L’indispensable survie de Réseau Plus

2008/04/16 | Par Rock Demers

Un compromis doit être trouvé sinon nous nous acheminons petit à petit vers la situation qui existe au Canada anglais où le cinéma américain occupe environ 98% (quatre-vingt dix-huit!) du temps-écran

Il me semble qu’il ne peut y avoir une seule personne raisonnable au Québec (même parmi les membres de l’Association des propriétaires de cinémas et de ciné-parcs du Québec (l’APCCQ)) pour croire qu’il y a la moindre concurrence entre les salles de cinéma et les salles de Réseau Plus.

Puis glisser de « concurrence déloyale » à « question de principe » n’est pas un argument plus convaincant. Loin de là.

Une logique déjà vue

Cette argumentation de l’APCCQ est aussi incompréhensible que celle qui avait mené, il y a quelques années, à vouloir sacrifier le Festival des Films du Monde en faveur d’un « nouveau festival », avec tout le gâchis qui s’en est suivi, tant au plan national qu’international. On ne peut se permettre un tel deuxième gâchis.

Heureusement, malgré les apparences, tout porte à croire que ce gâchis ne se produira pas. D’abord à cause de la réaction immédiate et claire de la Ministre St-Pierre en faveur de Réseau Plus et aussi parce que je connais trop de gens intelligents et amoureux de cinéma chez les membres de l’APCCQ, (qu’ils soient de Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Côte Nord, Bas du Fleuve, St-Hyacinthe, Joliette...).

La décision de la Ministre de créer immédiatement un comité qui se penche sur la question devrait permettre de trouver les compromis nécessaires pour que soit réinstaurée une harmonie de fonctionnement entre Réseau Plus, l’APCCQ et les distributeurs.

Un compromis est nécessaire

Il faut absolument que nos distributeurs aient accès aux têtes de pont que sont les cinémas de Cinéplex-Odéon Galaxy et autres cinémas programmés par l’Agence Den Hur afin de maintenir la variété de films que réclament les cinéphiles québécois qu’ils soient des grands centres ou des régions. Il est difficile de croire que cette activité parallèle de Réseau Plus ne contribue pas, à la longue, à nourrir le public des cinémas réguliers.

Les films américains occupent déjà de 75 à 80% de notre temps-écran. Ne devrions-nous pas tenter collectivement vers un pourcentage qui soit plutôt de 70 à 75 %?. Il y a tellement de films de grande qualité produits hors USA qui ne trouvent pas place sur nos écrans réguliers!. S’ils y trouvaient place, cela serait bénéfique autant pour les amateurs de « cinéma étranger » partout à travers le Québec que pour le public de nos propres « films nationaux ».

Un compromis doit être trouvé sinon nous nous acheminons petit à petit vers la situation qui existe au Canada anglais où le cinéma américain occupe environ 98% (quatre-vingt dix-huit!) du temps-écran avec comme résultat que les films canadiens année après année n’arrivent même pas à s’assurer une moyenne de 1% (un!) du temps-écran et cela malgré des investissements disproportionnés (par rapport au BO des films québécois) de la part des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral.

Même le Festival de Toronto n’arrive pas à ouvrir un peu, en fréquentation régulière, la valve du temps-écran pour les films non-américains. Même le « Toronto Film circuit » issu du Festival de Toronto n’y arrive pas. Pourquoi? Parce que les grands circuits ne permettent pas à « Film Circuit » l’accès aux films avant un délai de 3 mois à compter du début de leur exploitation commerciale...

De représailles en représailles….

L’abcès qui couvait sous cendres depuis un certain temps, vient d’éclater. Il faut comprendre que c’est un cri de désespoir pour que nous n’en arrivions pas là au Québec. Notre spécificité culturelle nous a permis de maintenir ce maigre créneau de 20 à 25%. Nous ne pouvons accepter de le voir s’amenuiser. Non seulement ça, mais l’APCCQ doit en favoriser son élargissement.

Je sais que le pouvoir de « représailles » des grands studios américains vis-à-vis de Cinéplex-Odeon Galaxy est important; que le pouvoir de « représailles » de Cineplex-Odéon Galaxy vis-à-vis de l’APCCQ est important et que le pouvoir de « représailles » de l’APCCQ vis-à-vis de certains programmateurs est important.

Mais nous savons aussi que, si un nécessaire compromis est rapidement trouvé, personne ne souffrira de ce pouvoir de « représailles » de l’un vis-à-vis de l’autre. Bien au contraire.

Nous savons aussi que la situation des salles de cinéma n’est pas nécessairement facile : sortie rapide des DVD, VOD, chaînes de tv spécialisées, nécessaire numérisation des équipements de projection… Mais la santé économique des salles ne passe certainement pas par l’asphyxie de Réseau Plus et le non-accès en simultanéité de films de qualité pour les citoyens qui habitent hors des principaux centres.

Rock Demers
Producteur


P.S. : L’APCCQ ne peut quand même pas d’une part, refuser la billetterie « comme en France » et, d’autre part, reprocher à la SODEC de ne pas aider à financer un réseau commercial de salles « art et essai » « comme en France »!