Bras de fer chez Petro-Canada et Quebecor

2008/04/24 | Par Marc Laviolette


Une partie de bras de fer entre syndicats et patrons se déroule présentement au Québec. Deux compagnies profitables - Petro-Canada (2 milliards de profits) et le Journal de Québec (25 millions de profits) - ont mis en lock-out leurs salariés. Depuis six mois pour Petro-Canada et un an pour le Journal de Québec. Finalement, ces deux employeurs poursuivent leur production à l’aide de « scabs » à l’encontre du Code du travail. On se croirait dans les années 1970.

La section 175 du Syndicat canadien des communications de l’énergie et du papier continue à marquer des points dans sa chasse aux « scabs » afin de rétablir son rapport de force face à Petro-Canada qui continue sa production comme si le conflit n’existait pas.

Rappelons qu’en février dernier, pas moins de 26 briseurs de grèves étaient identifiés dans un premier rapport d’enquête du ministère du Travail. En mars, suite à une nouvelle plainte portée par le syndicat, un autre rapport constatant la présence de cinq nouveaux cas de briseurs de grève. En avril, une nouvelle décision de la Commission des relations du travail renouvelait son ordonnance de ne pas recourir aux briseurs de grève et reconnaissait la plainte du syndicat sur les cinq nouveaux cas de « scabs ».

Avec cette nouvelle décision, le nombre de briseur de grève que Petro-Canada ne doit plus utiliser est porté à 12. Les auditions doivent se poursuivre dans les prochaines semaines.

« Non content de nous avoir jeté à la rue après nous avoir refusé le même traitement que celui réservé aux travailleurs des autres raffineries au Canada, voilà que Petro-Canada méprise les lois québécoises », a déclaré M. Cloutier du SCEP aux médias.

Quelques jours plus tard, le syndicat déposait une série de recours à la Cour des petites créances afin de récupérer les salaires dûs que Petro-Canada refuse de leur verser. Un total de 750 000 $ est réclamé soit environ 5 000 $ par travailleur et travailleuse.

« Petro-Canada a mal calculé son coup car, au lieu de nous diviser, le fait de nous jeter à la rue et de nous traiter de la sorte nous a rassemblés et unis. Nous sommes déterminés à nous faire respecter », a déclaré M. Cloutier lors de la manifestation dénonçant la situation devant le Palais de justice de Montréal.

Au Journal de Québec

Les 252 travailleurs et travailleuses du Journal de Québec SCFP-FTQ en lock-out depuis un an mènent eux aussi leur chasse aux briseurs de grève. Ils accusent Quebecor Média d’avoir amené à Québec les agences Nomade et Keystone en prévision du conflit pour les utiliser comme « scabs ». La Commission des relations de travail aura à trancher ce litige dans les prochains mois.

Les enjeux de ce conflit peuvent toucher les travailleurs et les médias de tout le pays. Rappelons que Quebecor possède Sun média et le Toronto Sun.

« Quebecor veut que tout le personnel travaille une journée de plus chaque semaine pour le même salaire. Elle veut aussi réduire sa main-d’œuvre en sous-traitant son service de petites annonces à un centre d’appels situé en banlieue d’Ottawa, enlevant ainsi leur gagne-pain à de nombreuses femmes, dont plusieurs sont monoparentales ; en modernisant son matériel d’imprimerie et en versant aux imprimeries un salaire différent pour les tâches commerciales faites sur les nouvelles presses ; et en obligeant les journalistes à faire du multitâche. La direction veut que les journalistes soient photographes et vidéographes et qu’ils rédigent des articles non seulement pour le quotidien, mais aussi pour le site web et tous les autres organes de presses appartenant à Quebecor », écrivait Sid Kyan, chroniqueur du Toronto Sun dont l’article a été censuré par la « famille » Quebecor.

Comme moyen de pression, les syndiqués produisent et diffusent gratuitement à la population de Québec 40 000 exemplaires par jour de « Média Matin Québec ». Les lecteurs du Journal de Québec leurs sont solidaires.

Pour le président du syndicat la situation est claire : « Quebecor veut établir un pattern pour des négociations à venir au Journal de Montréal. » Rappelons que quatre conglomérats contrôlent 70 % des quotidiens au Canada, que trois sociétés diffusent la majorité des nouvelles télévisées et deux entreprises possédant la majorité des radios. La meilleure façon de taire les voix discordantes dans ces empires médiatiques c’est de casser les syndicats de l’information. C’est cette mission que s’est donné Pierre Karl Péladeau au Journal de Québec. Depuis un an, les 252 syndiqués lui tiennent tête.