Autre victoire des villes défusionnées sur Montréal et le Québec

2008/06/16 | Par Pierre J. Hamel

Pierre J. Hamel est professeur-chercheur à l’INRS-Urbanisation, Culture et Société, Institut national de la recherche scientifique

Le gouvernement propose un projet de loi qui viendrait entériner une entente « gagnant-gagnant » : formidable! Alors, disparus, les conflits qui opposent la Ville de Montréal et les villes défusionnées? Pas si sûr! Alors, avantageuse pour tout le monde, cette entente? Non, il me semble au contraire que les défusionnées viennent de remporter une belle petite victoire au détriment des autres. Voyons pourquoi.

Robin des Bois à l’envers

L'entente prévoit que les villes défusionnées verseront annuellement « roughly » 30 millions $ de moins à la Ville de Montréal (en conférence de presse, la ministre a mentionné ces chiffres en anglais, ce qu'elle n'avait pas fait en français).
Cependant, Montréal ne perdrait rien au change puisque, de son côté, le gouvernement lui versera à peu près la même chose. Donc, ce serait un bilan neutre pour Montréal et une baisse d'impôt de 30 M$ pour les citoyens des villes défusionnées.
Par ailleurs, l'ensemble des contribuables québécois se cotiseront chaque année, maintenant et à jamais, pour alléger le fardeau fiscal de ménages qui ne sont pas parmi les plus pauvres : c'est du pur Robin des Bois, mais à l'envers.

Un diminution d’impôt moyenne de 300 $

Ainsi, en moyenne, chaque citoyen québécois paiera chaque année 4,25 $ – trop fois rien – pour offrir non pas une fortune, mais tout de même une ristourne annuelle de 125 $ à chaque citoyen de Westmount, Montréal-Est et autres Beaconsfield : c'est généreux de la part des premiers et cela fera sans doute plaisir aux seconds qui commenceront à recevoir ce cadeau annuel en 2009, année d'élections municipales, soit dit en passant.

Depuis la défusion et la constitution du conseil d'agglomération, les villes défusionnées ne cessaient de se plaindre d'un déficit démocratique intolérable; or, fondamentalement, leur situation perdurera car, de toute façon, on voit mal comment les 235 000 citoyens des villes défusionnées pourraient ne pas être minoritaires face aux 1,6 million de Montréalais.

Dorénavant, on connaît le prix du renoncement aux grands principes pour lesquels certains déchiraient leur chemise : un ménage moyen connaîtra une diminution d'impôt moyenne d'environ 300 $, c'est acquis; et en plus, rien n'empêchera les élus locaux de repartir en guerre à la première occasion pour la défense de beaux principes.

De Longueuil à Laval en passant par Matane, tous les Québécois devront participer chaque année à une grande collecte pour venir en aide aux nécessiteux du West-Island. Peut-être les députés de l'opposition devraient-ils y penser à deux fois avant de laisser le gouvernement participer à cette dérivation de fonds publics?

Les Montréalais paieront pour tout le monde

Financièrement, Montréal n'y perdrait rien. Mais est-ce bien vrai? Tout d'abord, 10 des 30 M$ de la ristourne proviendront du retrait de quelques éléments de la liste des infrastructures et équipements d'intérêt collectif; ces équipements, comme le Centre Claude-Robillard qui sert à l'entraînement de l'élite sportive amateure de la région, sont à la charge des contribuables montréalais tout en bénéficiant à tout un chacun bien au-delà des frontières municipales.

Qu'est-ce à dire? S'ils ne sont pas d'intérêt collectif, ce retrait n'est que juste et équitable, et ils n'auraient jamais dû être payés en partie par les non-Montréalais. Au contraire, s'il servent à tout le monde, il est injuste que les Montréalais soient désormais les seuls à payer.

Il en est de même du réseau artériel, au titre duquel les villes défusionnées payaient les 20 autres millions (qui complètent la diminution de 30 M$) : rien n'a changé, et je comprends mal pourquoi les Montréalais seraient les seuls à payer pour les voies de circulation empruntées par les navetteurs.

La généreuse compensation offerte mérite elle aussi d'être examinée. Québec versera 9 M$ comme en-lieu de taxes pour le Palais des congrès; si c'est ce qui manquait pour que le gouvernement se comporte en bon contribuable, c'était dû, un point c'est tout; le gouvernement devrait d'ailleurs payer les arriérés pour les années où sa contribution n'était pas à la hauteur de ce qu'elle aurait dû être.

Pour compléter sa compensation, le gouvernement versera annuellement à Montréal 25 M$, pour couvrir les coûts particuliers qu'implique son rôle de métropole; cela me semble bien peu, et le pire serait que ces 25 M$ ne viennent permettre à Québec de clore la question.

Je sais que je suis dur de comprenure et je ne voudrais pas être un casseu' de party, mais j’aimerais qu'on m'explique pourquoi je devrais me considérer gagnant en tant que citoyen et contribuable québécois et montréalais.