Nouvelles du Saguenay : Russel Bouchard

2008/02/25 | Par Pierre Demers

Ici au Saguenay (et même au Lac, faut vous dire) tout le monde le connaît ce Russel Bouchard, Aurore Boréale depuis qu’il a avoué en page frontispice du Progrès-Dimanche sa « transgenrité ».

Il a passé la semaine suivante à confondre tous les médias du Québec pour expliquer sa sortie du garde-robe mixte avec une franchise toute russellienne et son nouveau maquillage.

Il est toujours transgenre, mais aussi et avant tout historien permanent, écrivain pamphlétaire et chercheur autonome sur le point de voir publier son 58e ouvrage aux éditions Les Intouchables.

Un héros oublié

Un livre consacré à l’un des trop nombreux héros oubliés de notre histoire, Jean-Daniel Dumas, un capitaine français qui défendit Québec et la Nouvelle-France de 1750 à 1760 avec acharnement jusqu’à la capitulation.

Le lancement sous la haute direction de l’éditeur Michel Brûlé est prévu pour le 14 avril au salon du livre de Québec, évidemment. 400e oblige.

«J’avais entre les mains un manuscrit formidable de Jean-Daniel Dumas que j’avais découvert lors de mes recherches à Québec en 1977. Je savais qu’il fallait faire reconnaître ce personnage que je trouvais exceptionnel, un héros oublié comme tant d’autres. Je me suis mis à écrire l’ouvrage quand j’ai senti l’énergie nécessaire pour le faire.

« C’est beaucoup plus qu’une monographie historique sur Dumas, c’est aussi un plaidoyer sur l’héroïsme au Canada et au Québec. Je ne sais pas ce qui nous arrive, mais on détruit tous nos héros avec une facilité déconcertante. Marie de l’Incarnation c’est une folle, Madeleine de Verchères c’est une putain, Dollard des Ormeaux c’est un voyou et même Lionel Groulx, aux dires de Gérard Bouchard, c’est un écrivain raciste. J’ai voulu souligner l’existence d’un de nos nombreux héros oubliés qui mériteraient une certaine reconnaissance. »

Selon Russel Bouchard, ce Jean-Daniel Dumas a lutté de tous les instants pour défendre la Nouvelle-France, sans aucun intérêt personnel, avec la conviction qu’il fallait sauver l’indépendance du territoire.

Ce qu’en dit le dictionnaire de Louis Le Jeune

Ses faits et gestes héroïques sont nombreux. Voici ce qu’écrit Louis Le Jeune dans le Dictionnaire général de biographie publié par l’Université d’Ottawa en 1931 : «…le 1er janvier 1759, le roi le décorait de la croix de Saint-Louis et le nommait major général, inspecteur des troupes au Canada : ce qui lui conférait le rang, sinon le titre de colonel. Il prit une part très active à la défense de Québec.

« Le 28 juin, le marquis de Montcalm lui ordonna d’organiser en compagnie de tous les miliciens en état de porter les armes sous le commandement des officiers de M. de Vaudreuil, en vue de détruire les batteries anglaises à la Pointe-Lévy, mit sous ses ordres 150 soldats réguliers, des miliciens, un groupe de 30 élèves du Séminaire (sic). La nuit du 12 au 13 juillet, M.Dumas traversa avec eux le fleuve au Cap-Rouge, afin de surprendre l’ennemi, le matin…

« Puis, il fut mis à la tête d’un camp volant destiné à entraver tout atterrissement ennemi au-dessus de la ville. La nuit du 18, des vaisseaux ayant franchi la passe, M.Dumas avec 600 hommes, fantassins et cavaliers, fut envoyé à Sillery pour les observer. Malgré son activité, il ne put empêcher à temps le débarquement à la Pointe-aux-Trembles, où l’Anglais enleva 200 femmes, filles ou enfants qu’il renvoya le lendemain, 22 du mois. Le 3 août, Dumas conduisit ses combattants à Montmorency, revient à Québec. Le 13 septembre, il commandait aux Plaines la retraite de l’aile droite.

« À la bataille de Saint-Foy, il fut légèrement blessé, le 28 avril 1760. Néanmoins, il conduisit la retraite, sur la rive nord, mois par mois depuis la Pointe-aux-Tembles où il se trouvait au mois de juillet et il arriva à Montréal le 28 août. »

Dumas défait Washington

Selon Russel Bouchard, durant la guerre de Sept ans, Dumas accomplit des exploits hors du commun qui témoignent de son engagement à défendre son pays d’adoption.

Il mit en déroute le général Washington lors d’une incursion au Canada. Et surtout, il n’était pas vil comme Vaudreuil, qui signa la capitulation de Québec. «Un trou de cul de notre histoire », de répliquer Aurore Boréale la rage au cœur.

Comme on peut s’en douter, l’historien Russel Bouchard a une vision de l’histoire toute personnelle et axée en grande partie sur son rôle de pamphlétaire permanent.

Il considère que ses ouvrages historiques servent à faire découvrir des pans de murs oubliés de notre vie collective, mais ils lui permettent aussi de s’exprimer.

Contre les promoteurs sans mémoire

Il multiplie depuis toujours les sorties publiques contre ceux qui ne font rien pour protéger le patrimoine. Le Saguenay en compte plein de ces promoteurs et politiciens sans mémoire pour qui le passé n’est pas rentable.

«Moi, je n’écris pas des livres historiques pour séduire. J’ai des choses à dire et je ne me gêne pas pour les dire et les écrire. »

Il est d’ailleurs en train d’écrire une monumentale histoire de la navigation sur le Saguenay dans laquelle il entend bien souligner l’aberration des décideurs de la région, qui veulent accueillir les bras ouverts un port méthanier à Grande-Anse, dans le parc marin du Saguenay reconnu par le gouvernement fédéral et tous les organismes de protection de la nature au monde.

Mais, pour le moment, il prépare la sortie de son ouvrage sur Jean-Daniel Dumas. Il prévoit même se procurer un nouveau rouge à lèvres pour l’occasion. Après tout, on ne fête pas le 400e de Québec à tous les jours.