Le vent se lève, de Ken Loach

2007/05/14 | Par Pierre Dubuc

Palme d’or 2006 au Festival de Cannes, Le Vent se lève de Ken Loach devrait être visionné, médité et commenté par tous les indépendantistes québécois.

Dans l’Irlande de 1920, des paysans s'unissent pour former une armée de volontaires contre les redoutables Black and Tans, troupes anglaises envoyées par bateaux entiers pour mater les velléités d'indépendance du peuple irlandais. Le film raconte l'histoire d'un petit groupe d'activistes de l’Armée républicaine irlandaise et, en particulier de deux frères, Damien et Teddy O'Donovan qui sont d'abord unis contre l’occupant britannique mais qui s’opposent ensuite l’un à l’autre lors de la partition et la création de l’État libre d’Irlande.

Le 6 décembre 1921, des négociations entre le gouvernement anglais et les dirigeants nationalistes irlandais aboutissent au traité de Londres qui fait de l'Irlande, amputée de l’Ulster, un dominion au sein de l'empire britannique. Ce traité fut ratifié de peu par le parlement irlandais en décembre 1921, mais fut rejeté par une large minorité.

Cela entraîna la Guerre civile d’Irlande qui dura jusqu'en 1923, opposant les adeptes d'une poursuite de la lutte pour obtenir l'indépendance complète de l'île et les partisans du compromis de 1921. La guerre civile coûtera la vie à près de 4000 Irlandais. Le film de Ken Loach nous fait vivre ce déchirement de façon particulièrement dramatique à travers le destin des deux frères O’Donovan.

Selon Ken Loach, les événements décrits dans le film trouvent un écho dans le monde contemporain : Tout comme la guerre d'Espagne, ils représentent un moment crucial : comment une longue lutte pour l'indépendance peut être contrecarrée, au moment même où elle va aboutir, par un pouvoir colonial qui, tout en se débarrassant de son empire, sait parfaitement maintenir ses intérêts stratégiques. C'est là toute l'habileté de gens comme Churchill, Lloyd George, Birkenhead et les autres. Une fois coincés, quand il n'est plus vraiment dans leur intérêt de refuser l'indépendance, ils cherchent à diviser le pays. Ils soutiennent ceux qui, à l'intérieur du mouvement d'indépendance, acceptent que le pouvoir économique reste entre les mêmes mains. Des mouvements aux intérêts divergents s'étaient unis contre l'oppresseur commun. Inévitablement leurs intérêts contradictoires finissent un jour par éclater ».

Le cinéaste ajoute qu’il voit des parallèles dans la situation actuelle en Irak où, selon lui, « la résistance aux Américains et aux Britanniques rassemble nombre de gens qui découvriront qu'en fait leurs intérêts divergent quand les Américains auront enfin été forcés de partir. »

Un scénario similaire pourrait se dérouler au Québec dans la perspective de l’indépendance. Dans la biographie de Stephane Dion qui vient de paraître aux Éditions de l’Homme, on apprend que le gouvernement fédéral était à préparer des plans pour la partition du Québec au lendemain du référendum de 1995. On était persuadé à l’époque, du côté fédéral, que Lucien Bouchard déclencherait des élections, qui seraient rapidement suivies d’un référendum qui verrait la victoire des souverainistes.

Nous avons appris depuis que le gouvernement fédéral s’apprêtait à intimider la population québécoise et les leaders souverainistes avec l’envoi de l’armée en territoire québécois, sous prétexte de protéger les édifices fédéraux. On nous dit maintenant qu’on élaborait des plans de partition du territoire.

Les fédéralistes auraient-ils trouvé dans le camp souverainiste des leaders susceptibles de signer un traité qui reconnaîtrait un « État libre » du Québec, privé du West Island et du Nord autochtone?

En fait, il semble bien que la seule menace de telles interventions aurait fait plier Lucien Bouchard. Dans sa biographie consacrée à Jean Chrétien, le journaliste Lawrence Martin écrit avoir appris de gens de l’entourage du premier ministre québécois que celui-ci aurait reculé devant les menaces de partition du territoire québécois.

