Voile islamique

2008/06/13 | Par Louise Mailloux

Les propos tenus récemment par les porte-parole de Québec solidaire, à la radio et dans les journaux, concernant le port du voile islamique dans les institutions publiques, ne visent qu’une seule chose : banaliser et dépolitiser le plus possible cette pratique patriarcale et sexiste dans le but de nous faire croire, comme l’a affirmé Françoise David, « qu’avec le temps, si on accepte ces femmes ainsi voilées, et somme toute peu nombreuses, elles finiront bien par abandonner le voile, qu’elles cherchent présentement leur émancipation, et que de toutes façons, la décision de s’intégrer ou non ne dépend pas de ce que l’on porte sur la tête. »

Et Amir Khadir d’en rajouter, en disant : qu’en Turquie et en Iran, le voile est devenu un étendard et que les iraniennes l’ont porté pour s’opposer au régime du Shah. » Voilà de quoi plaire ici à tous les anti-américains.

Avec le temps, avec le temps va, tout s’en va…

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec un argumentaire aussi simpliste que tronqué, on nous prend pour des crétins. Mais qui veut-on endormir ici, à part ceux qui dorment déjà? Car comment ose-t-on dire que les femmes voilées vont abandonner leur voile, alors qu’à Montréal, comme partout à travers le monde, le port du voile est de plus en plus répandu?

Suffit de promener son chien et de s’ouvrir les yeux, pour y voir aux abords des écoles, des petites filles de dix ans, emmaillotés comme leur maman, de la tête jusqu’aux pieds. Et que c’est justement ce voile qui symbolise leur émancipation, parce qu’elles y trouvent l’expression d’une fierté identitaire, qui s’affiche avantageusement, pour nous rappeler que « nous ne sommes pas comme vous, nous ne nous habillons pas comme vous, nous ne mangeons pas comme vous, nous ne buvons pas comme vous, nous ne prions pas comme vous, nous ne partageons pas votre morale, et nos filles ne sont pas pour vous, parce que nous sommes différents de vous, et fiers de l’être. »

Après, on viendra nous dire que les québécois sont fermés à l’intégration! Que la question du chômage chez les immigrants doit bien davantage nous préoccuper que celle du voile, apparemment plus futile. Futile, vous dites? Mais futile pour qui? Pour nous ou pour les intégristes islamiques? À moins que ce ne soit que pour nous?

Mais pourquoi ces femmes tiennent-elles tant à porter ce voile, au point de refuser un bon emploi et de l’avancement professionnel plutôt que d’avoir à l’enlever? Sœur Françoise, qu’attendez-vous alors pour leur dire « que la décision de s’intégrer ou non ne dépend pas de ce que l’on porte sur la tête? »

Auriez-vous soudainement oublié que la religion n’est pas que spirituelle, et que sa dimension temporelle est éminemment politique? C’est pourtant bien ce que vous montrez savoir lorsque vous ne ratez pas une seule occasion d’écorcher les chrétiens. Alors, sœur Françoise, pourquoi une telle réserve vis-à-vis les musulmans?

Le discours du refus

Un objet, c’est un discours, disait Barthes. À l’heure actuelle, partout dans monde, le voile islamique est l’un des symboles les plus criants et les plus éloquents de l’avilissement du corps et de l’esprit des femmes (parce que le voile vient avec des idées, figurez-vous). Mais il est en même temps le support incontestable de toute une idéologie dans laquelle se profile la charia, qui consacre l’inégalité entre les hommes et les femmes, de même que celle entre le musulman et le non-musulman.

Sœur Françoise joue l’angélique en banalisant un objet aussi riche en significations parce que le voile cristallise à lui seul, tout le système social, culturel, juridique et politique de l’islam, dans lequel se conjugue une série de refus qui sont autant de défis à notre façon de vivre. Refus du sujet libre, de l’individu affranchi de sa communauté, refus de l’égalité homme-femme, refus de la mixité, refus de la laïcité de l’espace public, refus des droits de la personne et des valeurs démocratiques. Un petit chausson avec ça, sœur Françoise?

Islamiser la modernité au lieu de moderniser l’islam

Sous le voile, se cache une femme ou une petite fille (sœur Françoise les oublie toujours celles-là!), qui trimbalent partout avec elles le discours d’un refus catégorique et manifeste de s’intégrer à l’Occident impie et pourri. Les hommes ont réussi ce tour de force, d’avoir à ce point instrumentalisé le corps des femmes en les transformant en véritable panneau-réclame vivant de l’Islam. Un coup génial de marketing, d’une grande simplicité et d’une redoutable efficacité. De la grande politique, quoi!

Voilà pourquoi il n’est pas rare de rencontrer des femmes voilées, très scolarisées, intégristes et très actives politiquement, présentes sur toutes les tribunes, pour témoigner de leur liberté et se porter à la défense du voile, dans le but inavoué de mettre l’islam partout dans notre quotidien. Dans les cantines des CPE, dans les écoles, les cegeps et les universités, dans les hôpitaux, dans la fonction publique, dans les piscines, les centre d’achats, sur les trottoirs comme dans les autobus. Pas étonnant que certains aient vu ça dans leur bines…

Partout, la stratégie est la même. Se servir de la liberté occidentale pour promouvoir la moralisation de la vie selon les valeurs de l’islam. Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, l’épisode de la charia en Ontario. Qu’en pensent les femmes voilées, sœur Françoise?

Un parti de gauche à la droite du Seigneur

Sur la question du voile islamique, le pari de l’intégration des porte-parole de Québec solidaire ne repose sur une aucune analyse politique sérieuse. Bien au contraire, on fait tout pour l’éviter. Et même lorsqu’on s’y aventure timidement, comme Amir Khadir l’a fait en parlant de ses compatriotes, les femmes iraniennes, pourquoi avoir tu le sort de celles qui ont le courage de s’opposer au port du voile obligatoire dans l’actuelle République islamique d’Iran, alors qu’il sait pertinemment, que depuis trois décennies, les religieux islamistes au pouvoir persécutent, emprisonnent, torturent et assassinent ces femmes? Mais de qui êtes-vous donc solidaires?

Et que doit-on penser d’un parti politique qui se défile devant la politique? D’un parti de gauche qui capitule devant ce qui détruit la liberté et la dignité des femmes? Et où le très évangélique slogan de « l’amour du prochain » tient lieu d’analyse politique, à ce point que sœur Françoise commence à faire de l’ombre à mère Térésa. Non… Un seul mot me monte à la gorge : la lâcheté! Oui, une bien grande lâcheté pour des gens de gauche!...

Louise Mailloux
Professeure de philosophie
Cégep du Vieux Montréal
Féministe et ex-membre de Québec solidaire