Ce qu’il faut pour vivre au milieu des Blancs

2008/09/03 | Par Ginette Leroux

On se souvient de son interprétation fabuleuse dans « Atarnajuat, la légende de l’homme rapide ». Natar Ungalaaq joue en ce moment le rôle de Tivii dans « Ce qu’il faut pour vivre », du cinéaste Benoît Pilon. Il est aussi producteur et réalisateur pour la télévision à l’Inuit Broadcasting Corporation à Igloolik. Sans oublier que ses sculptures, exposées parmi d’importantes collections d’art inuit à travers le monde, ne se comptent plus. Rencontré par l’aut’journal, Natar Ungalaaq a accepté de livrer quelques aspects de sa vie.

LAJ : Vous êtes un acteur, un cinéaste et un sculpteur de renommée internationale. Comment faites-vous pour ne négliger aucun de ces talents?

N.U. : Je tiens mes talents de ma grand-mère maternelle. Bien sûr, il fallait commencer quelque part. Mes premiers essais en sculpture l’ont été sur des pierres de savon. Puis j’ai pris de l’expérience. Je me suis ensuite tourné vers la télévision. Vous savez, je suis un homme d’action. Impossible pour moi de m’asseoir sur une seule chaise. J’aime bouger, j’aime avancer. Je fais de mon mieux pour réunir tous mes talents. Je n’arrive pas à me contenter d’un seul métier. Je veux tout faire. D’ailleurs, je ne me suis jamais arrêté pour me demander ce que j’aimais le mieux faire.

LAJ : On connaît l’acteur, mais on ne sait pas qui vous êtes. Parlez-nous un peu de vous.

N.U. : Je suis né dans une toute petite île au large de Igloolik, communauté inuite du Nunavut. Au moment de ma naissance – Natar Ungalaaq est né en 1959 – , il n’y avait ni téléphone ni télévision. Il est vrai que la technologie moderne nous a maintenant rejoints. À l’heure actuelle, j’habite Igloolik, un bel endroit où vivre. Les gens de ma communauté sont très sympathiques. Nous ne sommes pas nombreux. Peut-être est-ce pour cela que nous sommes tous des amis. Nous partageons une même culture et une même langue, l'inuktitut. Chez nous, les gens ont beaucoup de respect pour les anciens.

LAJ : Vous voulez bien nous parler de vos origines?

N.U. : Je viens d’une grande famille, treize enfants, je crois. Très jeune, mes parents m’ont confié à mes grands-parents qui m’ont adopté. Ma grand-mère maternelle était une extraordinaire conteuse. Comme je vous le disais tout à l’heure, mes talents me viennent de cette femme qui elle-même les tenait de sa mère. Le flambeau s’est passé de génération en génération. Comme j’avais toujours rêver de dire maman et papa, j’ai découvert avec le temps que mes père et mère étaient vivants. .

LAJ : Où avez-vous fait vos études?

N.U. : Après avoir complété une 9e année dans le Grand Nord, à 17 ans je suis allé poursuivre mes études post-secondaires à Kitchener en Ontario. On m’y a poussé, car moi, je ne voulais pas quitter mes grands-parents. Je me suis fait une idée.

LAJ : Avez-vous ressenti un choc lors de votre arrivée dans le Sud?

N.U. : Le choc le plus intense pour un Inuit lorsqu’il quitte le Grand Nord pour aller vers le Sud c’est le contact instantané avec une multitude de personnes. L’école de ma petite communauté, qui comptait moins de 1 000 personnes, accueillait peu d’enfants comparativement aux établissements scolaires de l’Ontario. Me retrouver au milieu d’autant de monde était pour le jeune que j’étais une expérience extrêmement troublante. À ce moment précis de ma vie, j’ai réalisé avec consternation que le monde était très peuplé.

LAJ : Y a-t-il dans votre famille proche une personne qui a été victime de la tuberculose au moment de l’épidémie du début des années 1950?

N.U. : Mon propre grand-père a été victime de la tuberculose à l’époque. Il n’était pas un cas isolé puisque toutes les familles de la Terre de Baffin comptent un des leurs qui a été touché par cette maladie. Certains d’entre eux sont morts au loin sans que leur famille ne sache où ils sont enterrés.