue à Cuba l'une des premières visites d'État d'un leader occidental pendant l'embargo imposé par les États-Unis. Il apporte 4 millions de dollars d'aide canadienne et offre un prêt de 10 millions supplémentaires. Dans son discours, Trudeau déclare : « Longue vie au commandant en chef Fidel Castro. Longue vie à l'amitié cubano-canadienne. »

Le génie de Fidel

Fidel Castro a beau avoir proclamé son intention de construire le socialisme, le volontarisme a ses limites. Si, au lendemain de la Révolution d’Octobre, voyant que la révolution ne gagnait pas l’Allemagne et les autres pays européens comme il l’avait souhaité, Lénine a développé la théorie de la construction du socialisme dans un seul pays, c’est parce que l’URSS s’étendait sur un sixième du globe et regorgeait de toutes les ressources naturelles nécessaires au développement d’une industrie moderne.

C’était loin d’être le cas à Cuba, un pays de monoculture du sucre, privé entre autres de pétrole. L’Internationale communiste avait d’ailleurs conclu dans les années 1930 à l’impossibilité d’ériger une base économique socialiste dans les pays des Caraïbes et des Antilles sans la création d’une fédération socialiste de ces pays.

Que Cuba ait réussi à tenir pendant plus de 40 ans, malgré l’embargo américain et l’écroulement du bloc soviétique, cela tient du miracle. Ou plutôt au génie de Fidel Castro qui a su manœuvrer sur cette mer agitée, quitte à permettre quand il le fallait le développement contrôlé de l’économie de marché et promouvoir l’expansion du tourisme avec tout ce que cela comporte.

Dans ces conditions extrêmement difficiles, Cuba a réussi le pari de nourrir, d’instruire et de soigner sa population. L’analphabétisme a été vaincu, la mortalité infantile réduire à un taux de 0,9%. Le système de santé est un des plus performants au monde et un de ses principaux produits d’exportation. Environ 20 000 médecins ont été envoyés par Cuba auprès de 60 pays du tiers-monde. Fidel Castro fut le premier chef d'État à recevoir la médaille de la Santé Pour Tous décernée par l’Organisation mondiale de la santé (OSM).

|La retraite de Castro est l'occasion d'un regard sur les relations passées entre Cuba, le Québec et le Canada
22|29|Économie Environnement|Un détournement de forêts en Abitibi-Témiscamingue|2007-05-01 14:36:53|Camille Beaulieu|

Peinture: Frédéric Back

Ça n’est pas tous les jours qu’un intellectuel poivre et sel tout juste descendu de Montréal assène quelques vérités élémentaires à des auditoires régionaux: La forêt est un bien public auquel la population n’a jamais eu accès. La crise actuelle n’a rien d’original puisqu’elle résulte comme les précédentes d’une fuite en avant vers la concentration. L’absence de concertation, enfin, a toujours interdit les choix cohérents et l’émergence de projets mobilisateurs.

Ce diagnostic lapidaire de la déconfiture de l’industrie forestière crée une certaine commotion, mais fait aussi son chemin, dans les régions ressources que Robert Laplante parcourt ces temps-ci.

La forêt boréale dévastée avec talent

Diapositives à l’appui, le directeur général de l’Institut de recherches en économie contemporaine (IRÉC), énumère ses arguments établissant que, dans le contexte qui fut le sien depuis un siècle, le Québec forestier ne pouvait que se casser la gueule. Puis, il passe aux alternatives.

Il a fallu bien du talent, paraît-il, un siècle de laxisme et de boulimie pour dévaster la forêt boréale jusqu’à menacer l’existence de certaines régions ressources. La crise forestière sape un emploi sur dix en Abitibi-Témiscamigue, le quart des emplois en Jamésie, 8% au Saguenay Lac-St-Jean, et des dizaines de milliers d’autres en Mauricie, sur la Côte Nord et en Gaspésie.

Une centaine d’usines, dont la moitié des scieries, ont fermé au Québec depuis deux ans. La débâcle menace de s’éterniser puisque la construction aux États-Unis, principal débouché québécois, pique du nez en guise de reprise printanière,

Les dépossédés

 De la colonisation à la manière du curé Labelle, saint patron des Laurentides, à celle du début du vingtième siècle en Abitibi: « Les colons, rappelle Robert Laplante, ont été systématiquement dépossédés de leurs bois.»

Privé de cette assise économique, une première génération de colons abitibiens est rétamée comme par un Tsunami par la grande crise économique, celle de 29. La deuxième vague de colons, celle des années 40, a bien souvent hérité elle aussi de lots déjà pillés par les papetières, ce qui ne scandalisait personne à l’époque.

Par la grâce du système de concessions en forêt boréale, huit papetières contrôlaient 72 p.cent du territoire québécois de 1910 à 1974. La compagnie Price au Lac Saint-Jean. La Belgo, la Consol et la Wyagamac en Mauricie.

Chaque région vivait sous la coupe d’au moins une compagnie. La CIP régnait sur l’Abitibi-Témiscamingue, engrangeant indûment - le constat vient d’élus fédéraux des années cinquante - un million de dollars chaque année sur le dos des colons. Cette hégémonie se heurtera à l’essor des chantiers coopératifs à partir de 1942.

L’alternative sabotée : les chantiers coopératifs

Inspirés des écrits d’Esdras Minville, directeur des HEC et partisan d’une forêt au service de l’économie locale, des colons et des bûcherons exploités parfois à 50 cents par jour par les papetières décident de créer des chantiers coopératifs. Avec le succès, ils se prennent à rêver de scieries, ils en construisent d’ailleurs quelques-unes, et, pourquoi pas, d’usines à papier.

Las, les compagnies se ressaisissent et boycottent impitoyablement le mouvement. Québec de son côté refuse d’affermer des boisés à ces gueux, qui péricliteront jusque dans les années 70. Un sabotage, accuse Laplante. « Et un raté majeur du développement régional. »

Puis, la Révolution tranquille passe par là. L’État révoque les concessions forestières au rythme de 31 254 km2 par année à partir de 1972. Il confie, le plus souvent par népotisme, ce qu’on appelle désormais des forêts domaniales à la classe d’affaires montante.

La forêt est dorénavant surexploitée aussi par des p’tits gars de chez-nous avec la bénédiction de l’État. Les Perron, les Cossette et les Saucier en Abitibi et au Lac Saint-Jean, la famille Crète en Mauricie.

Ces dynasties aux dents longues passent du bois de pulpe au bois d’oeuvre, engrangeant au passage des profits pharamineux par la vente de copeaux qui représenteront jusqu’à 43% de la matière première des pâtes et papiers en 1980.

C’est aussi l’époque où, rationalisation oblige, le Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ) ferme 13 villages du Bas du Fleuve, relogeant les populations dans des clapiers de villes centres. La même opération, fomentée par l’Office de planification et de développement du Québec (OPDQ), avortera cinq ans plus tard en Abitibi.

