Nouvelles du Saguenay: Jean-Pierre Blackburn

2008/10/07 | Par Pierre Demers

Dans la campagne électorale de Jean-Pierre Blackburn, toujours encore député et ministre conservateur de Jonquière/Alma, les lundis se suivent et se ressemblent.

Lundi le 29 septembre, il recevait un sérieux avertissement sous forme de sondage le plaçant derrière la candidate du Bloc dans les intentions de vote de ses électeurs. Depuis il est interdit de séjour à l’extérieur de la région. 

Il a sans doute reçu un coup de téléphone de son premier ministre pour lui signifier de sauver sa peau et son poste avant de s’occuper des autres candidats à travers le Québec. Multipliant les conférences de presse, les sorties publiques calculées et les promesses de beaux dollars qui tomberont sur la région et sur son comté si les gens d’ici lui font de nouveau confiance.

Des lundis noirs

Lundi le 6 octobre, une semaine plus tard, autre journée difficile pour le soldat Blackburn. Le dramaturge Michel Marc Bouchard, originaire du Lac, le traite de tous les noms dans une lettre ouverte dans Le Quotidien lui reprochant, entre autres, son étroitesse d’esprit, sa vision limitée du rôle des artistes dans la société canadienne et le qualifie de «Yes, man » auprès d’un premier ministre qui contrôle tout et surtout ses ministres.

Quand on sait que Jean-Pierre a subventionné à grands frais (500 000$) la réécriture de la Fabuleuse (Ça c’est la culture pour les conservateurs) assumée en grande partie par le même dramaturge… il doit se dire que ce monsieur n’a aucune reconnaissance pour ses mécènes.

Le beau Jean-Pierre lui rétorque par la voix de ses canons ou plutôt de ses valeurs dans le même journal de Chicoutimi qu’il squatte depuis le fameux sondage, et là, il réduit les artistes à la manière conservatrice en se mettant une fois de plus le pied droit dans la bouche : «…Ils ne pensent qu’à leur gros moi. Les gens âgés, les jeunes, les handicapés, les travailleurs forestiers, les mères monoparentales ont également des besoins. On ne peut pas toujours dire oui. On leur donnerait le budget entier du Canada qu’ils en voudraient encore plus. En tant que gouvernement, il faut se montrer équitable et gérer sainement les fonds publics » (Le Quotidien, 6 octobre).

Ça va mal pour Jean-Pierre. Depuis le fameux sondage du Quotidien/KYK95.7 (Un autre s’en vient dans deux jours, soit le jeudi 9 octobre), il joue désespérément la seule carte qu’il ait dans son jeu, ses gros chèques. Jean-Pierre se prend pour un banquier. Comme si les fonds publics venaient directement de son compte personnel.

Entouré de banques

C’est un peu normal que Jean-Pierre Blackburn se prenne pour un banquier en brandissant son chéquier à qui veut plus ou moins l’entendre. Son local d’élection à Kénogami est situé dans l’ancienne banque Royale.

Son ancien bureau de Blackburn communications toujours actif est juste en face d’une ex-banque Nationale maintenant occupée par un club social de motards du troisième âge. Pas loin, une autre ex-banque de Montréal végète. Et pour fermer le quadrilatère, une caisse pop. Enfin, son bureau de député/ministre est logé dans l’actuelle succursale de la banque Royale, place du Marquis où il accorde ses entrevues à la revue de prestige de Rio Tinto-Alcan, entre le drapeau du Canada et de celui du Saguenay.

Sur son affiche électorale qui trône au coin de la rue Sainte-Famille et boulevard du Royaume, bien en vue, sa binette et son 247millions$ qu’il proclame partout comme bilan de ses deux années au gouvernement.

Il n’est pas le seul. Le candidat conservateur dans Chicoutimi dont j’oublie le nom utilise le même montant pour se faire élire.

Jean-Pierre Blackburn fait des promesses de plus en plus dispendieuses depuis son premier lundi noir. Il n’a pas le choix. Il veut garder son chéquier et son poste de ministre dans le cabinet de Stephen Harper. Il veut tellement le garder son fameux poste de super ministre banquier qu’il promet la lune et tous les autres astres qui tournent autour.

Des promesses, des promesses

Parmi ses dernières promesses électorales dispendieuses, un pénitencier fédéral à la limite de Jonquière près de Larouche (Sans doute pour tenter aussi les électeurs d’Alma) de 750 millions$ (dans le bois, à dix milles de la première maison, précise-t-on, pour rassurer les voisins) pouvant accueillir ( ?) 2175 détenus et qui pourrait créer 1300 emplois directs.

Il est mal pris le Jean-Pierre. Car ce projet devait servir à faire élire le candidat conservateur dans Chicoutimi, Jean-Guy Maltais (toujours en liste malgré ses faibles chances de déloger le bloquiste Robert Bouchard) lors de la dernière élection fédérale.

La ville de Chicoutimi, frustrée d’avoir perdu le projet de prison régionale au profit de Roberval, développait cette piste fédérale depuis quelque temps déjà.

À la conférence de presse de Blackburn, le maire Tremblay (qui, depuis le déclenchement des élections appuie ouvertement son petit Jean-Pierre parce qu’il est au pouvoir) avait mandaté un de ses conseillers, Fabien Hovington, à y faire acte de présence. Ici les élus municipaux nous disent comment voter parce qu’ils espèrent tous passer au provincial ou au fédéral.

