Le derby de démolition de l’État se poursuit en catimini

2007/08/27 | Par Pierre Dubuc

On y prête moins attention, mais le processus de liquidation des biens et services publics via les privatisations se poursuit. Et si les médias n’y font pas écho, ce n’est pas parce que le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et son président Michel Sawyer ne suivent pas à la trace la ministre Monique Jérôme-Forget.

Michel Sawyer attire notre attention sur la privatisation annoncée du Centre de gestion de l’équipement roulant (CGER), malgré deux études indépendantes qui écartaient ce scénario.

Le CGER emploie plus de 400 personnes travaillant dans 60 ateliers de mécanique et deux points de service répartis sur l’ensemble du territoire québécois. « La flotte du gouvernement, c’est 6 600 véhicules, explique Michel Sawyer. C’est rentable qu’on les entretienne nous-mêmes. Ça pourrait être encore plus rentable, si on offrait le service aux municipalités. »

On a calculé que les tarifs de location de véhicules sont inférieurs de 30% au prix du marché. De plus, le CGER possède 60 véhicules à émission réduite de gaz à effet de serre. « Est-ce que le privé va poursuivre les mêmes objectifs environnementaux? », demande un Michel Sawyer dubitatif.

(photo: Clément Allard)

Danger : les obstacles ne sont pas seulement sur les panneaux

Le ministère veut également privatiser le Centre de signalisation, un organisme dont la trentaine d’employés préparent les panneaux et services de signalisation dont a besoin le ministère des Transports.

Le président du SFPQ nous cite une étude interne au gouvernement qui démontre que les panneaux produits par les entreprises privées sont de moins bonne qualité à des coûts comparables. « Comment la ministre Jérôme-Forget peut-elle dire aux Québécois que la privatisation du Centre de signalisation serait une bonne affaire? », se questionne-t-il.

Danger : Des informations sensibles et confidentielles confiées au privé

Trois autres services gouvernementaux sont visés par cette poussée de privatisation de la ministre Jérôme-Forget : le service des Fournitures et ameublement du Québec, la Reprographie gouvernementale et le Réseau national intégré de radiocommunication (RENIR).

Le rôle de ce dernier service est particulièrement stratégique. Le RENIR relève de la Direction générale des technologies de l’information et des communications (DGTIC) qui gère des réseaux de communication depuis 30 ans. C’est un partenaire privilégié d’une foule de ministères et d’organisme en matière d’entretien des routes, de protection de la faune, de lutte au braconnage, de gestion des forêts, de protection contre les feux de forêt, d’opération de sécurité civile et de contrôle routier.

Le réseau a été modernisé à la suite de la crise du verglas. Trente deux tours de transmission ont été installées, 98 autres étaient prévues. C’est un service névralgique en pleine expansion.

« Comment l’État pourra-t-il s’assurer que des informations aussi sensibles et confidentielles sur la sécurité civile, les services préhospitaliers d’urgence, la Sûreté du Québec, qui devait intégrer RENIR, puissent circuler sans interférence? », questionne Michel Sawyer.

85 personnes employées par l’État sont touchées par cette privatisation. Respectivement 60 et 40 autres le sont par celle des services de la Reprographie et de Fournitures et ameublement. « Dans le cas de la Reprographie, souligne Michel Sawyer, des investissements importants viennent d’y être faits. Est-ce le privé qui va en profiter? »

Danger : Algues bleues

De façon plus globale, la ministre Jérôme-Forget a annoncé son intention de maintenir le cap sur son objectif de réduction du nombre de fonctionnaires. Pour cette année, l’objectif est de supprimer 1 130 postes (équivalent temps complet).

Ces coupures de postes se font à l’enseigne de la bonne gestion. Mais, elles ne sont pas sans conséquence sur les services offerts à la population. « Prends l’exemple du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, nous dit Michel Sawyer. Il devra éliminer au moins 25 postes au cours des prochains mois. Le nombre d’inspections a diminué de 25 037 à 22 962 entre 2005 et 2006. Avec ces coupures, on n’attendra jamais l’objectif de 30 000 inspections environnementales pour 2007 ! »

On peut se demander avec le SFPQ, encore combien de crises d’algues bleues, d’effondrements de viaducs et autres catastrophes devront se produire avant qu’on se préoccupe de la défense des services publics !