Pas de compromis !

2007/09/30 | Par Annabelle Moreau

Pierre Falardeau, lui encore et le même, à l’Université de Montréal dans le cadre de la Semaine de la Souveraineté 2007. Il n’y a pas besoin de beaucoup plus pour que je me précipite. Cette manifestation estudiantine est un appel, selon Émilie Auclair, présidente du PQ-UdM, à « tous les souverainistes ou non ». Avec M. Falardeau, au moins, c’est clair. Il n’y a pas de demi-mesure. C’est ni noir, ni blanc, surtout pas rouge, donc pas loin du bleu.

Je ne risque pas bleu, car en ce mercredi 26 septembre 2007, le réalisateur et souverainiste de longue date n’est pas venu nous parler de la souveraineté telle que proposée par le Parti Québécois ou son cousin d’Ottawa, le Bloc Québécois. Il veut plutôt selon ses dires « nous emmener dans son jardin ». Ce paradis caché se révèle être un de ses films : Le Temps des Bouffons.

Revoir la bouffonnerie du Beaver Club

Moins connu qu’Octobre, qu’Elvis Gratton ou 15 février 1839, et surtout moins diffusé, il n’en demeure pas moins de l’excellent Falardeau. Il réussirait à convaincre, un court instant du moins, le plus farouche des fédéralistes.

S’inspirant d’un autre film, Les Maîtres fous de l’ethnologue-cinéaste Jean Rouch, qui relate qu’au Niger dans les années 50, un groupe subit jusque dans ses rites religieux la colonisation et l’emprise du gouvernement britannique, Falardeau expose sa vision du colonialisme anglais au Québec.

Ses images sont celles de l’anniversaire du célèbre Beaver Club de Montréal. Au moyen de sa voix tonitruante, le cinéaste constate la bouffonnerie de ceux qui se considéraient, en 1985, comme l’élite économique du Québec. Ridicules, ils le deviennent par ses mots et ses images.

« Les peuples qui vont survivre sont ceux qui se donneront un État »

Les applaudissements retentissent bruyamment avant que Falardeau ne puisse revenir à sa place. C’est sa façon de faire : regardons et ensuite discutons. Il avoue ne pas savoir quoi dire lorsqu’il reçoit de telles invitations. Son film devient le traducteur.

On s’aligne face aux micros et les questions commencent. Les réponses du réalisateur convergent sans détour autour de la logique implacable de la souveraineté et de sa nécessité vitale pour l’avenir du Québec. C’est clair, net et précis : « Les peuples qui vont survivre sont ceux qui se donneront un État, que vous aimiez ça ou pas ».

Si les interrogations deviennent plus insistantes ou que des doutes se font sentir quant à la légitimité du peuple québécois de se sentir désavantagé par le système actuel, les réponses de Falardeau se transforment en invectives passionnées : « Le Québec c’est un pays conquis par la force, c’est pas moi qui a inventé ça! Pis ceux qui nient ça c’est des épais! ».

Si les mots sont forts, ils ont au moins la force d’être démonstratifs et de révéler ce que l’indépendantiste en Falardeau avait comme message à passer.

Falardeau critique la retenue du PQ et du Bloc

Le bleu n’est donc pas le fort de l’invité. Même s’il cite Jacques Parizeau, René Lévesque ou Pierre Bourgault, Pierre Falardeau ne se gêne pas pour critiquer ouvertement la tendance qu’a prise le mouvement, non plus indépendantiste comme il le fait justement remarquer, mais souverainiste en le Parti Québécois et le Bloc Québécois, à propos de la question d’un possible référendum sur la souveraineté.

Si le PQ l’avait comme première et ultime réalisation lors de sa fondation à la fin des années soixante, les deux partis souverainistes évitent maintenant d’en parler directement. Le poète Gaston Miron trouve tout son sens dans la bouche de Falardeau : « Tant que l’indépendance n’est pas faite, elle reste à faire ».

Qui osera écrire l’histoire «sanglante» de la colonisation du Québec ?

C’est un monument, un bloc du mouvement indépendantiste qui est passé entre les murs de l’institution montréalaise. Pierre Falardeau donne l’impression de vivre pour l’identité québécoise et de respirer pour l’accomplissement de sa souveraineté.

D’ailleurs, il fait de sévères reproches aux étudiants, car ils, eux, les intellectuels, qu’il respecte par ailleurs, n’ont pas écrit et n’écrivent pas encore «l’histoire sanglante de la colonisation du Québec».

Ainsi, la Semaine de la souveraineté 2007, qui se tenait du 24 au 28 septembre, a su isoler et permettre la discussion sur le sujet tabou de l’heure à Québec et à Ottawa. Organisée par le Bloc Québécois de l’UdM, le Mouvement des étudiants Souverainistes de l’UdM et le Parti Québécois de l’UdM, les étudiants ont pu y voir entre autres Bernard Drainville, député du PQ dans Marie-Victorin, Amir Khadir de Québec Solidaire, Pauline Marois, nouvelle chef du PQ, ainsi que Guy Lachapelle, candidat du PQ dans Fabre aux élections de 2007.

Et tout ceci sans aucune partisanerie électorale, question de consolider ses assises souverainistes ou de se faire une idée claire de la souveraineté. Pierre Falardeau, lui, n’est plus à comprendre.