Disneyland à Bagdad

2008/06/09 | Par Michel Chossudovsky

Bien que l'Irak soit dévasté par la guerre, Disneyland va s'y installer avec un complexe de divertissements de plusieurs millions de dollars devant être construit sur un espace de 50 acres adjacent à la Zone Verte. (« Un Parc amusant s'élèvera des ruines du jardin zoologique de Bagdad, » The Times, Londres, le 24 avril 2008)

Le parc d'attractions à la mode américaine mettra en vedette un parc de planche à roulettes, des manèges, une salle de concerts et un musée.

Les forces d'occupation croient que Bagdad « manque de divertissements. » Le général David Petraeus est perçu comme un « grand partisan » de ce projet qui consiste à permettre à Disneyland de s'établir à Bagdad.

Le réseau de télévision américain Fox News estime que ce projet est un « signe que le commerce reprend … Nous ne devons pas tourner la tête lorsque de bonnes choses se produisent en Iraq. Pour commencer, un entrepreneur de Los Angeles déclare qu'il souhaite investir des millions afin de créer un vaste centre d'attractions et d'amusements au centre-ville de Bagdad. » (Fox News, le 26 avril 2008)

Appuyé par le Pentagone, un société inconnue et anonyme de la ville de Los Angeles « C3, » une société de financement par capitaux propres, servira à développer le projet du « Bagdad Zoo and Entertainment Experience. » Le parc sera conçu par la société Ride and Show Engineering (RSE).

Les deux fondateurs de la société RSE, Eduard Feuer et William Watkins, ont été les pionniers des technologies de l'imagerie (Imagineering), du design et de l'ingénierie de Walt Disney et ce, bien avant d'avoir fondé sous une entité distincte la société RSE.
La société RSE a développé plusieurs grands complexes de divertissements dans le monde, notamment le projet du Disneyland dans la ville d'Anaheim en Californie.

Le rêve américain

Le parc d'attractions fait partie intégrante de la propagande de guerre. Établir une colonie culturelle américaine dans un territoire occupé permet de soutenir la légitimité des envahisseurs et leurs « valeurs culturelles » essaimées à travers le monde.

La plupart des infrastructures culturelles et pédagogiques du pays dont les musées, les écoles, les universités, les parcs, les théâtres et les cinémas ont été détruits et voilà maintenant que les envahisseurs vont « aider à les reconstruire. »

Sous cet « effort de reconstruction, » les États-Unis vont donner 200 000 planches à roulettes à la mode californienne aux enfants iraquiens. La planche à roulettes est un symbole de la culture « pop » américaine qui a séduit « un type de jeunesse dure, indépendante, rebelle et qui s'est créée une culture propre à elle-même. »

Que se produira-t-il lorsque, sous les auspices du Pentagone, ces planches à roulettes aux couleurs vives (avec des images subliminales suggestives) seront apportées de Los Angeles à Bagdad ...

Quels impacts auront-elles sur les enfants iraquiens et les adolescents démunis vivant sous l'occupation américaine?

L'objectif dissimulé est de couper la jeunesse iraquienne de sa propre réalité sociale, de la dépolitiser et d'endiguer le sentiment anti-américain.

De façon plus générale, avec son imagerie Hollywoodienne, le Disneyland version Bagdad est destiné à servir de terreau visant à faire croître dans l'opinion publique iraquienne une vision proaméricaine du monde et en parallèle, un affaiblissement du mouvement de résistance contre l'occupation américaine.

Par l'utilisation de simulations cinématographiques et d'équipements de divertissements sophistiqués, les réalités quotidiennes et insoutenables de la pauvreté et de l'occupation militaire seront remplacées par un monde de fiction et de fantastique.

Le concept inhérent aux technologies de l'imagerie (Imagineering) de Disney (mis au point par la société RSE) consiste à « franchir les barrières entre la réalité et les rêves. » Le but est de remplacer la réalité par un monde de rêve. La mort, la destruction et la torture qui sont la réalité quotidienne de l'Irak seront remplacées par un « un monde de rêve Made in USA. ».

Les technologie de l'imagerie et de la simulation cinématographique destinées aux enfants et aux adolescents iraquiens donnent un « visage humain » aux envahisseurs américains.

