Au nom de la mère et du fils, de Maryse Legagneur

2007/05/16 | Par Ginette Leroux

Mon fils, le deuil d’Haïti est très lourd à porter / Plus tu passes de temps loin du pays, plus le deuil est lourd / En mon nom, j’ai quitté mon pays / En ton nom, j’ai fait beaucoup de sacrifices pour t’assurer un avenir Ces paroles, chuchotée par Toto Bissainthe, chanteuse haïtienne, née en 1934 et décédée à Port-au-Prince en 1994, sont les premières images du film Au nom de la mère et du fils, de Maryse Legagneur, lauréate du Prix Claude-Jutra pour la relève décerné aux Rendez-vous du cinéma québécois 2006.

À la manière d’un prologue, ce chant déchirant de la mère en deuil de son pays, Haïti chérie, quitté dans la douleur, mais si fort de courage et de dignité, d’espoir et de rêves d’avenir à transmettre à la génération suivante, traduit parfaitement la profondeur du message du premier documentaire de la cinéaste de 29 ans.

N’allez pas croire que ce film est triste ! Loin de là. Allez, montez, prenez place à bord de l’autobus 67 comme nous y invite la cinéaste. Bienvenue dans le quartier Saint-Michel!

Premier arrêt. James Arnold Similhomme. Un grand rêveur de 20 ans qui a grandi sans la présence d’un père. Sa mère s’échine dans les manufactures. Son revenu limité n’a pu lui permettre d’acheter les GI Joe tant convoités par son fils qui s’amuse encore comme un petit garçon à fabriquer des bonshommes qui ont des ailes qui volent comme un oiseau à partir de bouts de fils électriques qu’il ramasse au hasard des ruelles. Là, dit-il, je suis dans un autre univers.

Pourtant, James, si aérien soit-il, reprend racine lorsqu’il pense au bébé qu’attend sa petite amie. Ce n’est pas tant leur relation qui bat de l’aile, mais plutôt l’enfant qu’elle porte qui le préoccupe. Ma mère est venue au Québec pour une vie meilleure. Elle était enceinte de moi. Elle a été une mère et un père pour moi , raconte-t-il. En James sommeille le papa qu’il n’a jamais eu. Alors, il faut d’abord trouver du travail pour prouver à la famille de sa copine, qui tend à l’écarter, qu’il sera un bon papa capable d’assumer ses responsabilités paternelles.

Deuxième arrêt. Le Voyou. Une allure de conquérant, cet extraverti a une conscience aiguë du quartier où il est né. Rappeur, compositeur, graffiteur et pourfendeur d’idées reçues, il répond avec aplomb aux questions frondeuses de Benoît Dutrisac, dans un extrait de l’émission Les Francs Tireurs. Parce qu’il se dit écœuré que sa communauté soit stigmatisée par les médias, le Voyou prend sur ses épaules toutes les charges contre les jeunes du quartier Saint-Michel.

Mon problème ? C’est plutôt notre problème commun , rétorque le Voyou au franc-tireur qui lui lance au visage la présence des gangs de nègres qui s’identifient à la culture hip-hop et qu’il associe à la violence du quartier. Pourquoi ressort-on toujours les mêmes clichés ? Vous, comment réagiriez-vous si la polyvalente de votre quartier (Louis-Joseph-Papineau, par exemple, Louis-Jo pour les intimes) ressemblait à une prison tant les murs sont gris, sans fenêtres, si les paniers de basket avaient disparu de la cour d’école et que les maisons de votre quartier se confondaient à la grisaille ?

Troisième arrêt. On repart en direction inverse. Le film sort du quartier dans lequel il a été tourné pour être présenté, en février dernier, à l’Ex-Centris. Puis, il poursuit sa course au Rendez-vous du cinéma québécois. Une salle comble, en majorité remplie par la communauté haïtienne fière et enthousiaste, accueille la cinéaste au Cinéma de l’ONF avec en prime un débat en présence des principaux protagonistes et de Dany Laferrière.

Un ghetto, le quartier Saint-Michel ? Avant même d’être géographique, le ghetto est idéologique, répond la cinéaste. Il confine à un enclos. Alors, le sentiment de ne pouvoir prendre sa place dans la société, de ne pas faire partie du projet collectif grandit. Tu n’es pas motivé à sortir de ton hood somme toute, très rassurant, explique-t-elle. En créole on dit : nou tout se meme, nous sommes tous pareils. Un réflexe humain qui peut avoir un côté pervers : il empêche d’aller vérifier qu’à l’extérieur, c’est peut-être pas si pire que ça.