L’Opération « Air bête »

Une quarantaine de paroisses cataloguées marginales, où les agronomes-conseils Côté Duvieusart & associés recommandaient « un retrait complet de l’agriculture », se rebiffent. Éclate alors « l’Opération Air Bête » par laquelle villageois et agriculteurs exaspérés des coupes forestières jusque sur leurs pas de portes réclament « la mise en valeur des richesses du milieu, par les gens du milieu, pour les gens du milieu ».

Les travailleurs sociaux de l’anti-émeute montréalaise matraqueront quelques redoutables mères de familles de Manville en 1971. Les régionaux ont néanmoins gain de cause. L’opération braderie des villages avorte.

Puis, fin des dynasties régionales et retour aux sources vingt ans plus tard. La plupart des usines créées par des entrepreneurs régionaux tombent dans le giron de grosses compagnies qui coupent, scient et produisent des pâtes, c’est l’intégration verticale poussée à ses limites continentales.

Les CAAF ( contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestiers) qui liaient des boisés à une usine pour favoriser l’entrepreneurship régional figent maintenant la situation au profit de ces méga compagnies, devenues seuls maîtres d’oeuvres en forêt après la démission de l’État.

Puis vint L’Erreur boréale

Les collectivités, elles, n’ont toujours pas accès au bois, cantonnées au « cheap labour », à la sylviculture et aux travaux saisonniers. Cette surexploitation, assortie de travaux sylvicoles anémiques et boiteux, sera dénoncée quelques années plus tard par l’Erreur boréale et le Rapport Coulombe. C’est alors seulement que le Québec ouvre les yeux !

De nos jours encore, les médias taisent et les élus cachent, révèle Laplante, que la crise actuelle est un « remake » des crises précédentes. Celles des années 20, des années 70 et des années 80. Au nom de la compétitivité, de l’emploi et de la rationalisation, Québec et l’industrie proposent déjà en catimini, et le ton ira croissant avec la crise et le chômage, plus de souplesse dans les réglementations et le transport interrégional du bois vers des usines plus performantes.

« Ce remède a déjà été administré. » L’état du malade s’aggrave d’une crise à l’autre. Les déménagements de bois à l’intérieur d’une région menacent maintenant de dégénérer en Grand Dérangement à l’échelle de la province. « Autrefois les villages étaient mal pris, observe Laplante, aujourd’hui ce sont des villes qui écopent. »

Le démantèlement des CAAF évoque déjà des scénarios catastrophe aux yeux des régionaux. Des villes fermées ou réduites à l’état de gros centres d’appel, contournées chaque jour par des caravanes de camions de grumes escortés par la Brink’s.

« Il ne faut pas répondre à la crise par des solutions accélérant les tendances qui nous y ont conduit: des usines plus grosses et moins polyvalentes, » prévient Robert Laplante. Ni par une plus grande concentration de l’industrie ou de la forêt , 80 p.cent des CAAF au Lac Saint-Jean sont déjà propriétés de la seule Bowater-Abitibi et Weyerhaeuser-Domtar contrôle 34% du papier fin en Amérique du Nord.

Des solutions existent

Le directeur de l’IRÉC appelle plutôt à un projet social dans lequel la communauté redeviendrait le centre de gravité de l’économie forestière. « L’avenir forestier ne se définira dans l’harmonie que si les communautés ont la possibilité réelle de vivre de la forêt. Elles sont trop nombreuses actuellement à dépendre davantage des compagnies que de la forêt. »

Des projets existent, rappelle-t-il, « qui sont des actes de résistance aux effets déstructurants du modèle industriel. » Celui du Secteur des Côteaux en Abitibi, ceux du groupe de travail Genest en Gaspésie et plusieurs initiatives de MRC comme celle de Maria-Chapdelaine.

« Ces communautés savent que le développement, c’est plus que l’emploi. Elles comprennent que pour prendre le virage de la deuxième transformation, pour diversifier les moyens de créer et de capter une plus grande part de la valeur des produits forestiers, elles doivent contrôler la ressource stratégique : la forêt. »

Robert Laplante plaide donc partout où il passe en faveur d’un nouveau Pacte forestier et de nouveaux projets axés sur les PME locales et les coopératives, quitte à racornir le rôle de la grande entreprise en forêt publique.

L’arrivée de nouveaux acteurs permettrait, selon lui, d’implanter pas moins de cinq mille fermes agro forestières en une décennie à travers le Québec. Cinq mille exploitations qui harmoniseraient la politique forestière avec celles d’occupation du territoire et de la ruralité. « Chose certaine, il nous faut réinventer une nouvelle économie forestière ! »

|La forêt est un bien public auquel la population n' a jamais eu accès.
23|30|Langue|Le bilinguisme, c’est pas beautiful, ça !|2007-05-01 14:52:04|Charles Castonguay|

Sur la photo: André Laurendeau et Davidson Dunton

Pour marquer le 40e anniversaire du rapport de la Commission Laurendeau-Dunton, Radio-Canada a fait grand battage pendant une semaine autour d’un sondage CROP sur le bilinguisme. Procédé qui en dit long sur la qualité de l’information diffusée par Radio-Canada.

Un sondage biaisé

CROP a écarté de son échantillon tous les Canadiens qui ne parlent pas l’anglais ou le français comme langue d’usage à la maison. Il s’agit de 3 millions de personnes, soit 10 % de la population. Le site de Radio-Canada présente néanmoins les résultats comme représentatifs de l’ensemble des Canadiens. La Commission Laurendeau-Dunton avait été plus respectueuse des allophones et des Autochtones.

Le sondage est tout aussi faussé en ce qui concerne les minorités francophones. La majorité des francophones hors Québec dans l’échantillon CROP habitaient des comtés du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario avoisinant le Québec alors que, en réalité, la plupart vivent dans un environnement où ils sont beaucoup plus minoritaires et moins bien lotis.

L’échantillon n’est donc pas représentatif non plus des minorités francophones. À tel point que selon les résultats obtenus par CROP pour Radio-Canada, les anglophones du Québec sont plus à plaindre que les francophones hors Québec quant à la disponibilité de services fédéraux dans leur langue. Ce qui a ensuite permis à Anthony Housefather, ex-président d’Alliance Québec invité à «Dimanche Magazine», de jouer longuement au martyr sur les ondes de notre radio d’État.

Quand la langue d’usage remplace la langue maternelle

Le comble c’est que CROP a classé les francophones et les anglophones en fonction de la langue d’usage à la maison au lieu de la langue maternelle. En 2001, il y avait près de 400 000 personnes de langue maternelle française à l’extérieur du Québec qui parlaient l’anglais comme langue d’usage à la maison.

