Reporters sans frontières dans l’eau chaude

2008/04/14 | Par Jean-Guy Allard

Reporters sans frontières garde un silence absolu depuis plusieurs jours au sujet du scandale de corruption qui entoure une de ses principales sources de financement aux États-Unis, le Center for a Free Cuba, de l'ex agent de la CIA Frank Calzon, ami personnel du Secrétaire perpétuel de l'organisation française, Robert Ménard.

Le porte-parole de Bush, Scott Stanzel, a révélé il y a quelques jours que le dossier de Felipe Sixto – un conseiller présidentiel sur Cuba et Puerto Rico qui a travaillé durant des années avec Calzon – avait été transmis au Département de la Justice après que l'on eut découvert que le fonctionnaire était impliqué dans des activités de détournement de fonds.

Robert Ménard reçoit depuis plusieurs années de généreux subsides de l'organisation de Calzon, avec qui il entretient une relation amicale.

L'utilisation frauduleuse de fonds provenant de United States Agency for International Development (USAID) a été détectée fin janvier 2008, selon ce qu'a confessé Calzon dans des déclarations publiques tout en niant désespérément sa responsabilité dans les agissements criminels de son ex bras droit.

Selon Associated Press, Sixto a quitté son poste dans l'organisation de Calzon et s'est joint au bureau des Affaires intergouvernementales de la Maison Blanche en juillet dernier «et avait comme mission de servir de lien entre les fonctionnaires hispaniques et les législateurs des différents États dans les questions relatives à Cuba, Porto Rico, la santé et l'environnement».

Jusqu'à maintenant, Calzon s'est abstenu d'expliquer pourquoi Sixto qui jusqu'alors était son collaborateur le plus indispensable, a soudainement accepté d'être écarté de son poste l'été dernier.

La mafia cubano-américaine

Établi à Washington, le Center for a Free Cuba dit être une organisation non-gouvernementale qui se consacre à promouvoir «les droits de l'homme et la transition à la démocratie» à Cuba.

Sixto, un Cubain de Miami vivant à Frederick, Maryland, maintient des relations assidues avec des membres de la mafia cubano-américaine.

RSF entretient aussi en Floride des liens avec des individus identifiés par le FBI comme terroristes et avec des groupes qui appuient ouvertement le terrorisme contre Cuba.
«Personne en ce moment au Center for a Free Cuba n'est lié et je suis sûr que personne d'autre n'a jamais été lié ou n'est actuellement lié à ces activités», a juré Calzon à l’Agence France-Presse.

L'agence française affirme dans une dépêche que l'organisation de Calzon et Sixto envoie à Cuba «des milliers de livres, d'ordinateurs portables, de radios ondes courtes et des médicaments».

Une enquête du General Accountability Office (GAO), un bureau d'audit du gouvernement fédéral, a déterminé dans un rapport de 50 pages publié il y a quelques mois que seule une très faible portion des dizaines de millions distribués par la USAID relativement à Cuba arrive effectivement dans l'île.

Un financement occulte

Un nombre important d'organisations parasitaires de la «dissidence» de Miami s'approprient cette fortune dès son arrivée en Floride. Plus de 95%, c'est à dires la quasi-totalité des 65,4 millions du budget Cuba de la USAID analysé par le GAO ont été attribués «en réponse à des demandes non sollicitées», sans appels d'offre, révélait le rapport.

Parmi les grands bénéficiaires de cette opération de détournement de fonds se trouve le Center for a Free de Cuba de Calzon qui a englouti plus de 5 millions entre 1996 et 2005.

Comme si cela n'était pas suffisant, la USAID subventionne aussi la National Endowment for Democracy (NED) et l'International Republican Institute (IRI), deux autres fournisseurs de Reporters sans frontières.

Ce n'est pas par hasard que Robert Ménard entretient un bureau à New York et se sert d'un cabinet de comptable de la Virginie, à quelques kilomètres des bunkers de la CIA, en plus d'utiliser un compte bancaire auquel il est le seul à avoir accès.

Ménard lié à dirigeant de groupe terroriste

À la fin des années 60, Frank Calzon, alors agent de la CIA, a été dirigeant du groupe terroriste Abdala, lié au soi-disant Front de libération nationale de Cuba (FLNC).

Calzon est ensuite devenu directeur exécutif de la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA) dès sa création en 1981 sur un ordre de la Maison Blanche de Ronald Reagan. L'organisation est connue pour son appui aux activités criminelles du terroriste Luis Posada Carriles.

À partir de 1987, il est passé à l'organisation d'extrême-droite Freedom House avant de se créer sa propre organisation, le Center for a Free Cuba, immédiatement subventionnée à la hauteur de 400 000 dollars par le gouvernement des États-Unis.

Ménard a connu Calzon il y a des années par l'intermédiaire de Otto Reich, un haut fonctionnaire nord-américain né à Cuba de père autrichien.

Durant des années, Ménard a nié connaître Calzon. En mars 2004, Ménard et Calzon se sont présentés en public ensemble, en compagnie d'une mercenaire notoire de Miami, Silvia Iriondo, à une réunion de députés européens organisée par les amis de José Maria Aznar, à Bruxelles.

En mai, Calzon a empoché cinq des 34 millions que Bush a assignés au Plan d'annexion de Cuba. Reporters sans frontières s'assurait alors d'une part du gâteau.

Il a cependant fallu attendre un forum Internet de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, le 22 octobre 2004, pour que le capo de RSF reconnaisse enfin ouvertement ses liens avec l'ex agent de la CIA.

Tandis qu'il mène en France des campagnes médiatiques qui l'identifient à des secteurs progressistes, le maître de RSF obéit à des orientations très claires des services de renseignement nord-américains. Ce qui explique pourquoi il s'est également tu quand d'importants médias progressistes tels que rebelion.com ont été censurées récemment par des fournisseurs Internet de Suède et d'autres pays d'Europe.

Face au scandale Sixto-Calzon, Ménard a préféré éviter le sujet tandis qu'il effectue en Europe une bruyante campagne contre la Chine, avec la collaboration de la presse française, propriété des mêmes grandes fortunes qui le parrainent.

À Miami, cependant, on raconte déjà que le cas Sixto n'est que la pointe d'un iceberg et que de nouvelles enquêtes pourraient bientôt révéler d'autres chapitres scandaleux de la guerre sale contre Cuba menée depuis 50 ans par le gouvernement de Washington.