Mandats d’arrêt de l’Espagne contre des militaires rwandais

2008/02/10 | Par Robin Philpot

Robin Philpot est l’auteur de Rwanda : crimes, mensonges et étouffement de la vérité (Les Intouchables 2007).

À la suite de l’Audience nationale entamée en 2005, la Justice espagnole vient de lancer 40 mandats d’arrêt contre des militaires rwandais proches de Paul Kagame, président du Rwanda et chef depuis 1990 du Front patriotique rwandais et de l’Armée patriotique rwandaise.

Parmi les nombreux crimes identifiés et détaillés, le Juge a obtenu diverses preuves testimoniales et documentaires pour inculper le général de brigade Karenzi Karake pour le meurtre du prêtre Guy Pinard le 2 février 1997 (Juzgado Central de Instruccion No. 4, Audienca National, p. 111,).

Selon l’ordonnance, Karenzi Karake, à titre de Chef de la Directorate Military Intelligence, a été informé et a approuvé les massacres de la population civile jusqu’en mars 1997, y compris le meurtre de 4 observateurs de l’ONU le 11 janvier 1997, le meurtre de trois coopérants espagnols de Médecins du Monde le 18 janvier 1997 et le « meurtre du prêtre Guy Pinard le 2 février 1997, à Kampanga. »

(Il est à noter que, malgré une opposition vive, le général Karenzi Karake a été nommé commandant second des forces de paix au Darfour en 2007.)

Il s’agit d’une grande nouvelle. C’est la première fois que la Justice de quel que pays que ce soit enquête sur l’assassinat crapuleux de Père Guy Pinard pendant qu’il célébrait la messe devant un grand nombre de témoins il y a 11 ans. Onze ans pendant lesquels le Canada n’a strictement rien fait.

Le Père Guy Pinard, originaire de Shawinigan et ancien camarade de classe de Jean Chrétien, vivait au Rwanda depuis 35 ans.

Quand il a été assassiné, le premier ministre Chrétien et son ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy ont déclaré que le Canada exigerait que les auteurs de ce meurtre soient traduits en justice.

Mais quelques mois plus tard, le Canada avait déjà oublié le décès du Père Pinard.

Dix ans après, en juin 1997, le porte-parole des Affaires étrangères, Réjean Beaulieu a déclaré : « À notre connaissance, le Rwanda ne nous a jamais fourni de rapports ou d’explications au sujet de l’assassinat du père Pinard. À notre connaissance, le Rwanda n’a jamais traduit qui que ce soit en justice. »

Et qu’est-ce que les Affaires étrangères ont fait? Ils ont « relancé leur bureau à Kigali. »

Outre le père Pinard, l’ordonnance de la Justice espagnole a identifié les assassins du père Claude Simard, tué par des agents du FPR le 17 octobre 1994.

L’heure est maintenant venue pour le Québec et le Canada d’exiger que justice soit faite dans le cas du Père Guy Pinard, mais aussi dans les cas des autres Québécois morts au Rwanda dans des circonstances mystérieuses, dont le père Claude Simard, le père François Cardinal, et Mme Hélène Pinske.

Écoutez l’entrevue avec l’avocat catalan Jordi Palou-Loverdos du Forum-Vérité qui est à l’origine de la plainte ayant abouti à ces mandats : lundi 11 février, 13 h 30, à l’Effet versant, à CIBL, 101,5, www.cibl1015.com .