L’approche toute croche de CROP compte tous ces francophones anglicisés comme autant d’anglophones bilingues. Ce qui a pour effet de transformer l’assimilation croissante des minorités francophones en une poussée de bilinguisme parmi la majorité linguistique dans le Rest of Canada. Bonne nouvelle, que Radio-Canada répand sans broncher coast-to-coast-to-coast. Ignoble de se gargariser ainsi de bilinguisme sur le dos des francophones en voie d’assimilation.

L’œuvre de Trudeau

On sait que Trudeau a enterré l’approche initiale de la Commission Laurendeau-Dunton à la crise que traversait – et que traverse encore – le Canada. Tant et si bien que depuis l’adoption en 1969 de sa Loi sur les langues officielles, l’anglicisation des francophones hors Québec n’a pas dérougi.

L’anglicisation du Canada tout court se constate non seulement en ce qui touche au poids de sa population qui parle le français comme langue première mais jusque dans les données de recensement sur la connaissance du français et de l’anglais. Ce que dissimule l’habituelle analyse euphorisante des organismes gouvernementaux canadiens.

De Keith Spicer à Graham Fraser, les commissaires aux langues officielles du Canada nous rappellent que le bilinguisme institutionnel du gouvernement canadien vise à mettre fin à la discrimination linguistique en assurant aux parlants français comme aux parlants anglais des services fédéraux de qualité égale dans leur langue.

Ce qui équivaut à protéger l’unilinguisme, qu’il s’agisse d’unilinguisme français ou anglais. Or, loin de se résorber, le déséquilibre canadien en matière d’unilinguisme s’accentue à chaque recensement.

Baisse en chiffres absolus du nombre d’unilingues français

De 1971 à 2001, les unilingues français sont passés de 18 à 13 % de la population canadienne. Et la tendance s’emballe au point que le nombre d’unilingues français baisse maintenant en chiffres absolus, passant de 4,1 à 3,9 millions entre 1991 et 2001. Cela marque le renversement d’une tendance près de quatre fois séculaire, puisque le nombre d’unilingues français au Canada était sans doute en hausse depuis 1608.

Au contraire, l’unilinguisme anglais s’est maintenu parfaitement à 67 % de la population. En chiffres absolus, il a progressé de 14 millions en 1971 à 20 millions en 2001. Alors que le nombre d’unilingues français évolue désormais à la baisse, le Canada compte un million d’unilingues anglais de plus à tous les cinq ans!

Quand le bilinguisme remplace l’unilinguisme français

Par conséquent, la progression du bilinguisme n’a fait que compenser la chute de l’unilinguisme français. De sorte que le pourcentage de la population canadienne qui se considère capable de parler français n’a pas du tout augmenté, demeurant à 31 % en 2001 comme en 1971.

En même temps, le maintien de l’unilinguisme anglais et la montée du bilinguisme ont fait passer la connaissance de l’anglais au Canada de 80 à 85 % de la population. En matière d’unilinguisme et de bilinguisme, tout comme en celle de langue maternelle ou de langue d’usage, l’inégalité entre l’anglais et le français s’est creusée depuis la Commission Laurendeau-Dunton.

Mais présenter les choses de cette façon donnerait trop à réfléchir. Le mandat de tout organisme fédéral est de renforcer l’unité canadienne. Alors, pour fêter l’anniversaire de Laurendeau-Dunton, Radio-Canada nous commande un CROP grand cru qu’il nous sert avec une publicité à la sauce franglaise, du genre LE BILINGUISME / C’EST PAS / «BEAUTIFUL» / ÇA?

À propos, cette année est aussi le 30e anniversaire de la Charte de la langue française. Ou plutôt de ce qu’il en reste. La loi 101 était censée elle aussi protéger les parlants français contre la discrimination, notamment dans le monde du travail. Attendons voir si Québec va fêter ça et, le cas échéant, comment.

|La progression du bilinguisme n’a fait que compenser la chute de l’unilinguisme français
24|31|Économie|Rembourser la dette coûterait trop cher|2007-05-01 15:29:19|Gabriel Ste-Marie|

Sur la photo: l'économiste Louis Gill

En janvier dernier, l’économiste Louis Gill rendait publique une étude qui réfute la proposition des « lucides » sur la nécessité de rembourser la dette publique pour faire face au vieillissement de la population.

Son étude critique sévèrement le manque de rigueur dont font preuve le fiscaliste Luc Godbout et l’économiste Pierre Fortin. Gill rebaptise ces deux « lucides » en « translucides » : Qui laissent passer la lumière sans toutefois permettre de voir clairement les objets.

Un remboursement accéléré de la dette publique n’est pas une solution : « Le déclin démographique et le vieillissement de la population sont incontestablement des réalités auxquelles nous faisons face. Dans l’appréciation de leur gravité et dans l’évaluation de leurs conséquences toutefois, il faut se garder de sombrer dans l’alarmisme et surtout s’abstenir de recourir à des méthodes de calcul irrecevables qu’on tenterait d’accréditer sous de fausses apparences de scientificité. »

Une marge de manœuvre à un coût prohibitif

L’économiste Gill rappelle que le ratio dette-PIB diminue de lui-même avec l’augmentation de la production. Accélérer cette diminution via un remboursement de la dette coûte cher pour peu de résultats : « Une réduction, même fort élevée, de la dette ne permet de dégager qu’une marge de manœuvre minuscule à un coût prohibitif, sur laquelle on ne saurait compter pour faire face à une hausse à prévoir des dépenses d’opération. »

Pour faire face au vieillissement de la population, il vaut mieux réinvestir dans nos services sociaux dès aujourd’hui : « Le meilleur legs à offrir aux générations futures consiste dans les investissements réalisés maintenant, en éducation, en santé, dans les infrastructures, fondements de la productivité si essentielle à la croissance du PIB et par conséquent de la richesse actuelle et future. »

Louis Gill dénonce la « futurologie à rebours » des lucides. Leur méthode consiste à prendre la structure d’âge que connaîtra la population du Québec en 2031 ou 2051 et de l’appliquer à la réalité de 2006. Hors, tout économiste sait que si la structure d’âge évolue, les autres paramètres qui y sont liés changent aussi : la productivité aura augmenté, le taux de chômage aura diminué et le taux d’emploi aura progressé. Fortin et Godbout ont sciemment choisi de faire varier le seul paramètre qui fait leur affaire et qui permet d’arriver à leurs conclusions alarmistes.

En considérant les prévisions admises par les institutions officielles comme l’Institut de la statistique du Québec quant aux mouvements des paramètre non pris en compte par les lucides, Gill montre que le ratio dette-PIB devrait passer de 42,5% pour l’année fiscale 2005-2006 à 25,3% en 2030-2031 et ce, sans aucun remboursement de la dette.

Beaucoup d’argent pour pas grand chose

Dans l’optique où le gouvernement verse 500 millions $ par an pour le remboursement de la dette via le Fonds des générations, le ratio chuterait à 19,5%. Or si on additionne ces versements et les intérêts qui y sont rattachés, nous obtenons 41,9 milliards $. Bref, sans remboursement de la dette, le ratio dette-PIB chute à 25,3%, et avec remboursement, qui coûte 41,9 milliards $, il chute à 19,5%.