De son propre aveu, Lucien Bouchard a également plié les genoux devant Wall Street qui menaçait de « décoter » le Québec. Plutôt que d’affronter le fédéral, il s’est plié aux desiderata de la haute finance new-yorkaise. Cela a eu pour conséquence de détruire la coalition souverainiste en y semant la zizanie avec le Sommet du Déficit zéro. Ce fut en quelque sorte une « guerre civile » par d’autres moyens.|Palme d’or 2006 au Festival de Cannes, Le Vent se lève de Ken Loach devrait être visionné, médité et commenté par tous les indépendantistes québécois.
43|51|Accueil_Actualités Cinéma|André Melançon et la relève du 7e art|2007-05-15 19:04:59|Julie Tremblay|En mars dernier, l’Association des cinémas parallèles du Québec (ACPQ) lançait son guide Objectif film, une belle initiative concrète et bien pensée pour intéresser les jeunes au septième art. Lors de la conférence de presse, André Melançon, porte-parole du projet, avait espoir que cet outil donnerait l’envie à plusieurs personnes de faire du cinéma. « Il y a toujours de la place pour la relève », ajoutait celui qui a lui-même inspiré toute une génération de futurs cinéastes avec son film culte La guerre des tuques.

Créé dans le cadre de son programme éducatif L’œil cinéma et destiné aux élèves du secondaire qui souhaitent réaliser un court métrage, ce guide, fort bien réalisé, constitue également un outil très pratique pour les enseignants du secondaire qui souhaitent initier leurs élèves à l’art cinématographique. Selon Martine Mauroy, directrice générale de l’ACPQ, « l’objectif visé est de ramener les jeunes vers le contenu et de valoriser la scénarisation. Avec les nouvelles technologies, les jeunes passent beaucoup de temps à expérimenter les effets spéciaux, mais cela donne des films vides. Notre guide fournit donc aux jeunes, qui ont souvent beaucoup de choses à dire, des outils pour adapter une histoire et en faire un film ».

Objectif film décrit ainsi toutes les étapes nécessaires à la construction d’un court métrage (idéation et scénarisation, préproduction, tournage, postproduction, diffusion et promotion) et inclut un chapitre détaillant le vocabulaire de base qui permet de se familiariser au langage du métier. Des annexes très détaillées permettent également à l’élève de s’informer sur les cessions de droits, le repérage des lieux de tournage, le découpage technique, le rapport de scripte et autres réalités inhérentes à la réalisation d’un film.

De plus, un DVD du court métrage Seul au monde produit par l’ACPQ, servant d’exemple de court métrage tout au long du guide, est fourni avec la trousse. Les enseignants membres de l’ŒIL CINÉMA qui souhaitent initier leurs élèves à l’univers cinématographique peuvent recevoir gratuitement un exemplaire du guide Objectif film pour chaque élève et un DVD Seul au monde pour leur classe. Le guide peut également être commandé au coût de 24,95 $ et le DVD pour 5,95 $ sur le site Internet de l’ACPQ à l’adresse : www.cinemasparalleles.qc.ca

Afin de rendre ce programme accessible et gratuit aux écoles, l’ACPQ prend même en charge les coûts de diffusion des œuvres aux ayants droit, en plus de faciliter la tâche aux enseignants en leur proposant des cahiers pédagogiques pour l’étude des films et des thématiques qu’ils renferment.

Depuis près de 30 ans, l’Association des cinémas parallèles du Québec (ACPQ) œuvre à la diffusion du droit d’auteur et à l’éducation cinématographique à travers le Québec. Elle regroupe une soixantaine de membres corporatifs, salles parallèles et festivals cinématographiques en région, et offre de nombreuses activités à ses membres et à la population du Québec.

Responsable dès 1997 du Projet pilote d’éducation cinématographique dans les écoles secondaires du Québec, l’ACPQ met sur pied L’œil cinéma (L’Outil pour l’éducation à l’image et au langage cinématographique) en 1999. À ce jour, L’œil cinéma rejoint annuellement plus de 200 enseignants et environ 12 000 jeunes Québécois, qui visionnent en moyenne 7 ou 8 œuvres offertes par l’ACPQ, dont la liste complète est disponible sur le site de l’association. Les enseignants et leurs élèves peuvent donc choisir parmi 19 longs métrages, 23 courts métrages et 59 documents audiovisuels s’adaptant au contenu de plusieurs programmes d’études du secondaire.

