Exploitation pétrolière au large des Îles-de-la-Madeleine

2008/09/18 | Par Mélanie Gauthier,

L'auteure est citoyenne des Îles-de-la-Madeleine

J’ai d’abord eu des échos qu’une compagnie pétrolière prenait le relais de Corridor Resources pour faire de l’exploration pétrolière et gazière aux Îles-de-la-Madeleine. Puis, ce matin, j’ai lu l’article du Radar intitulé «Exploration d’hydrocarbures : Des discussions à tous les niveaux», daté de la semaine du 29 août au 4 septembre dernier.

Et bien, personnellement, je trouve qu’il manque quelques niveaux de discussion. Celui, par exemple, des principaux intéressés : nous, les Québécois et Madelinots. On entend haut et fort la voix du gouvernement et, par le biais du député des Îles, M. Maxime Arseneau, la voix d’un parti de l’opposition, le Parti Québécois; ainsi que celle de Gastem, la nouvelle Compagnie pétrolière qui a racheté les droits d’exploitation et qui a « courtoisement » fait connaître ses intentions à court terme devant la Municipalité des Îles. Mais à peine un murmure de la part de celle-ci, qui je l’apprends, n’a pas un mot à dire légalement sur la question. Wow! Que c’est beau la démocratie quand même!

Redevances et chicanes territoriales

Notre député, qui nous représente à l’Assemblée nationale, décrit que : «Ça n’a pas de bon sens» que nos voisins de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse profitent de redevances de milliards de dollars liés à l’exploitation d’hydrocarbures et que le Québec, lui, n’en reçoive pas, à cause des «chicanes territoriales» entre les gouvernements Fédéral et Provincial.

Ce qui n’a pas de bon sens, à mes yeux, c’est que notre gouvernement et notre député soient beaucoup plus préoccupés par les questions de redevances sur l’exploitation d’hydrocarbures que sur leurs conséquences dans un milieu aussi fragile que le nôtre!

D’un revers de main, notre député, M. Arseneau, repousse de côté tout doute ou questionnement raisonnable qu’un(e) citoyen(ne) intelligent(e) et informé(e) puisse avoir sur le sujet, en affirmant (de quel droit?) que «l’exploration et l’exploitation gazières ne nuiront pas aux activités économiques de l’archipel comme l’industrie de la pêche et du tourisme.»

En considérant quelles sont les motivations qui poussent nos élus à décréter de telles aberrations, motivations qui se calculent en MILLIARDS de dollars, je comprends clairement que le profit peut faire dire à peu près n’importe quoi à certaines personnes. Pour cette raison, faisons une petite récapitulation.

On ne peut plaider l’ignorance

Nous savons bien que de tout temps, l’être humain a su modifier la surface du sol afin de l’adapter à ses propres besoins. Et chaque fois, le milieu naturel s’en est trouvé perturbé, à différents degrés. Mais par le passé, les hommes avaient suffisamment de ressources naturelles à leur disposition et ils vivaient en harmonie avec la nature, dans un environnement sain.

Cette situation a amené à penser pendant longtemps que l’environnement était une source inépuisable de ressources naturelles au service des hommes et un milieu idéal pour recevoir tous les déchets sans nuisance aucune.

Avec l’accroissement de la population, les conséquences de ce mauvais comportement des humains vis-à-vis de l’environnement n’ont pas tardé à se manifester. Et on en connaît aujourd’hui très bien les résultats : on assiste présentement sur la planète au dysfonctionnement des écosystèmes naturels, à la diminution des espèces animales et végétales ainsi qu’aux perturbations climatiques de plus en plus accentuées. L’ignorance ou la croyance que l’on peut tout salir sans se salir les mains ne peut donc plus justifier notre comportement.

Grâce à l’accessibilité à l’information très rapide qui existe aujourd’hui sur la Terre, la plupart d’entre nous savons bien que les multinationales «mènent le monde», en se servant de leur pouvoir financier pour contrôler même nos politiciens et faire de la planète leur terrain de jeux lucratif, aux dépens du reste de la population.

Carte blanche aux pétrolières

Les profits provenant de l’exploitation d’hydrocarbures sont exorbitants, comme le mentionne M. Arseneau lui-même dans l’article mentionné ci haut. Il n’est donc pas étonnant que nos deux paliers de gouvernements se disputent les territoires convoités par les grosses compagnies pétrolières.

Ce qui est étonnant et même choquant, ce sont les lois qui ont été mises en place sous notre nez pour donner carte blanche à ces exploitants toujours plus avides de profits, sans que la population n’aie aucun droit légal (ou si peu) pour les en empêcher.