C’est beaucoup d’argent pour une maigre marge de manœuvre. Ce remboursement via le Fonds des générations dégagerait 3 milliards $ pour l’année fiscale 2030-2031, soit environ 2% des dépenses du gouvernement. Il est clairement démontré que la solution proposée par les lucides donne un résultat négligeable.

Gill rappelle qu’en 25 ans, le Fonds aura permis d’économiser 25,8 milliards $ en intérêts, mais que cette économie nous aura coûté 41,9 milliards $. En fait, il faut attendre une trentaine d’années pour que les économies couvrent le coût du remboursement de la dette.

Dans son étude, Louis Gill aborde différents scénarios où il change les paramètres : il fait varier l’inflation, les taux d’intérêts, le taux de croissance du PIB et le taux de croissance des dépenses du gouvernement. Dans tous les cas, la conclusion demeure la même. Rembourser la dette coûte cher et ne dégage presqu’aucune marge de manœuvre au gouvernement du Québec.

Un coût de 167,5 milliards $ pour une « économie » de 103,4 milliards $

 Il en va de même pour le scénario proposé par Fortin et Godbout où le gouvernement verserait 2 milliards $ annuellement dans le Fonds au lieu des 500 millions $. Grosso modo, tous les chiffres quadruplent. L’économie d’intérêts pour l’année 2030-2031 serait de 11,8 milliards $. Ceci donne une marge de manœuvre plus importante au gouvernement, soit 8% du budget. L’économie d’intérêts réalisée sur 25 ans serait de 103,4 milliards $, mais le coût de toute cette démarche est fort élevé : 167,5 milliards $ !

Quatre dogmes éventées

Gill rappelle qu’il est plus efficace de stimuler la croissance du PIB plutôt que de rembourser la dette, notamment en réinvestissant dans les services sociaux. L’économiste conclue son étude en réfutant quatre dogmes des lucides « qui sont véhiculés dans le public comme des vérités incontestables » :

1. « L’augmentation de la dette depuis 1970 serait essentiellement attribuable à des excès de dépenses courantes, appelées « dépenses d’épicerie ». »

2. « La dette actuelle attribuée aux déficits cumulés découlant de ces excès de « dépenses d’épicerie » représenterait 75% de la dette nette, les immobilisations ne comptant que pour 25%. »

En fait, 40% de l’augmentation ici considérée découle de la prise en compte, graduelle puis intégrale en 1998 des engagements du gouvernement à l’égard des régimes de retraite du secteur public. Il ne s’agit pas de dépenses d’épiceries. Un autre élément expliquant la croissance de la dette concerne les taux d’intérêts élevés des années 1980 et 1990, qui ont souvent dépassé le taux de croissance du PIB.

Gill poursuit : « Jusqu’en 1998, les dépenses d’immobilisation étaient comptabilisées comme des dépenses courantes. Une part significative de la dette attribuée aux déficits cumulés de près de trois décennies doit donc être comptabilisée, non pas comme une dette découlant des « dépenses d’épiceries », mais comme une dette découlant de l’acquisition d’immobilisation ».

De plus, la réforme comptable de 1998 vient transformer la dette ayant servi à acquérir des actifs matériels en dépenses d’épicerie. Il est évident qu’un fiscaliste tel Luc Godbout connaît ces éléments qu’il passe sciemment sous silence pour servir son objectif et entretenir ces dogmes.

3. « Les frais d’intérêts versés chaque année sur la dette seraient de 7 milliards $. »
En fait, seuls les intérêts sur la dette réelle sont payés. La part de la dette qui concerne les engagements futurs du gouvernement pour les régimes de retraite n’occasionne pas de remboursement. Il s’agit d’une écriture comptable.

À terme, les pensions seront complètement couvertes par le fonds FARR, justement créé pour couvrir ces pensions. Les dépenses annuelles en intérêts qui sont réellement payés par le gouvernement représentent 4 milliards $ et non 7. Le 3 milliards $ de différence est virtuel et n’aura jamais à être payé.

4. « La dette du Québec aurait atteint un niveau prohibitif et serait parmi les plus élevées du monde industrialisé. »
Comparer la dette du Québec aux données de l’OCDE est complexe : il faut inclure la part des réseaux scolaires, de santé et des services sociaux, de même que celle des municipalités et la part du fédéral qui incombe aux Québécois. Comparer le ratio dette nette-PIB de l’ensemble des administrations (fédéral, provincial et municipal) qui revient au Québec, aux autres pays de l’OCDE, n’a rien d’alarmant : 51% contre une moyenne de 46%.

L’étude de Louis Gill montre que le sujet est fort complexe et technique, et que les lucides tirent avantage de notre ignorance du sujet : « Fort heureusement, tout semble indiquer que la population du Québec refuse de se laisser berner par la propagande des « lucides » qui, comme j’ai voulu le montrer dans cette étude, relève davantage de la démagogie et de l’affirmation gratuite qu’elle ne s’appuie sur des fondements solides. »


|Une réfutation de l'économiste Louis Gill des dogmes des « lucides »
25|32|Société|Le retour du « Nous »|2007-05-01 15:44:03|Pierre Dubuc|

Photo : Jacques Boissinot
Sur la photo: Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Mario Dumont lors de la campagne référendaire de 1995.

Le débat sur les accommodements raisonnables est révélateur du tournant qu’est en train de prendre la société québécoise. Il clôt la période ouverte avec les réactions aux déclarations de Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995 et dont le point culminant fut la publication, le 9 janvier 2001, d’une déclaration intitulée Pour en finir avec l’affaire Michaud, Le temps est venu de remettre en question le nationalisme canadien-français, un texte signé par quinze personnes de moins de 35 ans de l’entourage d’André Boisclair et endossé une semaine plus tard par plus de mille personnes.

Dans ce manifeste, les signataires opposaient à la « nation ethnique » ce que les médias qualifieront de « nationalisme civique et inclusif », c’est-à-dire un nationalisme reposant sur la « volonté des individus de la collectivité plutôt que sur les déterminants ethniques », un nationalisme basé « avant tout sur la Charte des droits et libertés de la personne » dans l’objectif de « déethniser » le débat.

Leur démarche était une réaction aux propos d’Yves Michaud sur les résultats du référendum, similaires à ceux de Jacques Parizeau le soir du scrutin. On se souvient de l’expression « l’argent et des votes ethniques », mais le premier ministre avait aussi déclaré : « Parlons de nous; nous avons voté oui à 60% » avant de conclure : « Nous voulons un pays et nous l’aurons ».

C’est contre ce « Nous », cette référence aux Québécois de souche, que se sont élevés les partisans du nationalisme civique. Sous prétexte de se vouloir « inclusif », c’est-à-dire englober la minorité anglophone et les minorités ethniques, ils allaient bannir toute référence culturelle et historique. Leur nationalisme est a-national, a-historique.

