Gros mensonges d’un p’tit plaideur

2008/06/08 | Par Claude G. Charron

«La loi 104 éliminera un maillon institutionnel nécessaire à la survie de la communauté anglo-québécoise et accélérera l’exode des Anglo-Québécois. »

Gros mensonge proféré par p’tit plaideur. Et ce n’est pas le seul que contient le texte de Ronald F. Caza paru dans La Presse du 14 avril, le plus grand étant que notre homme semble ici se présenter comme étant le porte-parole de l’ensemble des écoles privées du Québec alors qu’il n’est l’avocat que de 23 d’entre elles, membres de l’ Association of Independent Schools (QAIS) mieux connue sous ce nom que sous celui d’Association des écoles privées du Québec (AÉPQ).
Photo : Ronald F. Caza

Le texte de Caza se voulait une réplique à un Pratte trouvant «mal avisée» la décision de la communauté anglophone d’intervenir devant la Cour suprême du jugement de la Cour d’appel du Québec contre la loi 104.

Cette loi avait, en 2002, été adoptée à l’unanimité des partis à l’Assemblée nationale. Le législateur voulait ainsi colmater une brèche de la loi 101 qui faisait qu’un enfant dont aucun des deux parents n’avait eu un enseignement en anglais au Canada puisse quand même, ainsi que ses frères et ses sœurs et leurs descendants, fréquenter l’école anglaise après seulement un an d’inscription dans une école privée non-subventionnée.

Le 22 août 2007, la Cour d’appel déboutait la loi 104. Il s’en est ensuit que, pour ne pas aliéner davantage la majorité francophone qui semblait tant délaisser son parti, Jean Charest s’est empressé de renvoyer la cause en Cour suprême.

Caza écrit que les écoles de la QAIS, «ont beaucoup évolué depuis les trente dernières années et que ses diplômés sont bilingues, biculturels et font cause commune avec la majorité francophone. Bilingues ? Peut-être. Mais, biculturels ? Difficile à croire que ces jeunes garçons et jeunes filles BCBG fraîchement sortis des independant schools du West-Island aient été nombreux à être frustrés de ne pas avoir entendu Claude Dubois chanter à la CBC.

Caza écrit que la loi 104 attaque le droit d’étudier en anglais dans les écoles privées. Or, le Québec n’a aucune obligation constitutionnelle à maintenir un régime qui, soit dit en passant, permet aux écoles privées de recevoir des parts de subventions plus généreuses que presque partout ailleurs dans le monde.

Depuis la diffusion des honteux palmarès des écoles du Québec que L’Actualité et l’Institut économique de Montréal publient chaque année, la cause est entendue. On cherche à réaliser pour les écoles le même écrémage social que dans le secteur de la santé. Vive l’utilisateur-payeur ! Ajouté à cela le fait que notre régime d’écoles privées largement subventionnées est une véritable bombe à retardement.

Il favorise des cloisonnements néfastes des futurs citoyens tant sur les plans social, culturel et surtout religieux. À terme, de tels cloisonnements risquent fort de «beyrouthiser» Montréal. On ne peut trouver plus grande contradiction entre une fragmentation aussi systéma1tisée et officialisée de l’enseignement au Québec et la politique d’inter-culturalisme qui devait être la réplique québécoise au multiculturalisme canadian.

Notre p’tit plaideur prédit que la loi 104 sonnerait le glas de la communauté anglophone du Québec au moment même où les Termote et Castonguay prédisent que les francophones sont en train de devenir minoritaires à Montréal. Caza va jusqu’à prédire un nouvel exode des Anglos. Hourra ! En fait, heureusement qu’à la fin des années soixante-dix il y a eu ces quelque cent mille Anglos qui, apeurés par l’arrivée au pouvoir du PQ et par la promulgation de la loi 101, ont emprunté la route 401 et fait un aller-simple vers l’Ontario. Un phénomène qui a quelque peu freiné le périlleux processus de louisinanisation présentement en cour au Québec.

Dernier argument: les jugements limitant les droits constitutionnels des Anglo-Québécois effriteraient les droits des francophones ailleurs au Canada. Pensez donc! Si le Québec nie le droit des écoles anglaises d’accepter tous les enfants des Néo-Québécois désirant recevoir leur enseignement en anglais, il se pourrait un jour que Winnipeg fasse de même en empêchant les petits Néo-Manitobains d’étudier en français. Quelle horreur ! Adieu la culture franco-manitobaine! Heureusement qu’il y a la Cour suprême!

Cet article paraît dans l'édition de juin du journal Le Couac.