Nouvelles du Saguenay: Graffitis

2008/02/12 | Par Pierre Demers

Pierre Demers est correspondant au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Récemment, deux leaders non élus de l'opposition au conseil municipal actuel et du maire omnipotent (Christian Joncas du Regroupement des citoyens de Saguenay et Laval Gagnon de la Coalition pour la démocratie municipale) tiraient leur référence après avoir accompli une tâche de résistance non négligeable.

Maintenant, il semble que c'est dans la rue, plus précisément sur les murs de la ville, qu'on retrouve une autre forme d'opposition.

Down-town Chicoutimi

Des marchands du centre-ville se plaignent de la multiplication des graffitis et autres tags sur toutes les surfaces les entourant, comme le rapporte le Progrès-Dimanche du 10 février. Les uns et les autres sont partagés sur l'épidémie visuelle.

Comme les commerces sont forcés par la ville de faire nettoyer à leurs frais ces graffitis en période pré-touristique, ils comparent les lieux au down-town de New-York (sic) et exigent une politique de nettoyage des graffiteurs dans les plus brefs délais.

Priorité aux messages obscènes

Les élus municipaux, pour leur part, sont partagés sur les actions à prendre pour enrayer le travail nocturne des émules de Keith Haring.

Le maire trouve que l'épidémie n'est pas si grave. Il admet que c'est le lot de toutes les grandes villes (lui qui rêve d'en diriger une…) de devoir subir ce type de vandalisme.

Il se rappelle son petit catéchisme. «Une personne qui veut faire du mal réussit toujours à le faire.».

Il admet du même souffle que son administration se préoccupe en priorité d'effacer sur les murs de la ville les messages obscènes. Mais il refuse d'investir les sommes nécessaires (au moins 100 000$) pour remettre à neuf l'auto-gare, LE lieu où tous les taggeurs et les graffiteurs se réunissent en un joyeux arc-en-ciel de messages bigarrés.

Le maire de Chicoutimi, c'est connu, n'aime pas dépenser inutilement. Encore moins dans un dossier qui ne rapporte pas.

Interdire la vente d’aérosols

Sa conseillère Marina Larouche, porteuse de la rénovation du centre-ville et du patrimoine municipal délabré jure que l'heure est plus grave.

Elle qualifie les graffiteurs de criminels et promet une action énergique pour enrayer une fois pour toutes le phénomène. Elle entend construire un mur à la disposition des jeunes qui veulent s'exprimer et veut elle-même rencontrer tous les vendeurs de bombes aérosols pour leur interdire d'en vendre aux jeunes voyous.

Elle chassera de la ville tous ceux qui seront pris en flagrant délit de beurage de murs. Ensuite seulement, on pourra revamper l'auto-gare. Pour elle, son action vise le long terme…

« Le maire suce l’Alcan »

Le hic c'est qu'à travers ces graffitis, on retrouve une certaine opposition au maire actuel, Jean Tremblay le superbe pour ne pas le nommer. Une opposition souterraine, presqu'underground.

Déjà, l'année dernière, la ville avait investi plusieurs milliers de $$ pour effacer tags et propos politiques anarchistes sur les murs de la petite maison blanche.

On pouvait y lire entre autres une phrase prémonitoire et obscène aux dires du maire, qui attirait l'attention plus que les autres, « le maire suce l'Alcan ». La même phrase se retrouvait par la suite le long des pistes cyclables de la ville et sur certains barrages de Jonquière.

« Le maire suce l'Alcan » éclate encore sur les murs de la ville. Et, en plus, une photo du maire avec une légende anglaise « Not my mayor » attire elle aussi l'attention depuis quelques mois au centre-ville…

Comme si même les graffiteurs en avaient à découdre avec ce maire atteint d'un décalage horaire depuis qu'il est en poste, c'est-à-dire depuis bientôt dix ans (tout de même dix ans de moins que le maire de Laval, lui aussi un cas).

Qu'en pensent les graffiteurs?

Deux d'entre eux, Dilou et Marc en parlent ouvertement:

« Le maire nous fait honte. Il fait passer la ville pour un repère de cathos. On lui écrit sur les murs. Le centre-ville est rempli d'assistés sociaux et il semble l'ignorer. Lui et son conseil municipal gouvernent pour les riches et ses amis. »

« On écrit sur les murs pour laisser nos marques. On le sait que c'est interdit de le faire c'est pour cette raison qu'on le fait. Pour nous pincer les flics vont devoir se coucher tard.»

Du côté des travailleurs de rue, c'est le discours de la tolérance qui prévaut, non celui de la dénonciation. On a rencontré les quatre travailleurs de la rue de la ville, Simon, Janie, Michel et Julie.

Ils ne voient pas une augmentation des graffitis dans la ville. Ils sont toutefois différents et parfois prennent une dimension politique qu'ils n'avaient pas auparavant.

« Il y a des crimes plus graves que de dessiner sur les murs. C'est aussi des fils à papa qui font des graffitis. Les jeunes de la rue ne sont pas si homogènes qu'on pense. Il y a des vieux qui peinturent les murs de l'auto-gare. On en parle parfois du maire avec les jeunes. Ce n'est pas leur modèle de référence. »

« Si l'on met un mur à leur disposition ça ne règlera pas tout. Les jeunes taggeurs et les graffiteurs son plutôt volatiles. Ils circulent beaucoup. Ce n'est pas une population fixée définitivement quelque part. Ils passent. Comme dirait le maire, c'est le lot de toutes les grandes villes. Il faut vivre avec. »

« À moins d'interdire toute vente de peinture en aérosol ou de faire sauter tous les murs des immeubles, des édifices publics, des stationnements, et les boîtes aux lettres, les boîtes électriques, les bornes fontaines, les poteaux de téléphones, les trottoirs, les vitrines de magasins. À moins d'effacer la ville et de déménager tout le monde à son chalet au lac Clair.»