Crise forestière : le point de vue syndical

2008/03/25 | Par Marc Laviolette

Au cours des quatre dernières années, plus de 15 000 emplois ont été perdus dans l’industrie du papier et de la forêt. 130 usines de sciage ou de pâtes et papiers sont actuellement inactives, privant 31 des 250 municipalités qui s’appuient sur l’industrie forestière de leur principale activité économique. La crise est d’une ampleur sans précédent pour les dizaines de milliers de familles qui habitent ces communautés.

« Présentement, l’industrie est en pleine restructuration. La force du dollar canadien, la crise énergétique, un appareil de production qui ne répond plus en termes de volume, une industrie principalement axée sur l’exportation aux États-Unis et la guerre commerciale du bois d’œuvre sont des éléments de la crise structurelle que vit l’industrie », nous confiait Michel Fortin, vice-président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du papier et de la forêt (FTPF-CSN).

Les pétroliers de l’Ouest avant les forestiers du Québec

La CSN et la FTPF mènent présentement une campagne nationale visant à consolider les emplois et à soutenir les travailleurs touchés par la crise de ce secteur, dans la perspective de préservation et régénération de la forêt. La campagne cible les gouvernements fédéral et provincial, de même que l’industrie.

Les travailleuses et travailleurs de la forêt sont en colère face à un gouvernement fédéral, plus préoccupé de préserver les intérêts pétroliers de l’ouest que de venir en aide aux travailleurs industriels et de la forêt du Québec.

En effet, avec des surplus budgétaires évalués à plus de 11 milliards et des surplus de la caisse d’assurance-emploi de 54 milliards, le gouvernement Harper n’a mis qu’un maigre milliard dans son budget pour supporter les secteurs manufacturier et forestier. Ce montant réparti au pro rata de la population des provinces est insuffisant et injuste.

10 000 travailleurs ont perdu leur emploi

« Les conservateurs n’assument pas leurs responsabilités. Depuis deux ans, 10 000 travailleurs ont perdu leur travail dans ce secteur et le gouvernement Harper n’a toujours pas mis en place des mesures suffisantes pour leur venir en aide », déclarait Sylvain Parent, président de la FTPF-CSN, à l’issue du budget Harper.

« À court terme, la première priorité que nous exigeons du gouvernement fédéral c’est de mettre un programme de soutien du revenu pour les travailleurs et travailleuses de type PATA. Nous devons aussi développer des marchés autres que pour le 2 x 4 et les panneaux. Ça nous prend de l’aide pour développer la 2e et 3e transformation. Les entreprises doivent avoir accès à des garanties de prêts et autres mesures pour aider l’industrie à moderniser son parc d’équipement. Les régions doivent aussi être subventionnées pour développer les études de marchés nécessaires à leur relance », nous confiait Michel Fortin, vice-président FTPF-CSN.

Une politique à courte vue

Un mémoire de la FTPF-CSN sur la stratégie de renforcement de l’industrie québécoise des produits forestiers identifie le fait de s’en être essentiellement remis à l’abondance des ressources forestières et hydrauliques comme principal avantage concurrentiel a entraîné la détérioration de notre capital forestier, surexploité. Nous avons vu les dommages causés par cette politique à courte vue dans le film « L’erreur boréale » de Richard Desjardins.

De plus, la spécialisation de l’industrie dans trois produits destinés essentiellement à l’exportation, soit le bois d’œuvre, la pâte commerciale et le papier journal a entraîné son lot de problèmes amplifiés par la guerre commerciale du bois d’œuvre et la hausse du dollar canadien.

Rappelons que la firme Price Waterhouse-Coopers estime que l’augmentation d’un cent du taux de change se traduit par une perte de recettes de plus de 500 millions de dollars pour l’industrie canadienne des produits forestiers.

Nous faisons face à une industrie mature avec un taux de croissance entre 1980 et 2005 de 0,5 % dans les pays industrialisés. Nous accusons aussi un retard technologique inquiétant : le conseil de l’industrie forestière québécoise estime que seulement le tiers des usines québécoises disposent de technologie moderne.

Des revendications

De son côté, le gouvernement du Québec devra s’assurer que les redevances pour la forêt reflète non seulement le besoin de financement requis pour la gestion durable de la ressource, mais aussi la tendance du niveau des prix de la fibre résineuse dans les pays industrialisé et les autres provinces canadiennes.

Finalement une stratégie d’amélioration des techniques de coupe et de reboisement s’impose aussi afin d’améliorer la proximité des sources et le rendement des forêts.

En plus du PATA, la fédération syndicale revendique l’amélioration au régime d’assurance-emploi au niveau de l’admissibilité (70 heures) le taux de prestation à 60 % du salaire et 50 semaines de durée des prestations.

Plusieurs autres demandes concernant la modernisation, la diversification et la recherche et développement figurent également au programme.

Des revendications similaires sont acheminées au gouvernement du Québec, dont l’instauration d’une charte de la construction favorisant l’utilisation du bois dans la construction des édifices publics.

Avec l’occupation du bureau de Jonquière du ministre fédéral du travail Jean-Pierre Blackburn par une centaine de travailleurs de la FTPF, une manifestation devant le bureau du ministre Lawrence Cannon à Maniwaki et des rencontres diverses avec plusieurs députés, l’opération sensibilisation s’est déployée partout au Québec.

« Nous tiendrons plusieurs réunions régionales d’appui et nous déposerons notre mémoire à la fin mars. Nous rencontrons aussi les gouvernements pour faire des représentations pour les travailleurs des compagnies en difficulté et attendons avec impatience l’automne prochain le dépôt du projet de loi du Québec suite aux consultations sur le livre vert du gouvernement pour l’aménagement forestier », affirmait Michel Fortier, vice-président de la FTPF.

Beaucoup d’activité d’information et de mobilisation en perspective pour les 13 000 travailleurs et travailleuses du papier, de la forêt et des imprimeries et leurs 185 syndicats affiliés à la FTPF-CSN.