Iles-de-la-Madeleine : les sacs de mazout refont surface

2008/09/22 | Par Mélanie Gauthier

L’auteure est résidente des Iles-de-la-Madeleine

Il est au moins réconfortant de voir que le Radar, notre journal local aux Îles, se fait un devoir de renseigner la population sur des dossiers importants comme celui des BPC enterrés sous les dunes, qui sont lentement déterrés par les tempêtes et l’érosion.

Un grand nombre de gens, même aux Îles, ne sont pas au courant du nombre de sacs qui ont été enterrés (250 000 sacs de mazout) à seulement quelques pieds de profondeur sous le sable, sur 80 km de plages au nord des Îles et surtout, qu'il en reste des centaines de milliers enfouis sous les dunes.

Plusieurs ne savent pas non plus que les résidus de mazout qui se sont échoués sur nos plages en 1970, après le naufrage du Irving Whale, contenaient des BPC.

Ceci fut confirmé par Environnement Canada et Pêches et Océans le 7 août 1995, par l'annonce officielle que la présence de BPC avait été détectée dans des échantillons prélevés dans des sacs de résidus huileux enfouis dans les dunes des Iles-de-la-Madeleine.

Une omerta

L'information est le droit fondamental des citoyens. Malgré cela, la compagnie Irving a omis de dévoiler qu'il y avait des BPC à bord de l'Irving Whale au moment du naufrage, raison principale de la perte dans le Golfe St-Laurent de 5 tonnes de BPC. Voyez ici un exemple flagrant du manque de transparence des pétrolières lors de catastrophes écologiques.

Puis lors des opérations de renflouage de la barge, en 1996, le survol du site fut interdit. On voulait probablement se garder le droit de cacher les faits aux citoyens, encore une fois, en cas de problèmes majeurs.

Par la suite, comme dans une entente tacite, on a gardé sous silence pendant des années la présence des sacs de mazout enterrés aux Îles, par peur de créer la panique à propos des BPC et d'affecter le tourisme ainsi que la vente de nos fruits de mer et de nos propriétés.

Eh bien il est grand temps de déterrer ce sujet, et plus qu'urgent de déterrer ces sacs. Ce qui devrait être fait de façon très sécuritaire, bien sûr, puisque les sacs sont en état de désintégration totale après 38 ans, comme le démontrent les photos publiées dans la dernière édition du Radar.

Il ne faut pas avoir peur. Continuer d'ignorer cette bombe à retardement, qui a déjà fait tant de ravages, ne nous mènera pas loin. C'est la santé publique des Madelinots qui est en jeu.

Pour une étude indépendante

Félicitations à Roberto Chevarie, un citoyen des Îles soucieux et impliqué, qui n'a pas eu peur de dénoncer les choses haut et fort et qui réclame, au nom de la population, qu'on retrouve les sacs, qu'on les déterre et qu'on fasse une étude indépendante de la contamination des sols et de la nappe phréatique.

Il est compréhensible que des citoyens informés soient inquiets. Il y a des gens de Pointe-aux-Loups, par exemple, qui ont des puits de surface à seulement 10 ou 12 pieds de profondeur, situés à moins de 500 pieds du site où étaient enfouis les 700 sacs de mazout et BPC déterrés récemment.

Il y en a même un qui puisait son eau à aussi peu que 4 pieds de profondeur. Les sacs sont enterrés dans des tranchées de 6 pieds de profondeur, il est donc plus que probable que la nappe phréatique aie été affectée ou risque de l'être à tout moment, vu l'état pitoyable des sacs après 38 ans, et les tonnes d'eau de pluie et de neige fondue qui ont tombé dessus.

Les propos de M. Grouin, agent d'intervention environnementale, dans l'article de Merielle Ouellet de la semaine dernière : « ...On creuse à 4, 5, 6 pieds. Les sacs sont loin d'atteindre la nappe phréatique » prouve qu'il n'est pas très bien informé! C'est inquiétant de voir que des gens en charge d'un dossier de cette ampleur essaient de se faire rassurants au lieu d'ordonner des études qui, scientifiquement, risquent moins de se tromper que de simples suppositions.

Les familles de Pointe-aux-Loups et d'ailleur aux Îles qui ont perdu tant de membres de leurs familles dû au cancer ou viennent eux-mêmes d'être diagnostiqués de cancer, et qui ont bu l'eau de leurs puits pendant des décennies, commencent à se poser des questions.

Se poser des questions avant de permettre le forage au large des îles

Alors, au moment où une nouvelle compagnie pétrolière vient s'installer aux Îles (Gastem) et que le parti de l'opposition met de la pression sur Jean Charest pour qu'il règle une fois pour toutes les conflits territoriaux entre le fédéral et le provincial dans le golfe St-Laurent, ce qui favoriserait le début de l'exploitation des hydrocarbures dans le secteur d'Old Harry, tout près des côtes des Îles, il est plus que temps de se poser la question, Madelinots : allons-nous laisser faire ça?

Parce que, disons-nous bien que dès que ça débloquera (les chicanes territoriales), ils ( les pétrolières, Hydro-Québec et notre gouvernement) ne perdront pas de temps à mettre la machine en marche. Il y a pour eux des milliards de dollars de profits en jeux. Et nous, si on n'est pas organisés, unis et solidaires, qu'est-ce qu'on pourra faire contre des multimilliardaires protégés de toutes parts par nos propres lois ?

Pêche, tourisme et santé

On a assez eu de dégats, on n'en veut plus!!! C'est à ce message que les Madelinots et la population québécoise doivent se ralier, pour protéger nos Îles, nos industries de pêche et de tourisme ainsi que notre santé.

Mais les Madelinots sont-ils prêts à s'unir et à s'entendre sur cette question? Ou se laisseront-ils berner par de belles promesses de profits, d'une meilleure économie et tout le tralala qu'on essaie de leur faire avaler?

Comment, par exemple, peut-on parler de « développement durable » en se référant aux hydrocarbures? Tout le monde sait que le pétrole et le gaz naturel ne sont pas des ressources renouvelables.

L'avis de notre député est qu'il serait « irresponsable de ne pas regarder le potentiel de toutes les ressources que recèle le territoire ». Ce qui serait irresponsable, selon moi, serait de mettre en danger les ressources qu'on a déjà, qui sont renouvelables et dont notre économie dépend, comme le crabe, le homard, les pétoncles, le maquereau, les moules de culture et autres crustacés.

Les hydrocarbures sont plus payants, c'est sûr, pour les compagnies pétrolières en tous cas. Mais quand on aura épuisé ce qu'il y a de ces ressources, et en ce faisant, pollué encore plus les eaux du golfe, assassiné le peu d'espèces de poissons qui nous reste, sans parler des baleines, puis contribué au réchauffement de la planète et à la fonte des glaciers, expliquez-moi comment cela contribuera « au mieux être des communautés locales » comme notre député le suggère.

Nous vivons sur des îles! Combien d'années avant qu'elles soient complètement englouties? Ceux qui refusent de voir ces faits, aveuglés par la soif de profits, ce sont eux qui ont la tête dans le sable!

Cet article est paru dans Le Radar, le journal des Îles-de-la-Madeleine