L’autre partition du Québec

2008/03/16 | Par Luc Archambault

Les 150 miles ( 250km ) qui séparent Québec de Montréal semblent être infranchissables. La présentation à Québec de la Symphonie des mille de Mahler hier samedi 15 mars 2008 nous offre le spectacle d’une partition aussi peu commune que par trop connue.

Au lendemain de cette performance mémorable les unes des médias de Québec, du Soleil et du Journal de Québec, s’en donnent à juste titre à cœur joie pour souligner le succès artistique et d’audience de cette mémorable et unique représentation.

Cependant, dans La Presse et Cyberpresse de Montréal, pas un mot, ni en une, ni ailleurs dans ses pages, ni dans la copie papier, ni dans le site Internet. Radio-Canada avait plus tôt annoncé son refus de capter et diffuser le concert.

Deux médias nationaux unis dans la même, insupportable et contreproductive indifférence. Mais Canoë et le Journal de Montréal ne sont pas en reste... Rien non plus de ce côté en page titre... sauf erreur...( et un lien dans une lointaine page divertissement du site Internet vers l'article du JdQ ). Bref, rien qui vaille dans la métropole...

Mardi prochain le 18 mars 2008, la Soirée hommage Le Lauréat 2007 - Le Soleil / Radio-Canada, réunira dans l’auditorium de l’ÉNAP–École nationale d’administration publique, la fine fleur de l’élite de Québec, capitale nationale, dont « l’excellence, la créativité et le talent » de ses plus méritantes personnalités du monde des affaires, des sports, de la science, des arts et autres sphères d’activités sociétales, seront récompensées par ces deux grands médias.

Une occasion rare de réunion et de socialisation de nos élites autrement enfermées dans leurs ghettos, tour d’ivoire, chapelles et réseaux respectifs. Une occasion qui pourrait faire un jour la différence dans cet éternel débat entourant ce qu’il est convenu d’appeler commodément pour en dissoudre et discréditer le valable contenu, le contentieux Québec-Montréal.

Le vrai pouvoir à Montréal et Ottawa

Il n’y a pas si longtemps, Québec a fait la une des médias papier, radio et télé montréalais quand sévissait ici ce que l’on a appelé la radio-poubelle qui faisait du dénigrement des élites le pain et le beurre de leur radiophonique quotidien et la joie des leurs auditeurs. La ville centre contre les banlieues. La Colline parlementaire contre la Côte de Beaupré.

Le problème des élites de Québec, c’est que plus on monte dans la hiérarchie des centres locaux de pouvoirs politiques, économiques, syndicaux, universitaires, technocratiques, médiatiques, scientifiques et culturels, plus on s’approche des lieux de vrai pouvoir, à savoir, Montréal pour ce qui concerne les affaires de la « Province » et Ottawa, pour ce qui concerne cette même province dans le Canada.

Si au bas de l’échelle ou à mi-parcours dans l’échelle hiérarchique de Québec et de sa région, on s’entend pour déplorer maints problèmes liés à ce ravalement constant de Québec, on ne parvient pas à créer un levier suffisamment fort et cohérent pour changer les choses parce que, au haut de la pyramide régionale où trônent les plus hautes élites de la ville, la règle consiste à ne pas diminuer ses chances d’avancement en risquant d’indisposer les vrais centres du pouvoir montréalais et outaouais, avec qui quotidiennement l’on transige, à ce niveau, pour obtenir ce que l’on désire, employeurs, clients ou patrons de Montréal ou Ottawa. Le vrai levier capable de faire bouger durablement les choses, ne peut s’ancrer nulle part, parce que toute velléité est ravalée ici-même...

La radio-poubelle en quelque sorte exploitait de manière démagogique et mercantile certes, mais néanmoins crédible cette dénonciation de la réelle « trahison des clercs » dont se sent confusément victime la population de la région de Québec.

Le « mystère » de Québec

Il ne faut pas chercher plus loin ce que l’on fait mine de considérer comme un « mystère ». Dans cet enfermement, quoi faire d’autre que du sabotage, quitte à se saboter soi-même...toutes inconséquences confondues, inconséquences et demie sont de mise..

Québec est une petite ville, où tout le monde se connaît. Du moins, aime-t-on le penser. En fait, tout le monde se connaît, mais de loin, sans se véritablement connaître et rencontrer. Chacun vaque à ses affaires dans ce monde ou l’individualisme est roi.

Et l’on s’étonne d’être si peu disposé à créer des synergies et front communs utiles et d’être considérés comme la ville des chicanes... cela nous vient peut-être de notre statut de ville fortifiée... habitués que nous sommes à surveiller l’ennemie à travers les nombreuses chicanes qui ouvrent parcimonieusement et défensivement nos fortifications sur l’extérieur.

Comme si l’OSQ portait ombrage à l’OSM

 Diviser pour régner, voilà le maître mot dans les plus hautes instances de ce pays. Donner l’impression que le fait de donner quelque attention à la Capitale nationale c’est enlever quelque chose à la métropole. Comme si le succès de l’OSQ pouvait porter ombrage à ceux de l’OSM.

Comme si développer Montréal, ne pouvait se faire qu’en privant Québec. Alors que c’est tout le contraire. C’est le Québec tout entier qu’on développe en faisant de Québec une ville où l’on pourrait produire des émissions et dramatiques télévisuelles et cinématographiques. C’est le Québec tout entier qui se renforce quand deux équipes de hockey s’affrontent à Québec ou à Montréal.

La partition du Québec

La question est ? Qui a intérêt à favoriser la partition du Québec ? Et si ce n’est pas de cela qu’il s’agit, qui a peur de réunir durablement les forces vives de Québec ? Je plaide pour que nos grandes institutions favorisent la réunion informelle de toutes nos élites le plus souvent possible pour que les agents de développement de la culture et des arts d’ici puissent se faire connaître des élites politiques, économiques, technocratiques, médiatiques, universitaires et autres de Québec, et vice versa.

Je plaide pour la création d’un lieu de synergie et de rencontre permanent qui aille au-delà des actuelles structures compartimentées que sont les Chambre de commerces, les associations et ordres professionnels, etc. Je plaide pour la création de la Conférence permanente Québec Ville d’art, de Connaissance, de vie de tourisme, et d’affaires, qui aurait pour mandat de favoriser la rencontre, la réunion et la synergie des élites de la région, afin qu’elles puissent disposer d’un forum pour partager et solidariser en fonction de leurs préoccupations respectives et communes, et ce, de manière à ce qu’elles puissent prendre leurs responsabilités à l’égard du peuple et de la population qui comptent sur elles pour assurer leur survie et leur développement.

L’auteur est peintre, sculpteur, performeur et céramiste