Les PPP sous Tony Blair

2007/06/17 | Par L’aut’journal 

Sur la photo: Nicolas Sarkozy et Tony Blair
le 11 mai, à Paris.

Dans son édition de juin 2007, le mensuel français Le Monde Diplomatique publie, sous la plume de Richard Gott, un bilan de la gouverne de Tony Blair. Tout l’article est à faire lire à ceux qui voudraient s’inspirer du « New Labour » de Blair pour « moderniser » la social-démocratie.

Particulièrement instructif et approprié dans le contexte actuel est le bilan de cette initiative de Margaret Thatcher développé par Blair que sont les Partenariats Privé-Public, connus en Angleterre sous le vocable PFI pour Private Finance Initiative. Citons ce qu’en dit Richard Gott :

« Le prolongement le plus significatif du thatchérisme a été l’initiative pour le financement privé (Private Finance Initiative, PFI) permettant aux entreprises privées de fournir des prestations de santé et d’éducation jusque-là assurées par le service public. La PFI était un projet de M. Major, avancé en 1992, par le chancelier de l’Échiquier de l’époque, M. Norman Lamont. Il visait à mobiliser des entreprises privées pour construire et gérer des hôpitaux et des écoles. Les sociétés concernées disposeraient d’une concession pouvant aller jusqu’à cinquante ans, et récupéreraient leur mise de fonds par des versements annuels du contribuable.

Des projets pilotes furent mis en place par les conservateurs, mais la PFI ne prit réellement son ampleur que lorsqu’elle fut adoptée avec enthousiasme en 1997 par M. Gordon Brown, chancelier de l’Échiquier. M. Brown s’était engagé à augmenter les investissements dans le secteur public, tout en ne sortant pas des étroites limites des capacités d’emprunt de l’État héritées des conservateurs. Le problème paraissait insoluble, mais la PFI apportait la réponse. Le gouvernement pouvait se procurer aujourd’hui les fonds nécessaires aux investissements et les rembourser ultérieurement.

La finance privée est plus coûteuse

Le revers de la médaille était que les sommes ainsi avancées devraient être remboursées à un niveau très supérieur à celui d’un investissement traditionnel. Ainsi, à la fin de l’année 2005, avaient été signés des contrats d’une hauteur de presque 50 milliards de livres, engageant les contribuables à verser vingt annuités de 7,5 milliards de livres, soit un total de 150 milliards de livres.

La PFI s’est maintenant étendue à la construction de routes et de prisons, aux technologies de l’information, cependant que les autorités locales l’utilisent pour le logement, les bibliothèques, l’éclairage public. C’est le ministère de la Défense qui est le plus gros utilisateur de la PFI. Au point que les conservateurs ne reconnaissent plus la paternité de ce positif. M. Lamont déclarait ainsi en 2002 : « La PFI n’avait jamais été conçue comme une manière de trouver des financements alternatifs. Je pense qu’elle est dangereuse car la finance privée est plus coûteuse. »

La « modernisation » de l’État : les consultants remplacent les chapeaux melons et parapluies

Pour les bénéficiaires des contrats de la PFI figurent les innombrables consultants de quatre grandes sociétés : Pirce-WatherhouseCoopers, KPMG, Deloitte & Touche et Ernst & Young.

L’une des ambitions de M. Blair était de « moderniser » le fonctionnement de l’administration, et il parlait d’une « réforme du service public centrée sur des objectifs ». L’explosion des contrats de consultants privés impliqués dans les activités jusque-là assurées par des fonctionnaires a effectivement entraîné des restructurations fondamentales de l’administration.

Les fonctionnaires des films comiques de l’après-guerre, arborant chapeau melon et parapluie, ont depuis longtemps disparu. Ils avaient été formés pour conseiller les décideurs politiques, pas pour gérer des projets. Ces tâches sont maintenant entre les mains de jeunes consultants privés.

La PFI, qui figure parmi les projets de prédilection de M. Blair, s’est révélée hautement impopulaire, et de plus en plus incapable de remplir ses objectifs. Ceux fixés pour les écoles et les hôpitaux n’ont pas été atteints. Les réformes en matière de technologies de l’information se sont avérées coûteuses et inadéquates. Les infirmières et les enseignants sont descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement. Un ancien conseiller ministériel a pu parler de l’« échec de l’État McKinsey ».

D’autres ont évoqué le mécanisme de la « porte-tambour » : des consultants privés sont recrutés pour gérer des projets publics, cependant que des hauts fonctionnaires partent en retraite anticipée pour se faire engager par les sociétés conseil. La politique n’est plus associée aux idées, mais à l’efficacité de la machine administrative. Le seul choix offert aux électeurs est de désigner le personnel jugé le plus apte à gérer ces réformes administratives. »

Bien entendu, toute ressemblance avec les projets du gouvernement du Québec du prolongement de l’autoroute 25 ou de l’îlot Balmoral n'est que le fruit du hasard.