Sauvetage de Wall Street

2008/09/30 | Par Paul Martineau

Le 29 septembre, lorsque le Congrès américain a rejeté le plan de sauvetage des banques de 700 milliards proposé par l’administration Bush, plusieurs y ont vu une victoire de la droite et des puristes du parti Républicain opposés à toute intervention de l’État dans l’économie. Pourtant, dans la rue, ce sont aussi les syndicats qui se sont mobilisés en masse avec la gauche pour dénoncer ce plan de sauvetage de Wall Street, qui n’intervenait pas assez en faveur des travailleurs.

Le plan visait à injecter 700 milliards de fonds publics pour débarrasser les banques de leurs actifs douteux hérités de la crise immobilière et leur permettre de « souffler un peu », afin qu’elles continuent à disposer des fonds nécessaires pour faire rouler l’économie normalement.

Sur le plancher du Congrès, ce sont les Républicains qui ont fait la différence en votant aux deux tiers contre un plan que 60 % des congressistes démocrates avait approuvé. Certains rejetaient par principe cette intervention sans précédent de l’État dans l’économie jugée « socialiste », mais plusieurs pensaient probablement à la colère de leurs électeurs, frustrés de les voir voler au secours des banques avec l’argent des payeurs de taxe, comme l’a souligné le New York Times.

« La ré-élection des gens a joué un rôle beaucoup plus grand dans ce vote que je ne l’aurais imaginé », a déclaré au journal Deborah Pryce, une élue républicaine de l’Ohio.

Et même si les médias en ont peu parlé, cette colère des électeurs devant le sauvetage de Wall Street a été relayée en grande partie par le mouvement syndical dans la rue.

À New York, les syndicats ont organisé dans les plus courts délais une manifestation à quelques pas de Wall Street, qui a attiré plusieurs centaines de protestataires le 25 septembre. Les travailleurs de l’automobile, les Teamsters, les syndicats des enseignants, de la construction et des fonctionnaires, entre autres, ont mené la charge contre un plan qui « donnait tout aux banquiers et rien aux travailleurs ».

Car les travailleurs sont aussi aux prises avec la crise, ont-ils rappelé. Ils perdent des emplois, peinent à joindre les deux bouts, et plusieurs perdent leurs maisons dans la tourmente. Or, pratiquement rien n’était prévu pour eux dans le plan.

MathieuDans un vibrant plaidoyer pour un plan de sauvetage qui prendrait aussi en compte « les victimes de la tyrannie » de Wall Street, le révérend Jesse Jackson a fait référence à l’ancien président Franklin D. Roosevelt, et à son programme de dépenses publiques qui avait aidé les États-Unis à se sortir de la Grande Dépression. Photo : Mathieu Roy/AC-Presse

« Ceci est un moment à la Roosevelt », a-t-il lancé, ajoutant que « le temps est venu pour une reconstruction des lois de l’industrie, du commerce et de la transparence bancaire. »

Le dirigeant local de l’Association des machinistes, James Conigliaro, s’est pour sa part demandé quand viendrait le tour pour les dirigeants d’entreprises de se serrer la ceinture.

« Je veux savoir quand les salaires de ces PDG et ces gestionnaires seront aussi coupés », a-t-il scandé.

« Ce que je ne peux pas comprendre, c’est qu’ils (le gouvernement) ne soient pas capables de fournir des médicaments aux personnes âgées, mais qu’ils soient capables de trouver des billions de dollars pour les PDG, a ajouté le syndicaliste. Nous ne pouvons plus accepter ça. Dites au Congrès et au Sénat que s’ils ne négocient pas un bon accord pour nous, nous allons les jeter dehors. »

À titre de représentant des machinistes, M. Conigliaro a aussi rappelé que le gouvernement avait lancé en 2001 un plan de sauvetage pour les compagnies aériennes en difficulté après les attentats du World Trade Center. Les compagnies avaient empoché l’argent des contribuables avant de se retourner et demander des concessions massives à leurs salariés, incluant des coupures de postes massives.

Aucun politicien n’a pris la parole lors du rassemblement syndical new-yorkais, mais selon le New York Times, plusieurs manifestants portaient des macarons pro-Obama et applaudissaient bruyamment à chaque évocation de son nom.

Le candidat démocrate à la présidence a pourtant appuyé le plan de sauvetage de 700 milliards $, ce qui le place en contradiction avec une partie de ses supporters. Immédiatement après le vote, il s’est dit confiant que les élus trouveraient bientôt un compromis satisfaisant pour tous. Reste à voir si ce compromis tentera de séduire les élus républicains en diminuant l’intervention de l’État, ou la gauche du Parti démocrate en ajoutant des interventions gouvernementales en faveur des travailleurs frappés par la crise.