Citoyenneté québécoise : Marois ne doit pas céder

2007/10/21 | Par Bernard Desgagné

Il est à souhaiter que Pauline Marois et le Parti québécois ne cèderont pas devant les tentatives de culpabilisation dont ils font l'objet actuellement de la part des fédéralistes rampants du Parti libéral du Québec et devant les arguments tous plus illogiques les uns que les autres de la classe médiatique conventionnée.

Ainsi donc, les Québécois ne pourraient pas obliger les gens qui s'établissent au Québec à apprendre leur langue pour devenir citoyens québécois. Ce serait injuste et indigne d'une société civilisée. Mais, attendez un peu, il faudrait vite avertir les Britanniques parce que le gouvernement de leur pays songe lui aussi à dire aux nouveaux venus qu'ils doivent apprendre la langue commune au lieu de vivre en marge de la société.

Deux citoyennetés distinctes

On nous dit que le projet de loi de Mme Marois créerait deux classes de citoyens: ceux qui n'auraient pas eu besoin d'apprendre le français et ceux qui seraient tenus de l'apprendre. Or, ce n'est pas du tout le cas.

Il ne s'agit pas de créer deux classes de citoyens, mais bien une autre citoyenneté. Il y aurait deux citoyennetés distinctes, la citoyenneté canadienne et la citoyenneté québécoise, chacune étant définie selon ses propres règles.

Prenons l'exemple de la citoyenneté canadienne, puisqu'elle existe déjà. Les gens qui possèdent aujourd'hui la citoyenneté canadienne ont-ils tous dû se soumettre aux mêmes obligations pour l'obtenir?

Pas du tout. Ceux qui sont nés au Canada n'ont jamais eu besoin de prêter serment à la reine d'Angleterre, au son de l'hymne national et devant l'unifolié.

À vrai dire, les citoyens canadiens dans mon genre ont passé l'essentiel de leur existence à dénoncer publiquement ces symboles du colonialisme et de l'asservissement de la nation québécoise, pendant que leurs compatriotes immigrants devaient, eux, montrer patte blanche.

Je n'ai pas eu à me plier aux mêmes obligations que mon voisin néocanadien, mais personne ne prétend que nous appartenons aujourd'hui à deux classes distinctes de citoyens canadiens.

Les règles changent avec le temps

Par ailleurs, est-ce que les règles ont toujours été les mêmes pour pouvoir demander la citoyenneté canadienne? Pas du tout.

Au fil du temps, elles ont beaucoup changé, de sorte que certaines personnes ayant été naturalisées autrefois ne pourraient plus aujourd'hui y arriver.

Elles se verraient peut-être même refuser un visa dès le départ, chasse aux terroristes oblige. Pourtant, on ne dit pas qu'il y a deux classes de citoyens canadiens parce que les immigrants d'autrefois ne sont pas passés par les mêmes filtres que les immigrants d'aujourd'hui.

L'accession à la citoyenneté canadienne ne se fait pas de la même façon pour tout le monde, ce qui n'empêche pas les citoyens canadiens d'être tous égaux devant la loi. Il en serait de même pour la citoyenneté québécoise. Tous les citoyens québécois auraient les mêmes droits et les mêmes obligations.

Sommes-nous tortionnaires, racistes et intolérants?

Pour obtenir la citoyenneté québécoise et bénéficier des avantages qui s'y rattachent, les demandeurs qui arriveraient de l'extérieur du Québec auraient l'obligation d'apprendre le français. Il ne serait pas question de discriminer les gens selon la couleur de la peau, le sexe, la religion ou l'orientation sexuelle.

On ne leur demanderait pas d'oublier leur langue ou de ne pas parler anglais, mais seulement d'apprendre le français. Est-ce que ça fait mal aux neurones d'apprendre le français? Sommes-nous des tortionnaires, des racistes ou des intolérants parce que nous voulons que tous les Québécois puissent comprendre la langue commune, qui est un instrument essentiel d'intégration?

N'est-il pas plutôt invraisemblable que certains d'entre nous trouvent normal de devoir parler chez nous la langue de l'autre, mais pas normal d'exiger de l'autre qu'il apprenne notre langue lorsqu'il veut faire partie de notre nation?

On accuse le Parti québécois de repli identitaire, mais n'est-il pas beaucoup plus généreux de vouloir accepter pleinement les nouveaux venus dans notre famille en leur enseignant notre langue plutôt que de les refouler dans le mégaghetto du West Island?

S’adapter à la conjoncture

On dit que le Parti québécois est incohérent parce qu'il a autrefois jugé inopportune l'adoption d'une constitution du Québec. C'était à l'époque où le Parti québécois était au pouvoir et où il comptait encore tenir un référendum à la prochaine occasion.

Or, le Parti québécois s'est fait servir une sérieuse rebuffade lors des dernières élections. Doit-il bouder dans son coin en attendant que des circonstances plus favorables naissent par magie? Bien sûr que non.

Le Parti québécois compte manifestement faire tout ce qu'il peut pour faire cheminer les Québécois vers la souveraineté, car il est convaincu, à l'instar de la majorité des Québécois de langue maternelle française, que l'avenir de la nation québécoise, voire son existence, réside dans cette option.

Quand le Parti québécois sera porté au pouvoir avec une solide majorité, il pourra faire bien davantage que proposer une constitution du Québec. Mais pour l'instant, il doit se contenter des moyens que lui a accordés l'électorat. On ne peut tout de même pas lui reprocher de respecter la volonté du peuple.

Il doit proposer des moyens réalistes d'avancer vers l'objectif de l'indépendance en tenant compte de la donne actuelle.

Certains journaux partisans aimeraient bien coincer le Parti québécois dans une logique intégriste, mais Mme Marois a bien compris leur petit jeu et n'a pas l'intention de se laisser enfermer. Le Parti québécois n'est pas un parti démissionnaire ou un parti d'idéologues dogmatiques, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire.

La citoyenneté québécoise sera contestée devant les tribunaux

Il est certain que, dans le cadre du fédéralisme canadien, la Constitution du Canada pourrait servir à invalider des articles de l'éventuelle Constitution du Québec. Un anglophone unilingue arrivant du Canada anglais pourrait invoquer la Charte canadienne des droits et libertés pour contester les règles d'obtention de la citoyenneté québécoise et l'interdiction qui lui serait faite de présenter sa candidature à des élections municipales, par exemple.

Le Parti québécois ne niera certainement pas ce risque. Au contraire, il fera valoir la nécessité de l'indépendance du Québec pour y échapper et pour pouvoir dire enfin que tous les Québécois sont unis par une langue et des valeurs communes, contrairement à ce que souhaiterait le pouvoir d'Ottawa, qui ne cesse de semer la division parmi nous pour mieux régner.

Les arguments que brandissent reptiles et vertueux patentés contre l'obligation d'apprendre le français pour les immigrants ne résistent pas à l'analyse. Ce ne sont que des réflexes de colonisés ou de valets, et nous devrions envoyer paître les rapetisseurs du Québec et de la langue française dans la prairie canadienne. Il est fini le temps de la culpabilisation. Vive le français! Vive le Québec!