Les enfants-soldats de l’armée canadienne

2008/03/13 | Par Normand Beaudet

Cet après-midi, les politiciens voteront sur la prolongation de la mission militaire canadienne en Afghanistan. Tout indique que les budgets pour la guerre sont fracassés, peu importe.

La poursuite de cette guerre aura d’autres conséquences, d’énormes pressions pour le recrutement de nouveaux soldats. Vous êtes parents, il y a des enfants dans votre famille, dans votre entourage…Vous travaillez avec les jeunes. Bien sûr, vous leur souhaitez ce qu’il y a de mieux.

Gare à vous !

La fin de l’école primaire ou le début du secondaire arrivent, sachez qu’il peut y avoir un agent recruteur dans votre entourage. Les parents d’un jeune voisin ou d’un ami, un entraîneur ou même un membre du personnel de l’école peuvent être instructeur dans un corps de cadets.

Aussi absurde que la chose puisse paraître, les forces armées canadiennes approchent vos enfants dès l’âge de 12 ans. Nous avons donc nos propres enfants-soldats.

Bien sûr, rien de comparable avec les enfant-soldats mobilisés de force dans les pays en guerre. Tout de même, à travers le Canada, 50 000 jeunes sont embrigadés dans les corps de cadets de l’armée de terre, de l’air ou de la marine.

Les « instructeurs » de ces cadets sont des militaires appartenant à votre unité de réserve locale de l’armée canadienne. Les jeunes portent l’uniforme militaire, sont conditionnés à la « drill » pour obéir au doigt et à l’œil aux officiers et apprennent le maniement des armes.

Ordre de recruter

Depuis l’intensification de la guerre en Afghanistan a lieu une massive campagne de relations publiques de l’armée : « Opération Connexion ». Pour pallier au départ des boomers et combler les mandats offensifs, on cherche 10 000 nouveaux militaires par année entre 2007 et 2012.

Dans ce contexte, le commandant des forces canadiennes, le général Rick Hillier, a donné l’ordre à tous les militaires de s’impliquer activement dans le processus de recrutement des jeunes.

À l’heure actuelle, on estime que près de 30% des membres des troupes canadiennes sont des proches de militaires.

Pour répondre aux ambitieux objectifs de recrutement, l’armée doit absolument trouver le moyen d’élargir son bassin de recrues. Le mouvement des cadets fait partie intégrante de cette opération charme.

La guerre a créée un besoin inégalé de main d’œuvre en période de grande rareté, on doit s’y prendre tôt.

Tous les moyens sont bon

Bien entendu, vos enfants ne sont pas recrutés de force. Ils sont attirés par divers stratagèmes: des activités de plein air, l’apprentissage des premiers soins, des loisirs hebdomadaires, des camps de fin de semaine, des camps d’été avec dédommagement monétaire et des possibilités de voyage.

Ces perspectives sont particulièrement attrayantes pour les familles démunies. Comment refuser à son fils ou à sa fille de 14 ans la possibilité d’activités régulières et de voyages gratuit?

Comment dire non à la possibilité que votre enfant puisse faire un camp d’été rémunéré à Banff ou en Allemagne? Comment l’empêcher de s’offrir une carrière grassement rémunérée, sans même avoir terminé son secondaire, une fois la formation dans les cadets terminée?

Encore une fois les gens démunis sont mobilisés pour la guerre des riches.

Perfide recrutement

En tant que parent, vous devez savoir que le ministère de la Défense ne finance pas ces activités jeunesse de façon désintéressée. Pour recruter, l’armée canadienne utilise le sens du devoir des jeunes et le désir d’aider leur prochain.

Croyant apprendre à œuvrer pour la paix et l’assistance aux peuples dans le besoin, les jeunes sont préparés à la guerre. L’ère du maintien de la paix et des casques bleus est pourtant terminée.

L’armée recrute maintenant pour la guerre au terrorisme. Après cinq années dans les cadets, le jeune maîtrise toutes les habiletés périphériques au métier de soldat. Il ne lui manque que certaines notions de combat pour être un véritablement soldat.

Le bureau des cadets refuse de publier les statistiques quant à la proportion des anciens cadets qui se retrouvent dans l’armée à l’âge adulte. Est-ce parce qu’il s’agit là d’un moyen de recrutement efficace ?

Tuer ou être tué

Comme l’a exprimé avec éloquence le Premier Ministre Harper, la mission ultime des militaires canadiens en Afghanistan est de tuer ou être tué. Déjà 79 soldats sont morts dans cette mission à ce jour. Une société civilisée a-t-elle le droit de conditionner des enfants à une telle perspective?

Encore plus de militaires reviennent handicapés physiquement ou mentalement, ils seront à la charge du Ministère des Anciens combattant pour la vie; est-ce une perspective acceptable pour votre enfant?

Le positionnement des États-Unis aux portes de la Russie, de la Chine et de l’Inde, les trois pays à plus fort potentiel de croissance des prochaines décennies vaut-il le sacrifice de la vie de nos jeunes?

Les hélicoptères militaires, parmi les pièces de combat les plus vulnérables, ne seront d’aucun secours. Au lieu de s’entraîner au jeu du démineur , nos jeunes feront les pigeons d’argile pour les petits missiles sol-air portables utilisés contre les soviétiques.

A contre courant

Nous sommes dans une période où de nombreux organismes luttent contre le recrutement d’enfants soldats pour faire la guerre.

Pendant que plusieurs organismes internationaux tentent d’interdire le recrutement militaire avant l’âge de 18 ans, nous laissons les écoles secondaires du pays accueillir des unités de cadet dans leurs locaux.

Nous permettons à l’armée canadienne de solliciter nos jeunes dès la sortie de l’école primaire. Acceptons-nous que nos institutions d’éducation deviennent des sites d’endoctrinement?

Les étudiants passent à l’action

Heureusement, depuis septembre dernier les étudiants de niveau collégial et universitaire ont compris et sont passés à l’action. Ils ont notamment entrepris de mettre un terme au recrutement dans les cégeps et ils ont réussi.

Ils ont documenté et diffusé une quantité impressionnante d’informations auprès des associations étudiantes et des syndicats d’enseignants. L’ « Opération Objection » a permis de limiter considérablement le recrutement militaire dans les établissements postsecondaires. Ce n’est pourtant qu’un début.

Les Forces canadiennes disposent de millions pour recruter et ciblent toujours vos enfants. Aux parents maintenant d’agir.

L'auteur est membre fondateur du Centre de ressources sur la non-violence.