Barrer la route aux conservateurs

2008/10/07 | Par Pierre Céré et al

Nous en sommes venus à la conclusion qu’il n’y aura pas d’améliorations au régime d’assurance-emploi si nous n’arrivons pas à barrer la route aux conservateurs. Ce parti, qu’il forme un gouvernement minoritaire ou majoritaire, est dans son essence même opposé à toute forme de bonifications de ce régime.

Minoritaires et dangereux

Même minoritaires, les conservateurs ont souvent frôlé l’indécence. Combien de fois n’avons-nous pas entendu l’expression de préjugés, frisant le propos haineux ? Ces gens croient que l’assurance-emploi est une « retraite dorée », un « mode de vie », une « façon d’être ». Ils catégorisent ainsi, sans gêne aucune, une partie importante de la population travailleuse, aux prises avec des problèmes conjoncturels de chômage.

Ce parti conservateur, s’il devait accéder à la majorité gouvernementale, n’hésiterait probablement pas à obliger des travailleurs à quitter leur domicile, leur lieu de vie et leur région pour déménager vers d’autres régions canadiennes, là où il y a besoin de main d’œuvre, par exemple dans le Nord de l’Alberta.

Ce parti conservateur, s’il devait accéder à la majorité gouvernementale, n’hésiterait pas longtemps à répondre favorablement au lobby patronal qui fait des pieds et des mains pour que la cotisation patronale soit diminuée et nivelée avec la cotisation des travailleurs.

Depuis longtemps la cotisation patronale est plus élevée que celle du salarié (1,4 %) et cet état de fait s’explique par la responsabilité patronale à l’égard des mises à pied.

L’assurance-emploi doit retrouver sa mission première

Le régime d’assurance-emploi a été créé en 1940 par un gouvernement libéral opposé aux politiques conservatrices précédentes. Ce régime a une vocation simple, mais combien importante et structurante : protéger les travailleurs en leur assurant une sécurité économique entre deux emplois, c’est-à-dire en période de chômage.

C’est au cours des années 1990 que conservateurs et libéraux se sont acharnés sur ce régime, au point de réduire sa couverture à moins de 50 %. Si le « ratio prestataires/chômeurs» s’établissait en 1990 à plus de 80 %, il n’est plus aujourd’hui que de 46 %.

En d’autres mots, même si tous les travailleurs ont cotisé au régime, à peine un sur deux y aura accès en cas de besoin. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, on a réduit son accès, entre autres en exigeant plus de temps de travail pour s’y qualifier.

À partir de 1996, le gouvernement libéral de l’époque a imposé d’importantes compressions au régime d’assurance-emploi tout en maintenant le niveau des cotisations.

Résultat comptable recherché : la caisse d’assurance-emploi s’est mise à faire d’énormes surplus que le gouvernement Chrétien a confisqués, année après année. Le compte d’assurance-emploi n’ayant aucune existence véritable, sinon sur papier, les cotisations ont donc été subtilisées, parce que versées au Trésor.

Ces procédures ont été ignominieuses, et ont continué sous le dernier gouvernement conservateur. Et c’est ce que nous avons contesté jusqu’en Cour suprême.

C’est ce qui explique aussi toutes les campagnes d’opinion publique et de pression que nous organisons depuis de nombreuses années, et dont les Sans-Chemise sont l’expression organisée.

2004 : un début de réponse

Le gouvernement Martin en 2004 et 2005 avait commencé à apporter un début de réponse à nos campagnes de pression. Il mettait alors en marche ce qui a été baptisé les « projets pilote », cherchant à atténuer certains effets pervers des compressions de 1996 (« trou noir » causé par une trop courte période de prestations, calcul du taux, etc.), et visant des régions désignées, à haut taux de chômage (au Québec, 6 régions sur 12). C’était insuffisant bien sûr, mais il y avait là un début de réponse.

Avec la défaite libérale aux élections de 2006, nous avons cherché à pousser cette logique de « réparations ». À la fin novembre 2006, avec le mouvement syndical québécois (CSN, FTQ, CSQ) et canadien (CTC), le mouvement des chômeurs (CNC) lançait une initiative, somme toute inédite : s’asseoir avec des députés des trois partis de l’opposition (Bloc québécois, NPD, Parti libéral du Canada) et chercher une formule d’améliorations à apporter au régime d’assurance-emploi.

Cela s’est traduit par un projet de loi, C-269, qui tout au cours des procédures parlementaires, a été voté par une majorité de députés, et stoppé le 30 novembre 2007 par un gouvernement conservateur minoritaire, mais disposant de prérogatives (sanction royale qui doit être apposée avant le vote en 3e lecture) s’apparentant à un droit de veto. Là s’est arrêtée cette initiative.

Favoriser des changements

Dans le cadre des présentes élections, nous voyons tous les partis politiques, sauf le Parti conservateur, avancer des propositions pour améliorer l’assurance-emploi.

Du côté des Libéraux, nous relevons la timidité de leurs propositions (pérenniser les projets pilote) alors que nous nous serions attendus à beaucoup mieux, à tout le moins à des propositions à caractère universel et se rapprochant de l’esprit de C-269.

Les positions des autres partis de l’opposition (NPD et Bloc) vont davantage dans le sens de nos revendications, soit une amélioration importante de l’accès au régime d’assurance-emploi, une augmentation du taux de prestations et une plus longue période, l’abolition du délai de carence et une véritable caisse autonome.

La solution aux problèmes que nous soulevons est politique : le législateur doit légiférer et l’administration des fonds doit revenir aux cotisants. Grande est notre détermination et imperturbable est notre volonté afin que le régime d’assurance-emploi retrouve sa vocation première, soit de protéger les travailleurs entre deux emplois.

Dans un monde où l’emploi est souvent précaire, et les difficultés économiques réelles, il importe de se doter de telles politiques interventionnistes. Les conservateurs sont à l’opposé d’une telle vision. Il faut leur barrer la route.

Signataires : Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC), Claudette Carbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Michel Arsenault, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)