Maryse Legagneur pose un regard lucide, né d’une observation fine des habitants d’un quartier qu’elle connaît comme le fond de sa poche puisqu’elle y est née. Pourtant Au nom de la mère et du fils dépasse le cadre du quartier qu’il raconte. Dans ce film, j’ai vu des gens d’origine haïtienne agir comme on en voit à Paris ou à New York. Un regard à la manière de Jean-Michel Basquiat, constate Dany Laferrière. Qu’il y ait un problème géographique, urbain, racial, c’est anecdotique.

Les thèmes évoqués par la cinéaste sont universels. La préparation du lit nuptial est l’une des scènes les plus fortes du mariage de Figaro. Dans l’Odyssée, Homère taille l’arbre derrière la maison pour faire le lit de sa femme. L’idée de montrer un homme en train de monter un berceau est mythologique et cela restitue la dignité du père , souligne Dany Laferrière, rappelant ainsi la scène touchante où James, le futur papa, assemble le petit lit de son bébé à naître.

Le leitmotiv de la mère dans ce film, c’est comme ma mère qui me parle à l’oreille , lance avec émotion une jeune spectatrice haïtienne. La plus grande qualité de la jeune documentariste est d’avoir offert, en plus d’une esthétique irréprochable, un humanisme palpable, reconnaissable pour tous et chacun. Maryse Legagneur aura gagné son pari : élargir le regard.

Au nom de la mère et du fils, documentaire de Maryse Legagneur, ONF, 2005, durée 52 minutes|Bienvenue dans le quartier Saint-Michel!
47|55|Environnement|Une forêt Potemkine en Abitibi-Témiscamingue|2007-05-16 16:47:45|Camille Beaulieu|

Photo: Mireille Hubert

Rouyn-Noranda- Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs n’en démord pas : 8 % de la superficie du Québec, 53 500 km carrés, sera interdite aux industries forestière, minière comme hydroélectrique, dès l’an prochain. Des secteurs évidents comme la baie James ou le nord du Québec ayant amplement donné, les aménagistes s’attaquent dorénavant aux régions périphériques comme l’Abitibi-Témiscamingue, où les aires protégées représenteront bientôt 4,2 % de la superficie totale. Mais il arrive que le renard soit passé depuis belle lurette avant la construction de la clôture.

Un des territoires actuellement sous la loupe du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), la future réserve de biodiversité du lac Opasatica, forme une bande de 246 km2 de lacs et de bois, collée à la frontière ontarienne, à 25 kilomètres au sud de Rouyn-Noranda.

Les documents du gouvernement et du BAPE taisent que ce témoin bientôt tabou de l’état naturel de nos forêts a été intensivement exploité par les compagnies forestières depuis au moins 75 ans. 15 % à peine de sa superficie reste de forêts matures dans une région où ce processus nécessite 90 ans. C’est aussi un des secteurs de villégiature les plus fréquentés d’Abitibi-Témiscamingue.

Une forêt Potemkine

Le lac Opasatica lui-même s’inscrit dans la nouvelle aire protégée, alors qu’au moins 500 chalets ou résidences s’égrènent le long des rives des baies à l’Orignal, Verte, de L’île, et, Bergeron.

Les eaux du lac s’écoulent sur trente kilomètres du nord au sud, d’où son sobriquet de lac Long. Dans la littérature du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, ce lac se fond dans des boisés mixtes d’épinettes, de pins, de sapins, de pruches, de mélèzes, de bouleaux, de peupliers faux-trembles, de cèdres, etc.

On y trouve des forêts anciennes, une héronnière et un potentiel archéologique majeur avec pas moins de huit sites autochtones reconnus. Bref, la forêt boréale en forme d’image d’Épinal.

Qui cache d’la grosse industrie

Mais tout ce territoire idyllique prend un autre nom, celui d’unité de gestion 82 dans le canton Dufay sur les cartes du ministère des Ressources naturelles. Il apparaît alors sillonné de chemins forestiers toutes saisons, et absolument truffé de chemins forestiers d’hiver.

Les rangs se démarquent, tachetés d’îlots topographiques codés cp, cb, ct, cpr, etc. selon qu’ils ont, dans un passé plus ou moins proche, fait l’objet de coupes forestières partielles, par bandes, de coupes totales ou de coupes avec protection de la régénération.