Voilà enfin un projet rassembleur et bien conçu pour nos écoles secondaires. Ça nous changera du sabrage dans les programmes d’arts de la malbouffe. Ouvrez l’œil : grâce à Objectif film, futurs cinéastes en devenir !|Objectif film, une belle initiative concrète et bien pensée de l’Association des cinémas parallèles du Québec pour intéresser les jeunes au septième art.
44|52|Politique_Québec Coups_de_gueule|Les bons remèdes de Monsieur Castonguay|2007-05-16 08:33:51|Léo-Paul Lauzon|Dans son édition du 16 mai 2007, le journal La Presse ouvre de nouveau toutes grandes ses pages à Claude Castonguay et à ses «remèdes» à notre système de santé.

Dans un texte intitulé «Au-delà du colmatage», Castonguay propose à nouveau la tarification et le recours élargi aux assurances privées. Une solution excellente pour ses amis du monde des affaires, mais qui va à l’encontre de l’intérêt général.
 
À peine dix jours plus tard, on apprend que le gouvernement Charest mandate un nouveau groupe de travail, afin de trouver de «nouvelles solutions» pour le financement et la pérennité notre réseau. À la présidence de ce groupe, on a le bonheur de retrouver nul autre que Claude Castonguay.

Premièrement, Claude Castonguay se présente toujours comme le père de l’assurance-maladie au Québec. C’est totalement et intégralement faux, comme l’a démontré le journaliste André Noël de La Presse dans son texte du 20 mai 2006 intitulé : «Castonguay est-il vraiment le père de l’assurance-maladie ?». Le véritable instigateur du système de santé publique au Canada fut le premier ministre du Nouveau Parti démocratique (NPD) de la Saskatchewan, monsieur Tommy Douglas, qui a eu le mérite et le courage de l’implanter le premier dans cette province.

Ensuite, les autres provinces, de la Colombie-Britannique à l’Ontario, en passant par le Québec, n’ont fait que suivre et copier le modèle de santé publique de la Saskatchewan. Au Québec, on doit l’instauration de l’assurance-maladie au gouvernement de l’Union Nationale et non au Parti libéral du Québec, et encore moins à Claude Castonguay.

Deuxièmement, il omet toujours de dire que, s’il a passé seulement quelques années en politique active (1970 à 1973), il fut pendant plusieurs années président de la compagnie d’assurances La Laurentienne qui, comme toutes les compagnies d’assurances, seraient financièrement les grandes gagnantes de la privatisation de notre santé publique.

De plus, il est actionnaire et administrateur de compagnies pharmaceutiques comme Andromed et Procréa BioSciences, qui sont les principaux responsables de la hausse des coûts de notre système de santé publique. Pourquoi omet-il ces faits et les médias aussi ?

Troisièmement, ça fait plus de douze ans qu’il répète toujours la même rhétorique usée à la corde de la privatisation obligée de notre santé publique que les journaux de Power Corp., qui a de gros intérêts dans la santé privée par le biais de ses filiales Great West Life, London Life et Canada Life, reproduisent dans leurs pages sur une base régulière afin de vous farcir la cervelle et amener chez vous apathie et résignation.

N’allez surtout pas dire que Claude Castonguay est un idéologue, non, non, c’est plutôt un penseur qui jette un regard complètement «désintéressé» et «neutre» sur notre système de santé publique, et qui a l’extrême courage de proposer un ticket modérateur de 25 $ la visite chez le toubib afin d’apporter des revenus supplémentaires à nos pôvres médecins, qui ne gagnent annuellement que 200 000 $ et plus l’an et de privatiser la santé publique en permettant aux patients de souscrire à des assurances privées de compagnies comme La Laurentienne, la Great West Life et la London Life.

Attention, le coût de ces assurances privées seraient entièrement déductibles d’impôts, ce qui fait qu’on se retrouverait avec un système de santé privée qui n’aurait de privé que le nom, étant financé abondamment par les fonds publics grâce aux déductions fiscales.|Le soi-disant père de l’assurance-maladie est plutôt le parrain des compagnies d’assurances.

