Les p’tits bonheurs de la mondialisation

2008/09/10 | Par Jacques Beaumier

La plupart des spécialistes s’entendent pour dire qu’on connaît peu de choses des paradis fiscaux puisqu’il est dans leur nature même de cultiver le secret. Certaines recherches ont déjà soutenu que, pour l’Allemagne seule, les sommes de capitaux dissimulés dans les paradis fiscaux correspondraient à la dette publique de l’État allemand. Mais, règle générale, il est assez difficile d’évaluer les sommes d’argent qui s’y trouvent pour échapper au fisc.
Photo - montage : France Marcoux.

Qu’en est-il pour le Québec et le Canada ? Même difficultés pour évaluer les sommes qui échappent au trésor québécois et privent ainsi l’État de revenus pour financer les services publics. Toutefois, dernièrement, des entrefilets dans les journaux nous ont bien involontairement donné une image de ce que pouvait représenter «la Richesse».

À l’abordage

Dans La Presse du 4 septembre dernier, on nous apprend que des pirates ont abordé un voilier de grand luxe en mer Méditerranée pour s’enfuir avec le contenu du coffre-fort, soit 138 000 euros (212 000$). Bah ! Presque rien. Quelqu’un qui venait de vendre son bungalow. Attendez ! Le bateau appartenait à Guy Laliberté du Cirque du Soleil, il était enregistré aux îles Caïmans au nom de Cap-10 Limited Partnership, une société qui donne comme adresse une boîte postale de Road Town aux îles Vierges britanniques.

On y apprend aussi que le constructeur de ce bateau, un homme d’affaires israélien, l’a mis en vente en 2005 pour 35 millions $. L’équivalent de la somme annoncée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, le 11 juin dernier, pour financer le Plan d'accès aux services pour les personnes ayant une déficience, intellectuelle ou physique.

Ce bateau de 75 mètres, peut recevoir un hélicoptère sur son pont arrière. Toujours selon le constructeur, l’intérieur serait décoré selon le style art déco. On y retrouverait une salle de bain en marbre et des tables laquées noires parées de peaux de crocodiles. Il avait même accroché une peinture de Chagall.

De la haute voltige

Selon le même article, on apprend que Guy Laliberté est aussi propriétaire d’un jet Global Express, de Bombardier, un avion d’affaires long-courrier qui se détaille 45 millions $, soit exactement le montant des coupes dans les programmes de subventions aux artistes annoncé par le premier ministre Stephen Harper.

Le Devoir du 7 août nous informait également que Guy Laliberté avait vendu 20 % des parts du Cirque du Soleil à des intérêts de Dubaï. Ce dernier justifiait cette transaction en soutenant qu’il ne l'avait pas réalisée pour générer du capital pour son entreprise car elle n’avait pas besoin d’entrées de fonds. Le profit de la vente irait plutôt, disait-il, dans son avoir personnel et non dans celui du Cirque. «Ça sécurise une partie de mon futur et celui de ma famille, a-t-il déclaré, je pense que c'est de ma responsabilité de parent, de père».

Les détails de la transaction n'ont pas été rendus public mais la valeur du Cirque a récemment été estimée à environ 2 milliards $. Selon cette hypothèse, la cession de 20 %, pourrait donc représenter près de 500 millions $.

Guy Laliberté a cinq enfants. Supposons que chaque enfant recevra 100 millions $. Un enfant qui arrive à l'âge adulte avec une telle somme a tout un futur devant lui. Il est déjà rentier. Et, il n'a pas encore hérité de sa part des avoirs du père.

Quant à savoir quel État perçoit des impôts sur ces richesses, on peut tenter de deviner : les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, l’Émirat de Dubaï ou le Québec et le Canada ?

Mais au fait, pourquoi Guy Laliberté a-t-il un avion alors que son voilier peut recevoir des hélicoptères ? Vendra-t-il son avion pour pouvoir s’acheter un hélicoptère ? Bien voyons, il s’achètera tout simplement un hélicoptère, c’t’affaire, même si un porte-avions serait bien pratique pour son jet de Bombardier !