La critique du nationalisme civique

Cette conception du nationalisme domine la scène politique depuis. Mais il vient de faire l’objet de vives critiques lors du débat entourant l’enseignement de l’histoire. Le projet du ministère d’un programme coupé de toutes références clairement politiques et même nationales semblait inspiré des conceptions du nationalisme civique. En fait, l’influence s’est plutôt exercée dans le sens inverse.

Dans un texte paru dans Le Devoir du 13 janvier dernier, les historiens Jacques Rouillard et Robert Comeau rappelaient que la tendance à discréditer et marginaliser l’histoire politique dans nos universités date des années 1970.

Un courant révisionniste qui minimise les conflits et noie l’identité francophone au profit d’une certaine conception de l’histoire sociale s’est imposé dans l’ensemble des sciences sociales et a donné au plan politique le nationalisme civique.

Dans leur introduction à l’Histoire du Québec contemporain paru en 1979, les historiens Linteau et Durocher écrivaient : « Dans cette histoire, le terme Québécois signifie tous les habitants du territoire de la province de Québec ».

Cette définition, à première vue anodine, balançait par-dessus bord le concept d’histoire nationale. Un nouveau « Nous » venait de naître, celui du Manifeste des partisans du nationalisme civique.

Dans cette nouvelle définition de la nation, on répudie toutes les références historiques. Invoquer la Conquête, le statut de nation dominée et opprimée du Québec en appui à la lutte pour l’indépendance nationale est qualifiée d’attitude « défensive » et « revancharde ».

Le nationalisme catholique pointe le nez

Dans une étonnante pirouette de l’Histoire, ces questions qu’on pensait « dépassées » refont aujourd’hui surface dans le débat sur les accommodements raisonnables. Mario Dumont et Bernard Landry se jettent dans la mêlée pour défendre notre héritage culturel et national. Bernard Landry riposte au Téléjournal à l’imam qui lui dit « Vous êtes vous aussi des immigrants » en lançant : « Vous voulez faire fi de quatre siècles d’histoire! »

Subrepticement, par une voie détournée et insoupçonnée, on voit réapparaître dans ce débat le « Nous » de Parizeau, le « Nous » des Québécois de souche. Mais, parce qu’il refait surface dans le cadre du débat sur les accommodements raisonnables où les questions religieuses sont omniprésentes, il s’identifie à notre héritage catholique.

Bien entendu, s’empresse-t-on d’ajouter, non pas à cause de nos croyances religieuses actuelles, mais plutôt à travers ses expressions artistiques passées. Nous ne voulons pas conserver le crucifix à l’Assemblée nationale à cause de sa symbolique religieuse, nous assure-t-on, mais parce que c’est une œuvre d’art exprimant notre héritage culturel !

Mais l’Église n’est jamais loin derrière. On la croyait disparue, emportée par le vent de la laïcisation de la Révolution tranquille, mais non, elle est là, toute heureuse que ses représentants soient invités dans les médias à siéger aux côtés des imams et des rabbins.

À la suite du débat animé par Paul Arcand sur les ondes de TVA, Nathalie Petrowski écrivait : « Ce que je retiens surtout, c’est l’image du rabbin, de l’imam et du cardinal obligés de partager la même table et le même temps d’antenne ».

On pourrait y voir un signe du Québec moderne où la religion catholique n’est plus dominante. Mais c’est là une double erreur de perspective. D’abord, l’image du Québec moderne devrait être celle d’un Québec laïc.

Puis, si Mgr Turcotte et Mgr Ouellet sont prêts à s’accommoder de la présence de l’imam et du rabbin, c’est parce que l’important pour eux est que la religion redevienne sujet de débat. Ils savent bien, étant donné le poids démographique respectif potentiel des trois religions, que l’Église catholique en sortira éventuellement gagnante.

Le Québec dans le « choc des civilisations »

 Le « Nous » national est réintroduit dans le discours public et il peut détrôner le « Nous » civique parce qu’il réapparaît sous les habits du catholicisme dans un contexte nord-américain et mondial dominé par la résurgence du facteur religieux.
Sous l’influence des partisans du « choc des civilisations », l’histoire mondiale est réécrite en fonction des clivages religieux.

L’Amérique de George W. Bush mène une croisade contre « l’islamo-fascisme » à laquelle le monde musulman réplique par le djihad, la guerre sainte. Dans cette réécriture de l’histoire, la guerre d’indépendance de l’Algérie, par exemple, n’est plus une lutte de libération nationale, une lutte démocratique pour le socialisme, mais un simple épisode dans l’affrontement séculaire entre l’Islam et la Chrétienté.

Dans l’Amérique du Nord anglo-saxonne, les valeurs de la droite religieuse dominent la politique américaine et font une percée importante au Canada avec l’élection de Stephen Harper.

Il serait étonnant que le Québec échappe à ce retour en force de la religion sur la scène politique. Mais, pour avoir droit de cité, la religion doit se draper du manteau national et ne pouvait espérer meilleur contexte que le débat sur les accommodements raisonnables.

Le « Nous autres » de René Lévesque

Le « Nous » québécois n’est pas lié par nécessité à la religion catholique. Les tenants du nationalisme civique avaient tout faux lorsqu’ils faisaient équivaloir le soi-disant « nationalisme ethnique » des Michaud et Parizeau au vieux nationalisme religieux des années 1950.

Le « Nous » de Michaud et Parizeau est un « Nous » laïc. C’est le « Nous » de la Révolution tranquille et de son combat pour un Québec laïc. Faut-il rappeler que le premier chapitre d’Option-Québec de René Lévesque, le document fondateur de ce qui allait donner le Parti Québécois, s’intitulait tout simplement « Nous autres » !

Aujourd’hui, les progressistes doivent proposer leur propre définition du « Nous » québécois. Un « Nous » qui ne nie pas les origines, l’histoire et l’identité de la nation québécoise, mais un « Nous » également inclusif avec un projet d’intégration des communautés ethniques.

Dans le débat en cours sur les accommodements raisonnables, les progressistes doivent promouvoir la poursuite et l’accélération de la laïcisation de la société. Au cœur de ce projet, on doit retrouver l’abolition des subventions aux écoles ethno-religieuses, mais également aux écoles privées, concentrées pour la plupart dans la grande région de Montréal et génératrices d’un apartheid scolaire.

Trop d’enfants de Québécois de souche fréquentent les écoles privées alors que les enfants des communautés ethniques forment dans plusieurs écoles la majorité de la clientèle scolaire.

L’intégration doit également toucher le réseau des cégeps parce que de plus en plus d’allophones ayant fréquenté le réseau primaire et secondaire français poursuivent leurs études au cégep anglophone. Il faut aussi s’opposer à la construction des deux méga-hôpitaux qui auront pour effet de cristalliser cette ghettoïsation des clientèles dans le domaine de la santé.

