Édouard-Montpetit doit renoncer

2007/06/11 | Par Collectif

Déclaration commune
Le lundi 11 juin 2007


Alertées par le Syndicat des professeures et professeurs du Collège (SPPCEM), les organisations signataires de ce communiqué ont décidé aujourd’hui de prendre la parole dans l’espoir que les membres du Conseil d’administration du collège Édouard-Montpetit (qui seront réunis le 12 juin) entendent notre message.

Le Collège doit renoncer au projet d’instaurer des programmes en anglais menant à un DEC et doit conserver intact le caractère francophone de l’institution et de son école affiliée, l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA). Il y va, pour nous, de la défense du caractère francophone des institutions d’enseignement supérieur au Québec.

Un processus de bilinguisation

Même s’il n’est question pour l’instant que d’un programme en aérotechnique (Maintenance d’aéronefs), nous savons en effet que le CA du collège a donné le feu vert à sa direction, le 29 novembre 2005 pour demander au ministère l’autorisation de dispenser en anglais tous les programmes d’aérotechnique.

Cet objectif a également été inscrit dans le Plan stratégique du Collège 2006-2011. Si cette hypothèse se réalisait, compte tenu qu’il s’agit de tous les programmes dispensés à l’ÉNA, c’est toute l’institution elle-même qui entrerait dans un processus de bilinguisation.

La situation est d’autant plus préoccupante que la résolution du CA de 2005 mentionne également un programme des techniques de la santé. Si bien qu’il est légitime de demander: la direction du Collège envisage-t-elle de projeter l’image d’une institution bilingue d’enseignement supérieur comme élément central de «marketing» sur le marché de l’éducation?

Il n’y a pas d’obligation

La direction du Collège justifie cette orientation en prétendant avoir «une responsabilité», celle d’offrir cette formation en anglais sous prétexte que le programme de Maintenance a été offert depuis 37 ans à la communauté anglophone et que le John Abbott College a décidé de ne plus offrir ce programme. S’il y a une responsabilité à cet égard, elle incombe au Ministère et non au Collège Édouard-Montpetit. C’est au Ministère qu’il revient de fixer les balises générales de développement du réseau, en matière linguistique tout comme en regard de l’enrichissement de la carte des programmes.

Les institutions francophones ne suppléent pas, jusqu’à maintenant, aux programmes manquants dans les institutions anglophones ou à ceux que ces dernières cessent de donner. Pourquoi cela changerait-il aujourd’hui? Les programmes offerts en français ne sont pas tous dispensés également en anglais.

Le Ministère a mis sur pied deux réseaux d’enseignement distincts, l’un en français, l’autre en anglais. Même si les programmes sont presque les mêmes, il y a une étanchéité entre les autorisations de programmes et à moins d’exception très particulière, tel le programme en tourisme partagé entre un établissement francophone et un établissement anglophone, aucune institution n’offre de l’enseignement simultanément dans les deux langues.

La prétendue «responsabilité» dont se drape le Collège existe d’autant moins que les jeunes anglophones «issus de la loi 101» sont parfaitement capables de suivre leur formation en français, comme l’ont démontré les étudiants de John Abbott College, qui venaient jusqu’ici terminer en français à l’ÉNA leur troisième année de formation.

Un impact majeur sur l’intégration et la francisation des nouveaux arrivants

Le collège Édouard-Montpetit a pour mission de se développer et d'offrir tous ses programmes en français à des étudiants et étudiantes de toutes origines ethniques et de diverses langues maternelles. Si certains éprouvent des difficultés à étudier en français, il lui incombe non pas d'angliciser sa mission, mais de leur fournir des cours d'appoint.

Si le CA du collège Édouard-Montpetit poursuit sa démarche pour instaurer des programmes en anglais, l’ensemble des intervenants du secteur de l’éducation et de la promotion du français devront se mobiliser pour contrer ce précédent dans la région Montréalaise, où s’installe environ 85% des nouveaux arrivants.

L’accès au réseau collégial et universitaire n’étant pas balisé par la Charte de la langue française, de plus en plus d’étudiants allophones issus de l’école secondaire française choisissent de fréquenter le cégep anglais. En 1990, les premiers « enfants de la Loi 101 », les étudiants allophones issus de l’école secondaire française, choisissaient de fréquenter le cégep anglais dans une proportion de 27,1%. Depuis une dizaine d’années, le choix de fréquenter un cégep anglais se situe au dessus de 40% chez ces étudiants. Par contre, les étudiants allophones issus de l’école anglaise vont à plus de 99% au cégep anglais.

Récemment la Fédération des cégeps constatait que le nombre de demandes d'admission dans les cégeps anglophones du Québec augmente plus vite que dans l'ensemble des 48 cégeps du Québec. Entre 2000 et 2010, la clientèle devrait croître de 10% au collégial anglophone québécois; dans certaines institutions anglaises de Montréal, cette augmentation pourrait atteindre 35 %.

De plus, la tentative pour angliciser le CEM est loin d’être un cas isolé. Déjà l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Montréal ont toutes deux examiné la question des programmes en anglais pour finalement les rejeter. Des programmes en anglais existaient à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), mais elle a finalement décidé d’abolir les programmes d'études comprenant uniquement des cours en anglais.

Un héritage à conserver, un caractère à affirmer

L’ÉNA s’est construite fièrement depuis 40 ans comme une institution francophone technique de haut niveau, dans un milieu largement dominé par l’anglais. Elle a apporté une contribution non négligeable au vaste effort de francisation des milieux techniques québécois.

La langue de travail au Québec étant le français, l’ÉNA doit préparer une main-d'oeuvre spécialisée qui contribuera non pas à angliciser davantage le Québec, mais à le franciser.

Nous enjoignons donc le Conseil d’administration du Cégep Édouard-Montpetit, dont relève l’ÉNA, à avoir à cœur de conserver cet héritage et à ne pas faire les premiers pas d’une démarche qui pourrait mener à l’effritement graduel du caractère français de cette école et éventuellement du Collège. Il faut au contraire réaffirmer la mission de l’ÉNA comme institution francophone, appelée à rayonner internationalement dans le milieu aéronautique. Nous invitons également la Ministre de l’Éducation à exprimer dès maintenant son opposition à cette demande, et son engagement à maintenir l’intégrité linguistique des institutions d’enseignement supérieur au Québec.



La Société St-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB)
Le Mouvement Montréal Français
Le Mouvement national des Québécois
Impératif français
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
La Fédération du personnel de soutien en éducation supérieure (FPSES/CSQ)
La Confédération des Syndicats nationaux (CSN)
La Fédération des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ/CSN)
Le Syndicat des professeures et professeurs du collège Édouard-Montpetit (SPPCEM)
Le Syndicat du personnel de soutien du collège Édouard-Montpetit (SPSCEM)
L’Association générale des étudiants du collège Édouard-Montpetit (AGECEM)