La tarification ouvre la porte à la privatisation

2008/01/28 | Par Jacques Beaumier

La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke vient de rendre publique une étude qui conclut en la nécessité pour le Québec d’imposer une tarification à l’ensemble des services publics.

Quand le citoyen devient client

Pour sa part, le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) a exprimé son désaccord avec le principe de la tarification des services publics à de nombreuses reprises, et ce, en raison du fait qu’une telle tarification conduit à la commercialisation du bien public et ouvre toute grande la porte à la privatisation des activités gouvernementales.

À cet égard, la population est en droit de se demander comment le gouvernement réussira à mettre les services essentiels à l’abri d’une éventuelle tarification? Ou encore, comment tiendra-t-il compte de la capacité de payer des citoyennes et des citoyens?

Selon nous, la logique de la tarification rabaisse le citoyen au rang de simple client. D’ailleurs, il s’agit d’une voie sur laquelle le gouvernement s’est déjà bien engagé.

120 pages sur les dépenses, 3 pages sur les recettes

Avec tout le respect que nous avons pour une étude universitaire sérieuse, nous osons tout de même nous demander comment les chercheurs de l’Université de Sherbrooke ont pu consacrer 120 pages de leur étude sur les finances publiques à la question des dépenses de l’État et se limiter à trois paragraphes pour traiter de la question de ses recettes.

L’un de ces paragraphes nous informe que « les recettes fiscales totales du Québec atteignent 39,6 % du PIB en 2004 contre 33,5 % au Canada et 25,5 % aux États-Unis ».

Doit-on se scandaliser d’un tel écart? Oui, si on considère l’État comme un gigantesque dépotoir où les citoyens vont déverser leurs impôts en pure perte!

Évidemment, ce n’est pas le cas. En retour de leurs impôts, les citoyens reçoivent une variété de services dispensés par la fonction publique et les réseaux de l’éducation et de la santé.

À cet égard, il est facile de comprendre qu’un État comme le Québec aura des recettes qui accapareront un pourcentage plus élevé de son PIB comparativement aux États-Unis où ses citoyens doivent se payer un régime d’assurance maladie privé.

Les investisseurs savent mieux compter que nos chercheurs

Nos savants chercheurs ajoutent : « Ce taux nettement supérieur limite sa capacité concurrentielle et freine sa croissance économique ». Ils sous-entendent que les investisseurs ne considéreraient que les taux d’imposition avant de s’établir dans un pays.

Évidemment, tel n’est pas le cas. Ne pas avoir à offrir de régime d’assurance maladie à ses employés parce qu’ils bénéficient d’un système de santé public ou encore pouvoir disposer d’un large bassin de main-d’œuvre qualifiée parce que l’État offre un système d’éducation public sont des facteurs concurrentiels avantageux.

Le problème est politique

Si nos deux chercheurs avaient regardé plus à fond le point de vue des recettes de l’État, ils auraient réalisé que les difficultés financières rencontrées par le gouvernement du Québec, tout comme par les autres gouvernements occidentaux, ne sont pas d’ordre économique mais bien politique.

L’argent existe mais ne passe plus autant par les coffres de l’État. L’argent qui résulte de la richesse produite se retrouve dans les paradis fiscaux, entre les mains des actionnaires des entreprises qui ont érigé en système l’évitement fiscal ou encore parce que les entreprises ont vu leur fardeau fiscal s’alléger pendant que celui des particuliers s’alourdissait.

Ils auraient également découvert que les réductions successives d’impôts au Québec, depuis l’an 2000, sont évaluées à un montant récurrent d’environ 6 milliards de dollars par année, et ce, sans compter les sommes qui se trouvent dans les coffres du gouvernement fédéral en raison du déséquilibre fiscal.

En conséquence, les mesures prises pour alléger les dépenses de l’État comme la tarification, la sous-traitance et les partenariats privé-public sont de fausses solutions pour répondre à un faux problème, c’est-à-dire la prétendue incapacité financière de l’État.

Il faut désarmer les milieux financiers internationaux

Donnons-leur tout de même un bon point : les chercheurs reconnaissent le phénomène de la concurrence fiscale. Ainsi, les gouvernements des pays industrialisés voient leurs revenus rétrécir pour financer les services publics tout simplement parce que la libéralisation des échanges a instauré la concurrence fiscale planétaire, les forçant à offrir des avantages fiscaux pour attirer les investisseurs.

Au final, les États se retrouvent tous perdants; ils voient leurs revenus diminuer et ils sont contraints de réduire les services qu’ils offraient à leur population.

Dans un tel contexte, les politiciens, dépassés par les événements, apeurent les populations avec l’accroissement de la dette publique ou le choc démographique pour justifier la tarification, la privatisation ou la réduction des services publics.

Mais de plus en plus de gens à travers le monde se rendent compte qu’il faut redonner aux États le véritable pouvoir de décider en désarmant les milieux financiers internationaux.

Il faut lever des taxes internationales sur les spéculations financières, sur les investissements directs à l’étranger, sur les profits consolidés des transnationales, démanteler les paradis fiscaux et démocratiser les organisations internationales, telles la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC).


L'auteur travaille au service de la recherche du Syndicat de la fonction publique du Québec.

Jacques Beaumier a assumé la coordination des contenus des conférences lors du collogque L'État que nous voulons, organisé par le SFPQ en juin 2007. Pour en savoir plus sur ce colloque, auquel participait notamment l'un des signataires de l'étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, M. Gilles Larin, visitez le www.sfpq.qc.ca (bouton L'État que nous voulons : actes du colloques, à droite de l'écran).