On n'est pas trop taxés

2007/08/13 | Par Léo-Paul Lauzon

Dans un beau petit tableau très intéressant reproduit dans le Journal de Montréal du 1er octobre 2005 construit à l’aide de données de l’OCDE et de l’Association canadienne d’études fiscales, on indique le total des impôts et taxes prélevés dans différents pays en pourcentage du produit intérieur brut en 2003.

Être compétitif avec un gros État

En Suède, un des pays les plus compétitifs au monde et un des plus égalitaires avec en prime un gros État et un taux de couverture syndicale de 92,5 %, les prélèvements fiscaux obligatoires sont de 50,8 %, de 44,2 % en France, de 35,3% au Royaume-Uni, de 33,9 % au Canada, de 30,0 % en Irlande et de 25,4 % aux États-Unis.

Vous pouvez constater qu’on est loin d’être les plus taxés. Payez des impôts à l’État, loin d’être un mal, peut être avantageux pour la majorité de la population si nos gouvernements les dépensaient efficacement dans nos services publics, comme le soulignait récemment l’économiste en chef du Forum économique mondial, Augusto Lopez-Claros, dans un article reproduit dans Le Devoir du 29 septembre 2005 intitulé : «La Finlande, toujours championne de la compétitivité».

Monsieur Lopez-Claros a dit : «Les pays du Nord prélèvent d’énormes recettes fiscales puis les dépensent. Mais ils font un usage très efficace de ces recettes : ils les remettent dans l’économie avec un ” plus ” qui finance les infrastructures ou l’éducation».

Pas trop taxés, mais mal taxés

Ici, au Canada et au Québec, on n’est pas trop taxés mais plutôt taxés de façon inéquitable comme je me propose de vous le démontrer dans cet article. La classe moyenne est trop taxée au profit des riches individus et des riches entreprises.

«Un bénéfice plus que doublé pour EnCana», tel était le titre de l’article de La Presse du 26 juillet 2006, dans lequel on signalait que : «Le groupe gazier et pétrolier a annoncé avoir enregistré un bénéfice net de 2,2 milliards US, au deuxième trimestre de 2006… Le bénéfice net a été dopé par un gain de 457 millions US dû à une modification du niveau des taxes fédérales et de l’Alberta».

Puis, dans le Journal de Montréal du 4 août 2006 : «Le bénéfice de Suncor a fracassé le 1,22 milliards $ (pour un trimestre s’entend) qui incluait un gain de 460 millions $ réalisés par la baisse du taux d’impôt fédéral et albertain».

Et, dans Le Devoir du 28 juillet 2006, un petit encadré nous informe que Petro-Canada, cette ancienne société d’État qui maintenant vous exploite grossièrement, a généré un bénéfice net de 472 millions $ au deuxième trimestre de 2006, profit qui tient compte d’un recouvrement d’impôts futurs de 127 millions $ découlant de la diminution du taux d’imposition des sociétés.

Tout simplement écœurant. On continue de plus belle à rire du monde. Je suppose que ces baisses d’impôts accordées en 2006 aux pétrolières, et cela en pleine période de profits records, furent commandées et exigées par les tout-puissants syndicats et par les baby-boomers égoïstes et décrétées à l’avantage des générations futures ?

Des cadeaux fiscaux princiers

Juste pour un trimestre et seulement pour trois entreprises, nos gouvernements viennent de se priver volontairement de plus d’un milliard $ qui aurait pu être investi dans nos services publics comme la santé, l’éducation, les autoroutes, le transport en commun et les aqueducs. Ben non, on préfère encore une fois enrichir davantage les riches au détriment de la majorité. Je suppose aussi que ces cadeaux fiscaux princiers vont profiter principalement à la classe moyenne ?

Comme si cela n’était pas suffisant, le gouvernement conservateur fédéral de Stephen Harper, qui vient de couper des millions de dollars dans différents programmes sociaux et culturels, a décidé de continuer à verser aux pétrolières canadiennes les subventions annuelles de 1,4 milliards $, comme il est signalé dans cet article de La Presse du 27 septembre 2006 : «Layton réclame l’arrêt des subventions aux pétrolières».

Pour arrêter cette exploitation, faut nationaliser l’industrie pétrolière, comme viennent de le faire avec succès l’Équateur, le Tchad, Dubaï, la Bolivie, la Russie, le Venezuela.

D'autres études le constatent

Si je vous cite deux études de l’Agence des douanes et du revenu du Canada rendues publiques en 2001 en vertu de la Loi d’accès à l’information, allez-vous enfin me croire ? Dans ces deux articles du 22 mai 2001 parus dans le Journal de Montréal : « Trop d’entreprises ne paient aucun impôt » et dans La Presse : «Les entreprises ne paient pas leur juste part d’impôts», on signale que : «Des analystes fédéraux se demandent si certaines entreprises paient leur juste part d’impôts.»

Deux enquêtes internes de l’Agence des douanes et du revenu du Canada révèlent que de nombreuses sociétés paient étonnamment peu, voire pas du tout d’impôt fédéral. Près des deux tiers de toutes les entreprises canadiennes ayant déclaré des revenus annuels de moins de 15 millions $ n’ont pas versé un sou d’impôt fédéral entre 1995 et 1998. Cela équivaut à 716 000 entreprises pendant une année donnée. Parmi les très grandes sociétés déclarant des revenus annuels de plus de 250 millions $, au moins 41 d’entre elles, soit 6,5 %, n’ont payé aucun impôt fédéral au cours de la même période. Et parmi leurs filiales, jusqu’à 2664 ont échappé au fisc, soit 40 % de toutes les filiales.

Ça mes amis, ce n’est pas une étude qui émane des utopistes de gauche de Québec Solidaire, mais bel et bien de Revenu Canada. Combien de fois devrais-je vous répéter de demander que ces entreprises rentables versent leur juste part d’impôts !

La classe moyenne paie à la place des riches

Je pourrais continuer très longtemps à citer d’autres sources officielles et crédibles qui prouvent que si la classe moyenne est trop taxée de toutes les façons possibles (impôts sur le revenu, taxes à la consommation, tarification de services publics, taxes sur l’essence et sur l’alcool, etc.) c’est parce qu’elle paie en lieu et place des puissants qui font élire leurs politiciens pour qu’ils adoptent des politiques économiques et fiscales qui leurs sont favorables. Tant pis pour les autres, c’est-à-dire le monde ordinaire qui représente la majorité de la société.