45|53|Mouvements_des_femmes|Les oubliées de l'équité salariale|2007-05-16 15:59:51|Karine Tremblay|Photo: L'annuaire emareva

Grâce au règlement de l’équité salariale, les travailleuses des secteurs public et parapublic ont reçu des indemnités et profitent d’un ajustement de salaire, afin de réparer une injustice sexiste historique. Pourtant, ce bon geste du gouvernement libéral - dont il s’est beaucoup vanté – ne signifie pas qu’il reconnaisse réellement le travail des femmes. Tout au contraire.

Au Québec, environ 14 400 femmes gardent des enfants chez elles, assurant le moitié des places de garderie. Depuis l’adoption en 2003, sous le bâillon, du projet de loi 8, les responsables de service de garde (RSG) en milieu familial sont considérées comme des «prestataires de services», ce qui leur donne les inconvénients du travail autonome sans les bénéfices.

En effet, elles ont perdu le droit de se syndiquer et tous leurs avantages sociaux depuis que leur lien d’emploi avec les CPE a été rompu. Elles n’ont plus accès à l’assurance-emploi, ni à des vacances payées, ni à aucun congé. Elles assument seules tous les risques liés à leur travail puisque la CSST ne les protège plus en cas d’accident ou de maladie professionnelle. En fait, elles n’ont même pas droit au salaire minimum!

La législation leur impose un horaire de 50 heures par semaine, auquel s’ajoute une dizaine d’heures de préparation, de courses et de ménage. Elles doivent respecter des normes strictes en matière de pédagogie et d’hygiène, notamment. Ces femmes ne profitent donc en rien de la souplesse qui caractérise en général le travail autonome.

Ainsi, le gouvernement qui a conclu une entente en matière d’équité salariale exploite des femmes et bafoue leurs droits. Triste ironie. D’ailleurs, la loi 8 a été condamnée en 2006 par le Bureau International du Travail (ONU) et est contestée en justice. De plus, la lutte syndicale se poursuit, malgré l’interdiction législative.

Prendre soin des enfants à temps plein est exigeant. Plusieurs femmes ne désirent pas le faire, et je ne les blâme pas. Par conséquent, le travail des RSG devrait être défendu non seulement par les syndicats, mais par la société entière, parce qu’il garantit aux mères une certaine indépendance et surtout parce que nos enfants représentent notre avenir collectif. |Les responsables de service de garde (RSG) en milieu familial ont les inconvénients du travail autonome sans les bénéfices.
46|54|Cinéma|Au nom de la mère et du fils, de Maryse Legagneur|2007-05-16 16:36:49|Ginette Leroux|Mon fils, le deuil d’Haïti est très lourd à porter / Plus tu passes de temps loin du pays, plus le deuil est lourd / En mon nom, j’ai quitté mon pays / En ton nom, j’ai fait beaucoup de sacrifices pour t’assurer un avenir Ces paroles, chuchotée par Toto Bissainthe, chanteuse haïtienne, née en 1934 et décédée à Port-au-Prince en 1994, sont les premières images du film Au nom de la mère et du fils, de Maryse Legagneur, lauréate du Prix Claude-Jutra pour la relève décerné aux Rendez-vous du cinéma québécois 2006.

À la manière d’un prologue, ce chant déchirant de la mère en deuil de son pays, Haïti chérie, quitté dans la douleur, mais si fort de courage et de dignité, d’espoir et de rêves d’avenir à transmettre à la génération suivante, traduit parfaitement la profondeur du message du premier documentaire de la cinéaste de 29 ans.

N’allez pas croire que ce film est triste ! Loin de là. Allez, montez, prenez place à bord de l’autobus 67 comme nous y invite la cinéaste. Bienvenue dans le quartier Saint-Michel!

Premier arrêt. James Arnold Similhomme. Un grand rêveur de 20 ans qui a grandi sans la présence d’un père. Sa mère s’échine dans les manufactures. Son revenu limité n’a pu lui permettre d’acheter les GI Joe tant convoités par son fils qui s’amuse encore comme un petit garçon à fabriquer des bonshommes qui ont des ailes qui volent comme un oiseau à partir de bouts de fils électriques qu’il ramasse au hasard des ruelles. Là, dit-il, je suis dans un autre univers.