La carte révèle que tout ce territoire a fait l’objet de coupes forestières massives, très majoritairement de type ct et cpr, c’est-à-dire des coupes totales ou avec protection de la régénération, les euphémismes habituels pour des coupes à blanc. Les forestières ont récolté les essences de transformation, pour céder ensuite la place à des industriels du bois de chauffage.

Les plus gros chantiers, d’après Forêts Québec, s’y sont tenus aux débuts des années 1990. Des prospecteurs miniers rappellent que le territoire faisait déjà l’objet d’importants travaux forestiers dès la fin des années 1970. Les riverains, enfin, ont depuis cinquante ans l’habitude de s’y approvisionner en bois de chauffage.

C’en est au point, rapporte Sylvie Mantha de l’organisme Sentinelle Opasatica, où depuis quelques années les conversations au dépanneur du village démarrent régulièrement par des :   A-tu vu ce que les cochons ont fait de l’aut’bord (du lac) ? . Des résidents du  Landing  à la tête du lac se plaignaient, pas plus tard qu’en août dernier, de ne pouvoir dormir la fenêtre ouverte à cause du bruit des scies mécaniques 24 heures par jour.

Seule une bonne dose de mauvaise foi permet d’ignorer ce tohu-bohu. Une débusqueuse au travail a même causé un incendie forestier, il y a cinq ans à la hauteur de la baie de l’Orignal. Il ne reste en réalité plus qu’à savoir s’il aura neuf ou dix-huit trous, ce  témoin de l’état naturel de la forêt des basses terres de l’Abitibi et de la baie James , comme on dit joliment à Québec ?

Sauver quelques meubles

Un regroupement de résidents, la Sentinelle Opasatica, n’en plaide pas moins devant le BAPE la survie des quelques boisés intacts en les incluant dans l’aire projetée, dont ils sont curieusement exclus. Certaines baies oubliées des forestières ou encore les  sentiers à José  fameux dans cette région ( voir GéoPleinAir de juin 2007). Rien de gagné donc ! Pour une bien mince consolation.

|Il arrive que le renard soit passé depuis belle lurette avant la construction de la clôture.
48|56|Manchettes Mouvements_syndical|Hydro-Québec pourrait être poursuivie pour négligence criminelle|2007-05-17 09:02:02|Camille Beaulieu|

Sur la photo: La centrale de Rapide 7

Rouyn-Noranda-Les procureurs du SCFP-957 envisagent de dénoncer Hydro Québec pour négligence criminelle ayant causé la mort de deux travailleurs, Alain Simard, 28 ans, et Gilles Lacroix, 57 ans, survenu à la centrale Rapide 7 en Abitibi, le 12 octobre 2006.

Le rapport d’enquête dévoilé à Rouyn-Noranda par la CSST conclut sans ambages qu’Hydro Québec et son sous-traitant, Rénald Toussaint Construction « ont agi de façon à compromettre la sécurité des travailleurs. »

Or, la loi C-21 permet, depuis mars 2004, de tenir criminellement responsables les employeurs faisant preuve de négligence en matière de santé et sécurité. Pareille poursuite, surtout à l’encontre d’une société d’État de l’envergure d’Hydro Québec, constituerait une première au pays.

Alain Simard d’Hydro Québec, et Gilles Lacroix de Général Électric travaillaient debout sur un rotor d’alternateur mis en mouvement par suite du graissage inadéquat des coussinets du treuil actionnant la porte de retenue d’eau, résume Marcel Charest, porte-parole de la CSST.

« C’est une horreur que des gens aient perdu la vie à cause de l’absence de 312 millilitres de graisses sur un treuil », a commenté, après lecture du rapport, Josée Durand, présidente provinciale du Syndicat des technologues d’Hydro Québec.

Lourd de griefs contre Hydro

Le SCFP tient tout particulièrement Hydro Québec responsable de négligence dans cette affaire. Un incident similaire, au même endroit, était survenu, sans faire de victime, le 27 juillet 2006. Quelques mois plus tôt à peine donc. « Ils ont réagi ponctuellement, mais sans régler le problème ! », déplore Mme Durand.

Le syndicat considère de plus que Rénald Toussaint Construction, sous-traitant responsable de la réfection du système des treuils et du graissage des coussinets à Rapide 7, ne possède pas la certification requise selon les devis même d’Hydro Québec pour la remise en ordre de cette vieille centrale. Le syndicat garde enfin en mémoire le décès de deux travailleurs, survenu à LG-4 le 26 novembre 2003. L’enquête de la CSST avait alors conclu à la négligence de l’employeur. Hydro toutefois s’en était sorti sans poursuites criminelles, le drame étant survenu tout juste avant l’entrée en vigueur de la loi C-21.

