Funeste retour de vacances

2008/08/27 | Par L’aut’journal 

Le retour des vacances de la construction n’est pas de tout repos. En moins de deux semaines seulement, trois travailleurs ont perdu la vie sur des chantiers de construction.

Bilan des évènements

Le 14 août dernier, un camionneur est écrasé sur un chantier routier du ministère des Transports. Le 18 août, un couvreur fait une chute mortelle de près de 30 pieds. Le même jour, un manœuvre est écrasé mortellement sur un chantier du prolongement de l’autoroute 30, près de Kahnawake.

La FTQ-Construction tient d’abord et avant tout à offrir ses plus sincères condoléances à la famille de même qu’aux proches et amis des travailleurs décédés dans ces accidents. Ce lourd bilan attise les préoccupations de la FTQ-Construction en matière de santé et de sécurité du travail.

Une histoire sans fin

L’accident survenu au chantier du prolongement de l’autoroute 30 est particulièrement inquiétant et symptomatique de la situation qui prévaut sur les chantiers de construction. Notons qu’il s’agit du deuxième accident mortel à survenir sur ce chantier: en mai 2007, deux travailleurs ont été écrasés par un tuyau de béton pesant près de 5 tonnes sous les yeux horrifiés de leurs confrères.

Or, le 18 août dernier, Jean-Guy Meunier a été écrasé sous un panneau d’acier de 8 pieds de haut par 53 pieds de long alors qu’il s’afférait à déformer un coffrage. Même chantier, même maître d’œuvre: deux accidents mortels en un an, trois décès…

Bien que l’on attende toujours le rapport de la CSST, les premières constations sont troublantes et suscitent nombre de questions:

- Comment se fait-il qu’un chantier d’une telle envergure, qui comprend notamment la construction de trois viaducs, ne compte qu’un seul contremaître pour 18 travailleurs sur le chantier?

- Comment était-il possible alors de s’assurer que les méthodes de travail utilisées étaient adéquates et sécuritaires?

«D’après les informations que nous possédons, l’organisation du travail est directement en cause, encore une fois, dans ce triste accident. L’improvisation dans les méthodes de travail constitue un risque que les employeurs prennent trop facilement. C’est pourtant avec la vie des travailleurs qu’ils jouent», d’expliquer François Patry, directeur à la santé et à la sécurité du travail à la FTQ-Construction.

Exaspération au sommet

«Dans la construction, on en est encore à se battre pour des choses qui devraient être acquises depuis fort longtemps; la santé et la sécurité du travail, ça va bien plus loin que de porter des bottes et un casque! Pour que nos travailleurs et nos travailleuses cessent de se blesser et de se tuer sur les chantiers, il va falloir passer au second niveau: l’analyse de nos méthodes de travail», d’enchérir M. Patry.

Alors que l’industrie de la construction se porte à merveille, que le nombre de chantiers, particulièrement dans le secteur du génie civil et de la voirie, explose, la FTQ-Construction estime indécent qu’autant d’accidents et de décès surviennent sur les chantiers. «Tout est une question d’organisation du travail. C’est évident qu’il y a des limites à produire le plus vite possible, au plus bas coût possible. Tout le monde s’entend pour avoir de beaux discours en santé et sécurité du travail, mais au-delà du discours, quand ça coûte des bidous, c’est une autre histoire!», ironise François Patry.

«Ce n’est pas ma faute à moi…»

Tous dénient leurs obligations en matière de santé et de sécurité du travail: les contremaîtres ne sont pas formés, ne connaissent pas leurs obligations ni leurs responsabilités. Toutes leurs actions ne sont prises qu’en fonction de la productivité, même s’il s’agit d’une manœuvre dangereuse.

Bien souvent, les employeurs fautifs n’apprennent pas de leurs erreurs, même s’il y a eu mort d’homme. Tel est le cas des travaux du prolongement de l’autoroute 30. Combien d’accidents et de décès faudra-t-il encore sur ce chantier pour que les employeurs tiennent compte des recommandations émises par la CSST et se prennent en main? Rappelons qu’il s’agit ici du troisième décès et que les travaux devraient se poursuivre jusqu’en 2010.

Une séquence pourtant logique

L’importance des coûts et des délais de production prime sur une réelle implication des employeurs en santé et sécurité sur les chantiers de construction où l’improvisation règne, causant de graves dommages: 54 décès pour 2007 uniquement. Et 2008 ne s’annonce pas plus reluisant…

Aucune réflexion n’est faite quant aux méthodes de travail utilisées, à l’organisation du travail, aux implications liées à l’utilisation d’équipements sophistiqués qui, malgré leur efficacité, peuvent causer bien des accidents. On ne se pose pas de question; comme si la fatalité devait nécessairement frapper quelques travailleurs par année, comme si on n’y pouvait rien.

«C’est une séquence logique; si on arrive à briser ce cercle infernal de l’ignorance et de l’aveuglement volontaire, on arrivera à quelque chose de bénéfique pour les travailleurs. Ce n’est pas d’une intervention divine dont on a besoin, c’est de réfléchir comme du monde et de se questionner sur nos façons de faire. Tout le monde en sortirait gagnant!», conclue François Patry.

Source : FTQ-Construction