Pourtant, James, si aérien soit-il, reprend racine lorsqu’il pense au bébé qu’attend sa petite amie. Ce n’est pas tant leur relation qui bat de l’aile, mais plutôt l’enfant qu’elle porte qui le préoccupe. Ma mère est venue au Québec pour une vie meilleure. Elle était enceinte de moi. Elle a été une mère et un père pour moi , raconte-t-il. En James sommeille le papa qu’il n’a jamais eu. Alors, il faut d’abord trouver du travail pour prouver à la famille de sa copine, qui tend à l’écarter, qu’il sera un bon papa capable d’assumer ses responsabilités paternelles.

Deuxième arrêt. Le Voyou. Une allure de conquérant, cet extraverti a une conscience aiguë du quartier où il est né. Rappeur, compositeur, graffiteur et pourfendeur d’idées reçues, il répond avec aplomb aux questions frondeuses de Benoît Dutrisac, dans un extrait de l’émission Les Francs Tireurs. Parce qu’il se dit écœuré que sa communauté soit stigmatisée par les médias, le Voyou prend sur ses épaules toutes les charges contre les jeunes du quartier Saint-Michel.

Mon problème ? C’est plutôt notre problème commun , rétorque le Voyou au franc-tireur qui lui lance au visage la présence des gangs de nègres qui s’identifient à la culture hip-hop et qu’il associe à la violence du quartier. Pourquoi ressort-on toujours les mêmes clichés ? Vous, comment réagiriez-vous si la polyvalente de votre quartier (Louis-Joseph-Papineau, par exemple, Louis-Jo pour les intimes) ressemblait à une prison tant les murs sont gris, sans fenêtres, si les paniers de basket avaient disparu de la cour d’école et que les maisons de votre quartier se confondaient à la grisaille ?

Troisième arrêt. On repart en direction inverse. Le film sort du quartier dans lequel il a été tourné pour être présenté, en février dernier, à l’Ex-Centris. Puis, il poursuit sa course au Rendez-vous du cinéma québécois. Une salle comble, en majorité remplie par la communauté haïtienne fière et enthousiaste, accueille la cinéaste au Cinéma de l’ONF avec en prime un débat en présence des principaux protagonistes et de Dany Laferrière.

Un ghetto, le quartier Saint-Michel ? Avant même d’être géographique, le ghetto est idéologique, répond la cinéaste. Il confine à un enclos. Alors, le sentiment de ne pouvoir prendre sa place dans la société, de ne pas faire partie du projet collectif grandit. Tu n’es pas motivé à sortir de ton hood somme toute, très rassurant, explique-t-elle. En créole on dit : nou tout se meme, nous sommes tous pareils. Un réflexe humain qui peut avoir un côté pervers : il empêche d’aller vérifier qu’à l’extérieur, c’est peut-être pas si pire que ça.

Maryse Legagneur pose un regard lucide, né d’une observation fine des habitants d’un quartier qu’elle connaît comme le fond de sa poche puisqu’elle y est née. Pourtant Au nom de la mère et du fils dépasse le cadre du quartier qu’il raconte. Dans ce film, j’ai vu des gens d’origine haïtienne agir comme on en voit à Paris ou à New York. Un regard à la manière de Jean-Michel Basquiat, constate Dany Laferrière. Qu’il y ait un problème géographique, urbain, racial, c’est anecdotique.

Les thèmes évoqués par la cinéaste sont universels. La préparation du lit nuptial est l’une des scènes les plus fortes du mariage de Figaro. Dans l’Odyssée, Homère taille l’arbre derrière la maison pour faire le lit de sa femme. L’idée de montrer un homme en train de monter un berceau est mythologique et cela restitue la dignité du père , souligne Dany Laferrière, rappelant ainsi la scène touchante où James, le futur papa, assemble le petit lit de son bébé à naître.

Le leitmotiv de la mère dans ce film, c’est comme ma mère qui me parle à l’oreille , lance avec émotion une jeune spectatrice haïtienne. La plus grande qualité de la jeune documentariste est d’avoir offert, en plus d’une esthétique irréprochable, un humanisme palpable, reconnaissable pour tous et chacun. Maryse Legagneur aura gagné son pari : élargir le regard.

Au nom de la mère et du fils, documentaire de Maryse Legagneur, ONF, 2005, durée 52 minutes