Créer de la richesse avant de la partager ?

2007/06/15 | Par Léo-Paul Lauzon

Serait-ce trop demander au patronat, aux politiciens et à leur cortège royal formé d’universitaires, d’éditorialistes et d’économistes d’arrêter de se moquer du monde en leur serinant sans cesse qu’avant de répartir la richesse, il faut la créer? Dire ça en pleine période de croissance économique, c’est rire du monde en pleine face en les prenant pour des ignorants et des débiles.

Les 20% les plus riches détiennent 94 % des capitaux

Dans un article de Michel Van Walle du Journal de Montréal du 4 avril 2006 intitulé : «Le plus long marché haussier en 35 ans», le journaliste écrit au premier paragraphe que : «Le marché boursier canadien vit actuellement son plus long marché boursier des 35 dernières années».

Ça mes amis, ça veut dire que le 20% des Canadiens les plus riches qui détiennent 94% des capitaux s’en mettent plein les poches en payant proportionnellement moins d’impôts sur leurs gros revenus car juste la moitié de leurs gros gains sur leurs capitaux est imposable alors que 100% du salaire du travailleur ordinaire est taxé «full pin».

Seulement 50% du salaire des dirigeants d’entreprises est imposable aussi, car ils se font payer leurs grosses rémunérations en options d’achat d’actions et non avec un chèque de paie comme l’ensemble des salariés. Une autre faveur fiscale scandaleuse consentie au gratin économique par vos politiciens complices. Et si les indices boursiers sont à leur niveau record c’est parce que leurs entreprises réalisent des profits records. Cela va de soi.

Les profits à leur niveau le plus élevé en 50 ans

Dans cet article de monsieur Van de Walle, Clément Gignac, économiste en chef à la Financière Banque Nationale a confirmé ce que l’on savait déjà : «Les profits des entreprises sont à leur sommet. Ils sont à leur niveau le plus élevé en 50 ans par rapport au produit intérieur brut». Bout de réglisse noire, qu’est-ce que l’on veut de plus?

Même le très conservateur chroniqueur de La Presse Claude Picher l’a répété dans sa chronique du 15 novembre 2005 intitulée : «La deuxième performance du G7». Il a écrit noir sur blanc que : «La situation est également réjouissante pour les entreprises canadiennes, dont les bénéfices, correspondant à 14% du produit intérieur brut (PIB), sont également les plus élevés en 30 ans».

Les profits vont aux actionnaires, non aux salariés

Vous n’êtes pas assez naïfs pour croire encore que plus les entreprises réalisent des profits records, plus elles investissent, plus elles créent de l’emploi, plus elles paient des impôts et plus elles augmentent le salaire de leurs travailleurs. Ça, ça relève du folklore patronal et de leurs affiliés affranchis.

Bien au contraire, plus elles réalisent de gros profits, plus elles en donnent à leurs actionnaires comme le laisse voir le titre de cet article du Journal de Montréal du 15 décembre 2005 : «Le déluge (sic) de dividendes et le rachat d’actions inquiètent les économistes». Si les économistes s’inquiètent, c’est que la situation est vraiment problématique.

Et puis, dans La Presse du 7 septembre 2006, il y a cet article titré : «Rachat massif d’actions : Une bonne nouvelle pour Wall Street», dans lequel on dit au premier paragraphe : «Le rachat massif (sic) d’actions par les sociétés américaines, qui consacrent actuellement des montants records (sic), à cette opération, pourraient propulser les cours boursiers à des niveaux excédant (sic) les meilleures performances en cinq ans».

Ça démontre bien une fois de plus que les compagnies ne se reconnaissent redevables qu’à leurs actionnaires et tant pis pour les autres. Faut réaliser le plus de profits dans les plus brefs délais et de toutes les manières possibles. Faut arrêter de croire naïvement à la responsabilité sociale des entreprises.

Le Québec, au 20e rang mondial

Bien évidemment, les profits records des entreprises canadiennes et les indices boursiers records canadiens englobent aussi les entreprises québécoises et les détenteurs de capitaux québécois.

Le Québec est riche, les entreprises et les nantis du Québec sont très riches alors qu’au même moment le gouvernement du Québec est pauvre, parce qu’il le veut bien, les services publics d’ici crient famine, des milliers de travailleurs sont pauvres de même que les municipalités, les hôpitaux, les commissions scolaires, les universités, etc. Incroyable mais vrai. Dans notre plus beau pays du monde, faut parler de concentration de la richesse et non de la répartition, comme aux States, le pays chéri qui sert de modèle et de référence.

Dans deux études de l’Institut de la statistique du Québec de 2004 et de 2005, publiées, entre autres, dans Le Devoir du 1er octobre 2005 sous le titre de : «Petit, mais compétitif. Le Québec occupe une place enviable sur la scène internationale» et dans le Journal de Montréal du 29 mars 2006 sous le titre de : «Classement en fonction du PIB par habitant. L’économie du Québec au 20e rang mondial». L’économie du Québec est plus importante que celle du Portugal, de la Norvège ou de l’Irlande». Le PIB par habitant au Québec est équivalent à celui de l’Allemagne et plus élevé qu’en Italie.

Le poids relatif des salaires baisse

«À qui profite la croissance économique?», tel fut le superbe article d’Éric Desrosiers du journal Le Devoir paru le 29 août 2006. En sous-titre de son article, le journaliste écrit : «Pendant que les entreprises engrangent des profits records, le poids relatif des salaires dans le PIB Canadien tend à fléchir».

Puis, il écrit : «Après avoir graduellement augmenté, en passant d’environ 50% au début des années 60 à plus de 56% au milieu des années 70, le poids relatif des salaires et autres avantages sociaux de l’ensemble des travailleurs dans le produit intérieur brut (PIB) canadien s’est graduellement mis à fléchir au fil des cycles économiques, au point de passer, en 2005, sous la barre des 50%». Ben oui, continuer donc à croire que les syndicats sont trop forts, bandes de nonos.

Le New York Times et The Economist confirment

Dans le New York Times du 28 août 2006, toujours cité dans l’article du Devoir, les nombreux experts interrogés par cet important journal américain ont dit : «Les salaires des travailleurs, après avoir atteint un sommet au début des années 70, n’ont jamais compté pour aussi peu dans le PIB américain depuis que la mesure a été établie en 1947. Les profits des entreprises, quant à eux, ne se sont jamais aussi bien portés depuis le milieu des années 60».

Puis, dans un article de Réal Pelletier publié dans La Presse du 7 août 2005 sous le titre de : «L’économie du monde», le journaliste signale ceci : «Le magazine The Economist explique que… dans la plupart des pays industrialisés, les salaires en tant que proportion du revenu national total sont au plus faible depuis des décennies. Par contre, les profits des entreprises, après impôts l’an dernier ont atteint, par rapport au produit intérieur brut (PIB), leur plus haut niveau en 75 ans».

Sainte-bine, le New York Times et The Economist ne sont tout de même pas des brûlots marxistes!