Le projet inclusif des progressistes québécois doit remettre à l’ordre du jour la lutte pour la francisation des entreprises. L’anglais sur le marché du travail est le plus important facteur explicatif des transferts linguistiques toujours majoritaires des allophones vers la minorité anglophone.

Cette lutte doit s’accompagner de revendications contre la discrimination dans tous les domaines de la vie sociale, mais surtout dans l’emploi. Il est, par exemple, inadmissible que la fonction publique montréalaise compte à peine 5% de membres des minorités ethniques et visibles.

Les manifestations contre la guerre en Irak et, plus récemment, contre l’intervention israélienne au Liban ont démontré que les distinctions ethniques pouvaient être surmontées dans une lutte commune.

Alors, ne laissons pas les divisions religieuses prendre le devant de la scène. Reconnaissons, au-delà de leurs croyances religieuses, leur nationalité. Ils sont avant tout Algériens, Marocains, Libanais, Iraniens. Avec eux, sur cette base, nous saurons trouver les accommodements raisonnables nécessaires et construire le « Nous » québécois moderne, laïc, progressiste et inclusif.

|Le débat sur les accommodements raisonnables est révélateur du tournant qu’est en train de prendre la société québécoise.
26|33|Langue Accueil_Actualités|Pour les immigrants, parler anglais est plus payant|2007-05-02 08:18:32|L'aut'journal|« Les salaires horaires des immigrants qui parlent très bien anglais, sans égard au niveau de français, sont généralement plus élevés que ceux des immigrants ne parlant pas bien les deux langues officielles », nous apprend une nouvelle étude de Statistique Canada.

Cela est particulièrement vrai au Québec où « l’effet de la langue est principalement observé sur les salaires ». L’étude ajoute qu’« au Québec, on n’a pas observé de relation entre le niveau de français parlé par les immigrants et leurs chances d’occuper un emploi “approprié”. »

L’organisme Impératif français blâme les gouvernements québécois et canadien pour le constat de cette étude intitulée Connaissance des langues officielles par les nouveaux immigrants : à quel point est-ce important sur le marché du travail? .

Selon le président de l’organisme de la région de l’Outaouais, M. Jean-Paul Perreault, les gouvernements fédéral et québécois sont tous deux responsables en grande partie de l’état de faiblesse du français comme langue de travail et langue commune au Québec.

« D’un côté, précise-t-il, l’image internationale du Canada ainsi que les politiques et les pratiques linguistiques suprémacistes de son gouvernement fédéral valorisent la langue anglaise ». De l’autre, ajoute-t-il, « le gouvernement du Québec, par son manque de direction, contribue à l’anglicisation des milieux de travail y banalisant et infériorisant la langue française ainsi que tous ceux qui la parlent. »

Le gouvernement du Québec ne peut prétendre ignorer cette situation puisque plusieurs études confirment la marginalisation du français comme langue de travail. Le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) écrivait, à cet effet, « le recensement de 2001 démontre que l’usage du français au travail ne s’est pas encore généralisé : dans la région métropolitaine de Montréal, le pourcentage d’allophones qui travaillent surtout en français n’est que de 45 % ».

Dans plusieurs études et mémoires soumis aux deux gouvernements, Impératif français a plus d’une fois sonné l’alarme : « Au recensement de 2001, les allophones francisés, 124 173 personnes, ne représentent que 46 % de l’ensemble des allophones assimilés. La langue anglaise, elle, assimile 147 695 allophones, soit 54 %. En fonction du poids relatif des deux communautés, même en prenant les pourcentages de la région métropolitaine de Montréal où se retrouvent la plupart des allophones, la situation est inacceptable : 68,1 %, la population de langue maternelle française, attire 46 % des allophones, tandis que 12,8 %, la population de langue maternelle anglaise, réussit à coopter 54 % de la population allophone. »

« Les gouvernements du Canada et du Québec, par leur complicité et leur inaction, collaborent activement à la défrancisation du Canada et l’anglicisation du Québec », de conclure le président d’Impératif français.|Une nouvelle étude de Statistique Canada le confirme. Et que font les gouvernements? s'interroge l'organisme Impéraif français.
27|34|Société Manchettes|Internet: les campagnes en basse vitesse|2007-05-02 14:40:10|Camille Beaulieu|

Grâce à l’injection d’une vingtaine de millions de dollars de fonds publics dans un réseau à large bande (liaison bidirectionnelle à haute vitesse), 51 administrations municipales, des communautés autochtones et plusieurs institutions d’Abitibi-Témiscamingue viennent d’accéder aux technologies de l’information du XXIe siècle. Télébec, maître d’œuvre du chantier, devient, par la bande, propriétaire d’un réseau dont il n’a payé qu’une infime partie.

La population rurale, cible première du programme fédéral, en sort curieusement exclue de la large bande, plus que jamais captive de la basse vitesse Internet et du monopole de Télébec. C’est pourquoi certains s’interrogent: On s’en s’rait-y fait passer une p’tite vite !

Implanté en 2003, le programme fédéral de large bande pour les populations nordiques, rurales et autochtones prend fin le 31 mars 2007. 900 collectivités canadiennes ont reçu 80 M$, auxquels s’ajoutent des participations provinciales et municipales. Outre l’Abitibi-Témiscamingue, une trentaine de collectivités, les Laurentides, l’Outaouais, les Îles-de-la-Madeleine, Portneuf, Bécancour, Rivière-du-Loup, Montmagny, etc. s’en sont prévalues au Québec.

L’expression large bande désigne tout lien bidirectionnel de deux millions de bit/seconde et plus, par fibre optique, satellite ou micro-ondes. Les contrats étaient à la carte. Certaines MRC demeurent aujourd’hui propriétaires du réseau à large bande tandis qu’ailleurs elles n’en sont qu’utilisatrices.

L’Abitibi-Témiscamingue a opté pour le dépouillement. Télébec se retrouve propriétaire d’un réseau qui relie des institutions dans chaque ville et village sans jamais desservir les populations.

Les utilisateurs (MRC, ministères, institutions d’enseignement, CRD puis CRE) ont transféré les subventions fédérale et provinciale (14,3 M$) aux deux maîtres d’œuvre : Télébec, dans quatre des cinq MRC, Télédistribution Amos dans la MRC d’Abitibi. Ces partenaires communicateurs rompus aux technologies du câble ont évidemment manifesté un faible pour la fibre optique plutôt que les micro-ondes (WiFi ou sans fil).

Pourtant, le WiFi, moins dispendieux, a le vent dans les voiles partout ailleurs. En Europe, aux États-Unis et en Asie, des municipalités dispensent le service pour en tirer des revenus. Un million de dollars suffirait, d’après certaines évaluations, pour desservir par le WiFi toutes les localités et tous les rangs d’Abitibi-Témiscamingue. D’où le désenchantement qui se fait jour. Le réseau large bande est un réseau privé dispendieux, constate le maire de St-Félix de Dalquier, Rosaire Mongrain. Et nous doutons de l’avenir de cette technologie par fil.