Trois causes, selon la CSST

La tragédie survenue le 12 octobre 2006 à Rapide 7 découle de trois causes, constate le rapport d’enquête de la CSST : une conception déficiente, donc dangereuse, du dispositif d’isolement du mécanisme d’embrayage; des infractions aux règles de l’art en matière de graissage; un contrôle insuffisant de la qualité de l’entretien des mécanismes en question.

« Dire que l’absence d’une seule de ces trois causes aurait empêché l’accident », a regretté Luc Legault , secrétaire général du SCFP 957.
La CSST a émis des constats d’infraction et posé les scellés sur les mécanismes incriminés. Elle a aussi émis une série d’injonctions contraignant Hydro à sécuriser davantage ses équipements et à améliorer ses programmes d’entretien et de formation du personnel.

|Hydro aurait agi de façon à compromettre la sécurité des travailleurs
49|57|Manchettes Politique_Québec Coups_de_gueule|Et si on parlait de « l’impartialité » de Charles Taylor…|2007-05-17 17:31:26|Pierre Dubuc|

Sur la photo: Le philosophe canadien Charles Taylor recevant le Templeton prize

Le chroniqueur Don MacPherson du quotidien The Gazette croit que l'impartialité de la commission sur les accommodements raisonnables a été minée par des propos tenus par l'un de ses coprésidents, Gérard Bouchard.

Ce dernier, dit-il, devrait peut-être démissionner pour réparer le tort qu'il a causé à cette commission.

Macpherson s’en prend aux propos tenus par Gérard Bouchard dans une entrevue accordée à l'hebdomadaire montréalais Voir le 29 mars dernier au sujet de la crise de l'identité québécoise. L'historien et sociologue soutient que la question des accommodements raisonnables est révélatrice d'une «articulation qui ne s'est pas bien faite entre la diversité et l'ancienne tradition ou culture de la société d'accueil ».

Interrogé sur le moyen «d'accoupler ces deux cultures », M. Bouchard répond: «C'est une des raisons pour lesquelles je pense que le Québec devrait absolument faire son indépendance. Le Québec a besoin d'accomplir un acte fondateur », dit-il.

Il précise un peu plus loin que cette option donnerait «cette espèce de confiance en soi, cette valorisation, cette sécurité psychologique et symbolique auxquelles nous aspirons d'une façon quasiment maladive. »

Pour Charles Taylor, les souverainistes sont des ennemis

Pour ne pas être en reste avec le journaliste MacPherson, il serait bon de rappeler quelques faits à propos du co-président de la commission sur les accommodements raisonnables : le philosophe Charles Taylor.

Dans son livre Ce pays comme un enfant, Serge Cantin rappelle que, peu avant le référendum de 1995, le réseau FM de Radio-Canada a proposé un débat sur le nationalisme réunissant Georges Leroux, Jean Larose, Jean-François Nadeau, Antoine Robitaille, Charles Taylor et Fernand Dumont.

«Les cinq interlocuteurs de Taylor, écrit Cantin, n’en revenaient pas de la virulence de sa diatribe anti-nationaliste. À tel point que Fernand Dumont […] après avoir signalé aux animateurs du débat sa “ difficulté ” face au discours de son collègue de McGill est venu bien près de “ quitter ” […] Ce n’était pas drôle, ajoute Cantin, non vraiment pas drôle, d’entendre ce superphilosophe, cette sommité internationale (Taylor est considéré comme l’un des plus grands philosophes politiques contemporains), cet apôtre du dialogue interculturel, celui qui s’est donné pour mission de “ rapprocher les solitudes ”, de l’entendre donc proférer les accusations les moins fondées, les plus grossières, celle-ci par exemple : “ le discours des extrémistes nationalistes pénètre le Parti québécois de fond en comble ”; ou cette autre : “ le Québec est le grand responsable de l’échec de Meech !»

Dans Québec, 18 septembre 2001, Claude Bariteau donne un autre exemple de l’état d’esprit de Charles Taylor. Dans un échange entre intellectuels dans un restaurant, en 1993, à la suite d’une conférence que Taylor venait de prononcer à l’Université Laval, Bariteau relate que, «interrogé sur la façon d’aborder le mouvement sécessionniste, le conférencier (Taylor) signale qu’il faut d’abord considérer les promoteurs de ce mouvement comme des ennemis».

Bariteau reconnaît en avoir été estomaqué !

|Pour Charles Taylor, les souverainistes sont des ennemis