Marois, émule d'Étienne Parent et L.H. Lafontaine?

2007/08/29 | Par Daniel Gomez

Le 9 mai dernier, les Intellectuels pour la souveraineté organisaient un colloque sur les résultats des dernières élections québécoises. Nous vous présentons un résumé de l’intervention de Joseph-Yvon Thériault. professeur de sociologie à l’Université d’Ottawa et directeur de la chaire de recherche sur la francophonie et l’identité.

Pour le professeur d’Ottawa, les nationalistes québécois se sont dirigés depuis quelques années dans un cul de sac identitaire. La raison en est qu’on a cessé de vouloir fonder les revendications nationalistes sur « la mémoire exacerbée des vexations anciennes » (dixit Gérard Bouchard)

On a ainsi tenté d’évacuer du mouvement nationaliste tout contenu substantiel et mémoriel. Cette tendance se retrouve partout dans le milieu intellectuel des trente dernières années : dans l’idée d’américanité pour parler du Québec, dans le révisionnisme historique, dans l’idée de nation civique (degré zéro d’ethnicité selon Thériault) dans l’insistance de vouloir introduire le pluralisme identitaire américain. Bref, dans l’oubli plus général de l’histoire.

(photo: Clément Allard)

La nation n’est pas la « communauté des internautes »

Tout cela a fait disparaître « l’intention éthique de la collectivité canadienne-française ». Il y a également une banalisation de la revendication nationale québécoise qui s’incarne par l’apparition d’une pléthore d’autres lieux identitaires qui concurrencent l’identité nationale : sexe, ethnicité, classes sociales, nouveaux mouvements sociaux, etc.

On a raisonné comme si il n’était pas possible d’établir une hiérarchie des lieux identitaires et que la nation était de même nature que la « communauté des cybernautes ». Or, pour Thériault, le groupement national (l’identité nationale) n’est pas de même nature que les divers groupements communautaires identitaires cités. Il a une toute autre portée car « il veut faire société »

Le conférencier déplore également la volonté de vouloir faire abstraction des raisons historiques de la souveraineté. Ainsi les électeurs les plus jeunes ne voient dans la souveraineté que l’idée de construction du futur. Ils négligent l’histoire et les humiliations passées.

Il note que dans le programme du P.Q. les raisons fortes de faire la souveraineté : justice, ouverture, écologie, etc. sont les mêmes qu’on peut retrouver dans le programme du NPD. En écartant les fondements historiques on a ainsi évidé le projet souverainiste de sa raison d’être.

Pourtant, dit-il, l’idée d’une conception unifiée de l’identité nationale n’est pas incompatible avec sa pluralité, en autant que l’on n’assimile pas cette identité à une identité sexuelle, ou à toute autre identité particulière.

« L’identité nationale, c’est la trace laissée par un siècle et plus sur la nation »

Pour Thériault, la nation est proposition de mise en forme, de mise en sens de pluralité première. C’est une communauté politique, pas nécessairement institutionnalisée. Il faut « réinscrire l’identité québécoise dans la mémoire canadienne-française » Il faut rappeler que l’identité politico-culturelle québécoise prend son sens, est en continuité, est une conversation nationale avec le Canada français. Ce n’est pas un simple socle de valeurs, qui sont d’inspiration libérales et qu’on peut retrouver partout en Occident, mais une trace sur laquelle on discute de valeurs.

Thériault voit dans la situation actuelle des similitudes avec celle qui a suivi la défaite des Patriotes en 1837-38. Papineau en vint à la conclusion qu’il fallait évacuer la question nationale et proposa l’annexion aux États-Unis. C’est cohérent pour quelqu’un qui place la démocratie comme une fin en soi en non pas comme un moyen de réaliser l’historicité d’un groupe particulier.

Ainsi, aujourd’hui, dans la réalisation d’un Québec vert, solidaire, ouvert, écologiste, pluraliste, etc, et devant l’impossibilité de le faire à l’échelle québécoise, pourquoi ne pas choisir le Canada, le continent, ou même le monde?

Pauline Marois, une émule d’Étienne Parent et L.H. Lafontaine ?

Mais, en 1840, il y eu aussi la réponse d’Étienne Parent, de Lafontaine et des réformistes qui tentèrent de mieux réarticuler la nation au nouveau contexte politique, d’introduire la nation canadienne française dans une union qui la niait. Ils y réussirent partiellement. Ce sont eux qui ont écrit le récit national du siècle qui a suivi.

C’est peut-être ce que propose Pauline Marois en demandant qu’on lui enlève l’obstacle référendaire. C’est à dire l’acceptation que la souveraineté reste un objectif, mais qu’elle n’est pas envisageable à moyen terme. Comme Parent et les réformistes, on assume les deux défaites et le déclin d’un souverainisme pur dans l’opinion publique.

Mais cette acceptation résignée n’est pas accompagnée d’une réflexion sur les moyens de faire avancer la nation en l’absence de souveraineté. Ceci est problématique parce que ce que l’on nous propose c’est ni souveraineté ni projet national.