En vertu du contrat avec Télébec, les MRC témiscabitibiennes sont simples locataires et ne peuvent redistribuer le signal à leurs administrés. Là-dessus aussi on s’interroge : Les citoyens vont payer pendant quinze ans, tempête Jules Grondin, maire de Berry, il faudrait au moins qu’ils reçoivent quelque chose .

Télébec par contre se retrouve propriétaire d’un réseau de 24 M$ pour y avoir investi 5,2 M$: c’est tout le charme des PPP (partenariat public privé).

Télébec utilise ce réseau à large bande pour développer à peu de frais son propre réseau Internet haute vitesse par fil à l’intérieur et autour des villages. L’opération a tout de l’écrémage. Les rangs plus éloignés, moins rentables, sont laissés de côté. Ces milliers d’oubliés, familles et entreprises, demeurent captifs d’Internet par téléphone, 100 fois plus lent, et de Télébec Internet, lien satellitaire de vitesse intermédiaire : un demi million de bit/s, facturée 65 $/mois.

C’est là une singulière rebuffade pour des citoyens qui ont payé la large bande par leurs impôts, d’autant que plusieurs MRC ont aussi pigé sans vergogne dans l’enveloppe du Pacte rural. Et pour couronner le tout, ces citoyens doivent à nouveau payer pour un service bancal.

Les milieux ruraux ailleurs au Québec disposent généralement de l’Internet haute vitesse : 3 millions de bit/s bidirectionnels, à des tarifs variant de trente à quarante dollars par mois.

L’écrémage des campagnes qu’effectue Télébec retarde la généralisation du service, confie Victor Verrier, directeur de la Coopérative WiFi d’Amos, une entreprise qui veut distribuer l’Internet haute vitesse: 50 $/mois pour trois millions de bit/s, aux 24 000 foyers ruraux de cette région. Le recrutement des membres dans chaque village devient beaucoup plus difficile.

Les embûches aussi s’accumulent devant la petite coopérative. Le financement est ardu et les banquiers réticents. Prévenues par leur réseau en faveur de Télébec, plusieurs municipalités chipotent leur appui à la coopérative; Rouyn-Noranda par exemple, où la haute vitesse manque dans plusieurs quartiers ruraux.

L’Abitibi-Témiscamingue vit une guéguerre non déclarée de compromissions des décideurs, de confusion entretenue entre réseau institutionnel et Internet domiciliaire, de publicité mensongère sur l’Internet satellitaire, de coups fourrés, et d’influences occultes.

Les deux camps n’ont surtout pas la même puissance de feu. Une coopérative régionaliste chancelante dont les responsables tombent en burn out comme des mouches et qui risque de déposer son bilan dans les jours qui viennent. Un monopole téléphonique quinquagénaire et beau comme Crésus (Fiducie Bell Nordiq : 27 M$ de profits en 2005) qui a cantonné les Témiscabitibiens des décennies durant aux lignes à abonnées multiples et prétend aujourd’hui gérer leur accès aux technologies de l’information.

L’Internet haute vitesse résout pourtant bien des difficultés propres aux milieux ruraux. Nul endroit n’est plus indiqué pour le travail à domicile, l’abolition des frais interurbains, les télé-enseignement, e-culture et télémédecine. Mêmes les opérations agricoles se prêtent bien à la gestion informatisée, à la télésurveillance et à la télécommande par micro-ondes. L’Internet haute vitesse influera aussi, c’est évident, sur la persistance ou l’arrêt de cet exode des jeunes qui déstructure les milieux ruraux depuis des décennies au Québec.

|La population rurale, cible première du programme fédéral, sort curieusement exclue du réseau à large bande, plus que jamais captive de la basse vitesse Internet et du monopole de Télébec.
28|35|Accueil_Analyses Politique_Québec Mouvements_souverainiste|Le Parti Québécois connaît son pire score depuis 1970|2007-05-02 15:09:24|SPQ Libre|

AndréJe ne veux pas fédérer les insatisfaits , déclarait André Boisclair au lendemain de l’imposition sous le bâillon par le gouvernement Charest d’un décret aux employés du secteur public. Le 26 mars dernier, les Québécois l’ont pris au mot.

Insatisfaits du gouvernement libéral, 61,6 % des électeurs ont décidé de voter pour une autre formation politique, faisant subir au Parti libéral une défaite historique. Mais le Parti Québécois n’a engrangé que 29,8 % des suffrages, alors que 32,8 % des électeurs – dont évidemment bon nombre d’insatisfaits – trouvaient refuge du côté de l’Action démocratique de Mario Dumont. Des centaines de milliers d’autres électeurs faisaient l’élection buissonnière. Le taux de participation de 71,28 % est à peine supérieur à celui de l’élection de 2003 (70,49 %), le plus bas depuis 1927.

La déroute du Parti Québécois – avec son pire score depuis 1970 – excite évidemment les éditorialistes et les commentateurs politiques fédéralistes qui, dès le soir du scrutin, ont commencé à suggérer la mise au rancart de l’objectif de la souveraineté et la révision d’un programme jugé trop à gauche. Lors de son point de presse au lendemain du scrutin, André Boisclair a accrédité cette perspective.

On croirait revivre un mauvais scénario. Au lendemain de la défaite de 2003, un groupe de députés comprenant André Boisclair et Joseph Facal prenaient prétexte des gains de l’ADQ pour suggérer au Parti Québécois un recentrage vers la droite. Impressionnés par les succès de Mario Dumont, particulièrement dans la région de Québec-Chaudière-Appalaches, les tenants de ce virage proposaient de concurrencer l’ADQ sur son propre terrain, mais en revêtant les habits d’une supposée nouvelle social-démocratie .

Comme bon nombre de sociaux-démocrates à travers le monde, ils avaient été ébahis par les succès électoraux de Tony Blair et de son New Labour en Angleterre. Présentée comme une modernisation de la social-démocratie, le New Labour s’inspirait de l’expérience de Bill Clinton au sein du Parti Démocrate et s’est caractérisé, comme son modèle, par une distanciation à l’égard du mouvement syndical et l’adoption de politiques néolibérales.

Mais le congrès de 2005 du Parti Québécois rejette cette approche. Une solide majorité attribue plutôt l’échec électoral au fort taux d’abstention et l’impute à la dérive néolibérale du parti depuis la politique du Déficit zéro et à sa tiédeur sur la question nationale. Les militantes et les militants corrigent alors le tir et ramènent le parti sur ses positions social-démocrates traditionnelles, tout en réaffirmant la nécessité de l’indépendance nationale pour la réalisation de ce programme. Ils proposent la tenue d’un référendum le plus tôt possible dans un premier mandat. C’est sur cette base que se scelle l’alliance entre les courants sociaux-démocrates et indépendantistes au sein du parti.

