Sexe et médias

2008/09/09 | Par Micheline Carrier

Nous avons appris que la directrice de Châtelaine a rencontré la ministre St-Pierre récemment afin d’essayer de la convaincre d’abolir le Conseil du statut de la femme.

À quel titre et au nom de qui Mme Ravary a-t-elle fait cette démarche, nous ne le savons pas. Il semble que l’une des prochaines éditions de Châtelaine abordera le sujet de l’aide aux hommes qui serait insuffisante de la part du gouvernement.

Les hommes antiféministes et les masculinistes, qui n’ont cessé de combattre le CSF et les féministes depuis cinq ans, se sont peut-être trouvés une nouvelle porte-parle en la personne de Mme Ravary.

Raison de plus pour faire savoir à la ministre que nous ne partageons pas l’avis de la directrice de Châtelaine. Après tout, ce n’est pas à cette dernière de décider du sort du Conseil du statut de la femme.

C’est Mary Daily, je crois, qui écrivait que les hommes n’auraient pas à combattre le féminisme, dans un proche avenir, des femmes s’en chargeraient.

Dans l’édition de septembre 2008 du magazine Châtelaine, Lise Ravary (féministe, mon oeil !) publie une critique de l’Avis du CSF, « Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires ». Certains propos de la directrice de Châtelaine laissent penser qu’elle n’a pas lu l’avis dont elle parle, ni même le résumé qui accompagne la version intégrale de ce document.

La Direction de la recherche du CSF a transmis à Lise Ravary sa réponse. Dans le numéro d’octobre, la directrice de Châtelaine, qui croit peut-être détenir la légitimité et la crédibilité pour ce faire, demande l’abolition du Conseil du statut de la femme et, comme les masculinistes en 2003, son remplacement par un conseil mixte. Ce conseil se réunirait une fois l’an pendant trois jours... Diantre, trois jours de travail par an ! Une dure année, pour ce conseil ! Une réunion sociale entre « gens du monde », peut-être...

Il me semble que le monde se porterait mieux si les gens qui ignorent ce dont ils parlent se taisaient plus souvent et s’occupaient de leurs propres affaires (en l’occurrence, pour Lise Ravary, de son magazine de publicités et de promotions de toutes sortes destinées à maintenir les femmes centrées sur leur apparence et à accroître les profits des patrons, en plus d’encourager l’hypersexualisation, justement...).

On ne saurait s’attendre que les médias et ceux/celles qui en dépendent pour vivre acceptent facilement la critique sur leur part de responsabilité dans l’hypersexualisation de la société dont les conséquences néfastes touchent particulièrement les adolescentes et pré-adolescentes.

Mais quand une directrice de magazine à grand tirage, dont l’objectif est de faire des profits sur le dos des femmes et des adolescentes, se sert de ce magazine pour « bitcher » des personnes mieux informées qu’elle sur le sujet qu’elle aborde, je qualifie cette attitude de saloperie.

Richard Martineau, qui ne se regarde sans doute pas souvent dans un miroir, autrement il aurait hésité à s’attaquer à la présidente du Conseil du statut de la femme, en juin dernier, et Marie-France Bazzo qui se livre à du sous-Bazzo dans sa chronique du Journal de Montréal ont aussi tous les deux démontré que le milieu dans lequel on évolue déteint sur l’esprit et sur les manières.

À milieu frivole, réflexion frivole. Dans les trois cas se confirme l’adage « la fonction fait le larron»: des journalistes qui n’informent plus selon l’éthique de leur profession, mais qui polémiquent au profit de leurs patrons.

Nous n’avons pas, en tant que femmes et que féministes, à plier l’échine devant ces gens qui abusent du pouvoir des médias auxquels ils appartiennent. S’ils invoquent la liberté d’expression, c’est à la leur qu’ils font référence. Ne craignons pas de nous exprimer à notre tour, même s’il y a peu de chances que ces trois-là publient des commentaires critiques à leur endroit.

Article paru sur le site de Sisyphe