Ce projet constitue une forme abjecte de propagande de guerre. Il consiste à dissimuler l'ampleur des crimes de guerre commis à l'encontre du peuple irakien au nom d'un illusoire « rêve américain. »

Ce projet doit se réaliser dans l'actuel parc Al Zawra et dans le jardin zoologique de Bagdad, qui ont été mis à sac lorsque les troupes américaines sont entrées à Bagdad en avril 2003.

Pareillement, en avril 2003, les trésors archéologiques de l'Iraq ont été pillés avec l'appui des envahisseurs américains. Le pillage du patrimoine culturel irakien était un acte prémédité. Les pillards étaient protégés par les envahisseurs.

Aujourd'hui, les pillards retournent à Bagdad avec le projet d'un nouveau musée.

La guerre psychologique

Le projet du Disneyland de Bagdad comporte toutes les caractéristiques d'une opération psychologique (PsyOp). Un tel projet est destiné à inculquer les valeurs américaines et à détruire l'identité irakienne.

« Le peuple [de l'Irak] a besoin de ce type d'influence positive. Cela aura un énorme impact psychologique», a déclaré M. Werner de la société C3. . Par une cruelle ironie, le groupe cible de cette opération psychologique (PsyOp) sont les enfants iraquiens:

« Il y a plusieurs opportunités d'investissement partout en Irak. Il ne s'agit pas seulement de pétrole. La moitié de la population irakienne a moins de 15 ans. Ces enfants souhaitent réellement avoir quelque chose à faire, » (M. Brinkley, cité dans le journal The Times, le 24 avril 2008)

Le patrimoine culturel iraquien est détruit. La mémoire historique de la Mésopotamie est à jamais effacée. Les investisseurs américains vont « combler de façon inappropriée le besoin manquant de divertissements » à ce théâtre de guerre.

Le promoteur du projet, M. Llewellyn Werner, a déclaré que le moment est venu pour une « parc d'amusements » : « Je crois que la population va l'aimer. Ils vont y voir une opportunité pour leurs enfants, peu importe qu'ils soient chiites ou sunnites. Ils diront que leurs enfants méritent une place pour jouer et ils y laisseront leurs enfants seuls. » (Ibid)

Tel que déclaré par un porte-parole du gouvernement fantoche irakien mis au pouvoir par les États-Unis: « Il manque de divertissements dans la ville. Les cinémas ne peuvent pas ouvrir. Les aires de jeux ne peuvent pas ouvrir. Le parc d'attractions est absolument nécessaire pour Bagdad. Les enfants n'ont pas toutes les possibilités de jouir de leur enfance, » déclarait M. Al-Dabbagh en ajoutant que l'entrée au parc sera strictement contrôlée. » (Times, le 24 avril 2008)

« Les enfants n'ont pas toutes les possibilités de jouir de leur enfance? » De quelle enfance peut-on « jouir » dans un pays où l'infrastructure publique et où les écoles et les hôpitaux ont été transformés en décombres?

Imaginez les routes barrées et les points de contrôle militaire que ces enfants iraquiens démunis devront traverser par aller voir Mickey Mouse ...

La société d'investissement américaine prendra possession des terres municipales par un accord conclu sous le sceau du secret avec le maire de Bagdad. Actuellement, sur ce site on retrouve le parc Al-Zawra et le jardin zoologique où les résidents de Bagdad se rencontrent toutes les fins de semaine. Le parc est typiquement irakien avec des étangs, des fontaines, des sculptures et des terrains de jeux pour enfants.

«Ici, tout est motif à profit »

Le site est un parc national populaire, mais il est maintenant destiné à être privatisé. Il s'agit du premier bien foncier à passer aux mains d'investisseurs américains. La société californienne C3 envisage d'utiliser cet espace pour y faire des investissements lucratifs dans des hôtels et aussi dans des logements haut de gamme. Pour que le projet soit rentable et viable sur le plan financier, il ne fait aucun doute qu'il devra également être financé directement par le Pentagone.

« M. Werner conservera des droits exclusifs sur les développements de complexes hôteliers et de logement qui, dit-il, seront rentables culturellement et économiquement ... J'ai aussi ce merveilleux sentiment que nous faisons la bonne chose, nous emploieront des milliers d'irakiens. Mais par-dessus tout, c'est le profit qui compte. »

Traduction de Dany Quirion pour Alter Info.