Mais tout n’était pas joué. La démission de Bernard Landry et le déclenchement d’une course à la chefferie ouvrent la porte à un match revanche aux partisans de la nouvelle social-démocratie . Empruntée à l’expérience de Tony Blair, la recette gagnante semble toute simple : trouver un chef charismatique pour remporter la victoire en misant sur sa seule performance. Une fois plébiscité, il pourra, espère-t-on, imposer comme Blair l’a fait ses vues à son parti, c’est-à-dire le détacher de sa base syndicale et le recentrer vers la droite.

André Boisclair et son équipe ont mené la course à la chefferie à cette enseigne. Mais la partie a été corsée et, pour s’assurer de la victoire, il lui a fallu endosser le programme mal-aimé du congrès de 2005. Cependant, une fois élu, jamais André Boisclair n’a montré d’intérêt à populariser les éléments social-démocrates de ce programme. Au contraire, il a continuellement cherché à s’en distancer avec des déclarations exprimant son refus de fédérer les insatisfaits au lendemain de l’adoption de la loi 142 et promettant de soulager le capital pour faire du Québec l’endroit au monde où le capital est le mieux accueilli .

Plutôt que de prendre appui sur les organisations syndicales, André Boisclair s’engage plutôt à mettre fin au copinage entre le Parti Québécois et les chefs syndicaux et trouve conseil auprès de l’Institut économique de Montréal.

Mais les membres du parti se chauffaient toujours du même bois qu’au congrès de 2005, comme le révèle l’adoption par les deux-tiers du Conseil national sur l’environnement d’une proposition de nationalisation de l’éolien. André Boisclair rejette la proposition, ce qui lui vaut les applaudissements de la presse fédéraliste et néolibérale. Un chef est né , écrit André Pratte en éditorial l’encourageant à faire fi de son parti et de son programme.

Mais n’est pas Bill Clinton ou Tony Blair qui veut. Une performance anémique dans les sondages force André Boisclair à renouer en catastrophe à la onzième heure avec les alliés syndicaux du Parti Québécois et à proposer à son parti une plate-forme électorale aux couleurs social-démocrates.

De toute évidence, il attribue aujourd’hui le cuisant échec du 26 mars dernier non pas à sa performance – qu’il juge éclatante ! – mais à son parti qui l’a empêché d’imposer ses vues, particulièrement dans la région de Québec.

Aujourd’hui, André Boisclair exprime à nouveau son intention de chercher à recentrer le Parti Québécois vers la droite, mais propose également de mettre sur la glace l’option souverainiste. Cela ne nous étonne pas. Un bref retour en arrière permet de l’expliquer.

Au lendemain du référendum de 1995, André Boisclair et d’autres dirigeants souverainistes ne trouvaient rien de plus urgent que de se dissocier des propos de Jacques Parizeau sur les votes ethniques . Des déclarations similaires d’Yves Michaud leur ont donné l’occasion de proclamer haut et fort leur rejet du nationalisme ethnique et d’ épurer le nationalisme québécois par l’élagage de toute référence ethnique, culturelle et parfois même linguistique. Leur crainte était que l’approche du Parti Québécois soit identifié aux politiques de nettoyage ethnique qui défrayaient la manchette en Yougoslavie et dans d’autres pays.

Mais la mondialisation et les flux migratoires qui l’accompagnent font naître dans les populations du globe une insécurité identitaire qui se traduit par une recherche d’affirmation nationale. Le Québec n’y échappe pas. Nous l’avons vu surgir à l’occasion du débat sur les accommodements raisonnables.

Mario Dumont s’en est saisi et les observateurs politiques datent de son intervention dans ce débat le départ de sa fulgurante ascension. Quant au chef du Parti Québécois, il a été incapable aux yeux de la population d’incarner cette identité nationale, qu’il aurait dû pourtant beaucoup mieux représenter que Mario Dumont, tout en l’articulant bien sûr avec les droits légitimes des minorités ethniques.

Mais la direction actuelle du Parti Québécois est tellement engluée dans son rejet du nationalisme ethnique qu’elle a manqué le coche. Bien plus, il n’y a eu au cours de la campagne électorale aucune référence à la défense et à la promotion de la culture et de la langue française, qui sont pourtant au cœur du mouvement national québécois. On a tellement dépouillé le projet souverainiste de ses attributs nationaux qu’on peut aujourd’hui envisager sa mise au rancart.

On a parfois l’impression que le Québec se trouve aux confins des plaques tectoniques de la politique mondiale et qu’il est parmi les derniers à ressentir l’onde de choc des grands mouvements politiques. Plusieurs se félicitent donc aujourd’hui que le vent de droite qui souffle depuis fort longtemps sur l’Amérique du Nord ait finalement atteint le Québec avec les succès de l’ADQ.

Notre analyse est plus nuancée. Il faut d’abord souligner que la population a durement sanctionné le gouvernement Charest pour ses politiques de droite. Qu’une majorité ait refusé d’embarquer dans le voyage pour la souveraineté que lui proposait le Parti Québécois témoigne, à notre avis, que ce voyage a été perçu comme mal organisé, son guide jugé incompétent et son itinéraire confus.

Près de 30 % de l’électorat a boudé l’élection, un autre 31 % se sont stationnés chez l’ADQ en sachant que ce parti ne prendrait pas le pouvoir. Rien ne garantit que ce parti pourra consolider ses positions. Au contraire, nous savons que la droite n’a pas de solutions à offrir face à l’insécurité économique et identitaire. La réduction de l’intervention de l’État et le laisser-faire économique qu’elle propose ne peuvent qu’aggraver la situation dans une société comme la nôtre.

La solution ne réside pas non plus dans une adaptation québécoise du New Labour de Tony Blair. Malgré l’énorme avantage de pouvoir bénéficier de l’extraction du pétrole de la Mer du Nord, le Royaume-Uni est tombé au 19e rang sur les 25 pays européens pour la performance économique. Son déficit budgétaire excède les 3 % du PIB permis par le traité de Maastricht. Sa dette réelle surpasse celle de la France, pourtant jugée catastrophique . Près du quart de la population vit dans la pauvreté et l’écart entre les riches et les pauvres est le plus important d’Europe. Tony Blair est aujourd’hui présenté comme le digne héritier de Margaret Thatcher.

À cette élection, les militantes et les militants du Parti Québécois ont sauvé la mise par leur engagement et un dévouement sans bornes. Ces gens sont les yeux et les oreilles de ce parti au sein de la population et ce sont les plus aptes à véhiculer les préoccupations de leurs concitoyens. C’est leur bilan de l’élection qui importe. Le bilan des gens qui étaient sur le terrain. C’est de là également que viendront les réalignements nécessaires.

Marc Laviolette, président
Pierre Dubuc, secrétaire