Les milliards de dollars de redevance, pour lesquels nos gouvernements se disputent comme des enfants d’école, leur ont bien vite fait «oublier» les effets extrêmement nocifs et très réels de ce genre d’industrie partout dans le monde, mais aussi chez nous et chez nos voisins des maritimes.

Pas besoin d’aller en Norvège, rappelez-vous l’Irving Whale

Pas besoin d’aller aussi loin que la Norvège (référence au voyage de Pauline Marois en Norvège afin d’observer les conséquences de l’industrie des hydrocarbures sur la pêche) pour faire une recherche sur les effets de l’explosion d’un puits sur une plateforme pétrolière ou le bris majeur d’une pipeline comme il s’est produit près de l’Île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse en 1984.

Et puis a-t-on déjà oublié la catastrophe du IRVING WHALE, chargé de plus de 4200 tonnes de pétrole lourd et 6800 litres de carburants combustibles contenant 7 tonnes de BPC, qui s’est échoué dans le Golfe St-Laurent, le 7 septembre 1970?

38 ans plus tard, presque jour pour jour, on en subit encore les conséquences ici aux Îles, l’érosion nous remettant fréquemment en pleine face les sacs de mazout qui étaient enfouis sous le sable de nos belles dunes (200 000 sacs contenant des résidus de mazout provenant du naufrage furent enfouis sous le sable en 1970).

Les taux anormalement élevés de cancer aux Îles n’en sont-ils pas une conséquence amère? Ah, bien non, ça ne peut être qu’une coïncidence!

«Avec le gaz naturel, pas de danger pour les marées noires», se défendent les compagnies d’hydrocarbures et nos politiciens, chers défenseurs de nos droits et redevances… euh, je veux dire droits et intérêts. «Et donc, pas de pollution!»

Ah, si ce qui ne se voit pas ne faisait pas mal, alors oui peut-être…mais malheureusement ce n’est pas si simple. Le gaz naturel, bien que moins persistant que le pétrole, et bien qu’invisible à l’œil nu, est en fait plus toxique que ce dernier.

Dans le cas d’une fuite majeure, le gaz reste en solution dans l’eau, ce qui résulte en une contamination sévère des organismes aquatiques qui servent de nourriture aux poissons, aux mammifères marins et aux oiseaux de mer.

Mais même sans accident, l'exploitation des plateformes représente, au quotidien, bien d'autres dangers. Les torchères qui brûlent l'excédent de gaz par mesure de sécurité produisent des émissions d'hydrocarbures qui vont se déposer sur l'eau et sur la terre.

La pollution se retrouve également sous l'eau. Que ce soit pour l'extraction du pétrole ou du gaz naturel, c'est toujours la même technique. Pour lubrifier les énormes trépans qui servent à forer les puits et à maintenir la pression dans les tuyaux de forage, on utilise un mélange savant de divers produits chimiques appelé boues de forage, qui sont constamment rejetées dans l’eau.

Combien valent la pêche et le tourisme?

Alors, M. Arseneau, si vous avez le temps, faites une petite recherche sur Internet avant de conclure au nom de la population des Îles que l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures ne nuira pas à la pêche et au tourisme.

En laissant pour une minute de côté l’illusion des profits alléchants dont nos gouvernements jalousent nos voisins Terre-neuviens, peut-être l’information ou les photos que vous y verrez vous éveilleront à une bien triste réalité.

Imaginez ces énormes plateformes et puits d’exploration sur nos plages et à l’horizon, à côté du coucher de soleil, comme c’est déjà le cas à l’Île de Sable. Observez les dégâts irréparables des catastrophes mondiales reliées à l’exploitation d’hydrocarbures.

Alors peut-être, comme moi, penserez-vous pour un instant à vos belles Îles de rêve, sur lesquelles vous avez toujours respiré le bon air frais, puis baigné dans l’eau claire et limpide qui entoure l’archipel, et dégusté avec plaisir et sans craintes les poissons et les fruits de mer pêchés le jour même par nos pêcheurs Madelinots.

La protection de cette richesse (qui pour certains, vaut des milliards) serait un bon sujet pour le prochain débat à l’Assemblée Nationale, vous ne pensez pas?

Oui, la richesse éphémère que rapporte l’exploitation de ces polluants que sont le pétrole et le gaz naturel remplit déjà les poches des actionnaires de multinationales, qui se paieront des vacances ou s’établiront dans des endroits paradisiaques sur la planète (tant qu’il en restera), où les résidents auront été assez conscients pour préserver leur environnement. Mais nous, les Madelinots, les Québécois, où irons-nous pour retrouver un paradis perdu?

(Les références du 5e paragraphe proviennent de l’article du Doctorant Mahamed Chakirou Roufaï, École Doctorale de Paris-Sorbonne, France)

(Les informations du 9e paragraphe proviennent du reportage de l’émission Découvertes du 17 novembre 2002)