En fait, Jean-Pierre voit dans la région une source inépuisable de soldats, de gardiens de prison, de bandits et de croisiéristes. Ses promesses vont dans ce sens. Il se colle à la popularité populiste du maire Tremblay de Chicoutimi pour vanter l’avenir des bateaux de croisières. Il se fait photographier avec le maire marin le plus souvent possible.

Depuis son premier lundi noir, à tous les jours dans Le Quotidien, il se paye une photo et de la pub sur ses fameuses promesses. Sur son 247 millions$ d’investissements dans la région depuis deux ans, il oublie de souligner que près de 115 millions$ ont été réservés pour les coûts de dépassement de l’autoroute 175 à quatre voies dans le Parc des Laurentides.

Il récupère tous les projets des autres. Il veut faire venir 550 soldats à la base militaire de Bagotville d’ici 2015. Le problème c’est qu’il a déjà fait cette promesse il y a deux ans. Mais, comme il le souligne avec fatalité, jusqu’ici, à peine 15 nouveaux soldats s’y sont installés. Il le déplore, mais il dit que ce n’est pas de sa faute si on est en pénurie de soldats….

Il veut refaire les centres-villes de Jonquière en sérieux déclin. D’ailleurs, son bureau de comté à Kénogami est situé sur une rue Sainte-Famille abandonnée par tous les commerces du coin qui ont déménagé à Chicoutimi depuis la fusion pour la simple raison que le maire de Ville Saguenay privilégie d’abord le développement de sa vraie ville, Chicoutimi, quand il n’est pas en train de serrer des mains de capitaines sur son quai d’escale à la Baie.

Pour ceux qui connaissent Kénogami, le fief de Jean-Pierre, c’est un peu le Hochelaga -Maisonneuve de Jonquière. N’y survivent que des animaleries, des salons de coiffure, des bars miteux, des binneries à patates frites, des appartements sans eau chaude, des salons funéraires et des ex-banques converties en locaux de campagne électorale. S’il veut vraiment s’occuper de la réfection de Kénogami et de la rue Saint-Dominique vers Jonquière, Jean-Pierre va avoir besoin d’un autre chéquier.

Enfin, la promesse qui fait saliver le maire de Chicoutimi et Jean-Pierre de Kénogami, c’est la relance du Parc Price abandonné depuis 40 ans par une compagnie qui a contaminé ses environs sans vouloir y investir les coûts nécessaires à sa rénovation.

Là encore, le chéquier de Jean-Pierre et celui de Ti-Jean Tremblay n’y suffiront pas pour mener à terme cet autre projet électoraliste. Les élections municipales arrivent à grands pas (2009) et le maire Tremblay semble vouloir rester en poste un autre dix ans. Le pouvoir le grise tout comme Jean-Pierre. Et les deux politiciens sont passés maîtres dans les promesses farfelues.

Des appuis de circonstances

Un autre signe de la panique de Jean-Pierre. Ses attachés de presse ont réuni à sa demande des maires élus de la région et des gens du milieu d’affaire, sans oublier les chambres de commerce pour lancer un cri d’alarme à la région. «Jean-Pierre, notre ministre à Ottawa, est en danger, il faut sauver Jean-Pierre ».

De nombreux maires du Lac Saint-Jean, des conseillers de Chicoutimi mandatés encore une fois par le maire Tremblay qui appuie ouvertement le candidat du pouvoir depuis le début des élections et des petits entrepreneurs qui croient encore que le patronage sévit dans la province, ont professé leur foi en Jean-Pierre, le 3 octobre lors d’une conférence de presse pathétique à Alma (comme ils l’avaient fait pour le faire élire une première fois).

La citation du jour, on la doit au maire de Saint-Henri-de-Taillon, André Paradis, travailleur syndiqué à l’usine de papier Abitibi-Bowater, «…j’invite les gens à faire un choix entre Jean-Pierre Blackburn ou une bouteille dans la Grande Décharge comme on a toujours fait, sans avoir de réponse. » Édifiant pour un travailleur syndiqué sur sa conception de la démocratie.

Les autres maires élus de la région et conseillers mitaines de Chicoutimi (Jean-Pierre Blackburn et Fabien Hovington) ont tous justifié leur présence à cette conférence de presse en soulignant qu’ils étaient là à titre personnel (sic).

Le maire d’Alma a refusé d’y participer, avouant que ce n’était pas le rôle d’un élu municipal que de dicter à ses citoyens pour qui voter en période électorale. Sage décision pour un maire qui s’est fait photographier plus souvent qu’à son tour avec Jean-Pierre depuis deux ans.

Mais Scullion a encore quelques principes de base pour un homme public alors que la plupart des autres petits maires de la région (sans oublier le pire, Ti-Jean Tremblay, monsieur patronage municipal) carbure au pouvoir.

Jean-Pierre est dans le gros trouble. Il appréhende le prochain sondage du Quotidien du jeudi le 9 octobre. Son chéquier de promesses est vide. Il a mis son siège en jeu pour convaincre les groupes féministes de la région qu’il ne voterait pas pour une reconsidération de la législation sur l’avortement. Il a vraiment hâte que cette campagne électorale se termine.

Au lieu de rester là et se faire démolir par les artistes, les étudiants, les féministes, les travailleurs, les séparatistes, les chômeurs, une montréalaise de 28 ans d’Alma, il aurait donc dû partir se cacher dans le bois à la chasse à l’orignal avec son nouvel ami, Jacques Brassard. Ou en croisière dans le Sud avec le maire de Chicoutimi.

Vivement les élections pour qu’il puisse relancer son bureau de Blackburn communications à Kénogami parmi les siens, les banquiers en faillite et les motards à la retraite.