Élections fédérales : Où loge Québec Solidaire ?

2008/10/08 | Par SPQ libre

Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc, respectivement président et secrétaire du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre (SPQ Libre)

À quelques jours du prochain scrutin fédéral, nous ne savons toujours pas à quelle enseigne loge le Parti Québec Solidaire. Ses deux porte-parole, Françoise David et Amir Khadir, ont signé en début de campagne un texte qui énumérait toute une série d’excellentes raisons pour ne pas voter pour le Parti conservateur de Stephen Harper : patriotisme guerrier et recriminalisation de l’avortement; allégements fiscaux aux pétrolières et non-respect de Kyoto; coupures dans la culture et dans les subventions aux groupes de femmes; refus de rapatrier Omar Khadr et de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits autochtones. La déclaration se terminait par un appel à « voter pour un Québec écologiste, de justice et d’égalité, un Québec où fleurissent les arts et ouvert à la différence. »

Fort bien ! Mais encore ? Comment empêcher les conservateurs de faire de nouveaux gains au Québec et former un gouvernement majoritaire? Comment bloquer « cette société rabougrie, méfiante et profondément inégalitaire que veulent construire les Conservateurs et leurs amis », pour employer les mots de Françoise David et Amir Khadir? En votant pour le Bloc? Le NPD? Les Verts? On ne le sait pas.

Atwood et les TCA pour le Bloc, mais pas Québec Solidaire

Au Canada anglais, la romancière Margaret Atwood n’a pas craint d’affirmer publiquement que seul le Bloc Québécois pouvait empêcher l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire et que, bien qu’elle ne soit pas souverainiste, elle voterait pour le Bloc si elle résidait au Québec. Auparavant, le syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) avait lancé le même mot d’ordre à ses membres québécois, bien qu’il soit depuis toujours lié au NPD au Canada anglais.

Qu’est-ce qui empêche une organisation québécoise, s’affichant « officiellement » souverainiste, comme le Parti Québec Solidaire de prendre une position similaire? Sur quelle appréciation des partis politiques se faisant la lutte au Québec est basée leur absence de prise de position claire et nette?

Le Bloc est-il trop à droite? Pourtant, tous les commentateurs politiques ont noté que le Bloc s’est épuré de son aile droite, passée avec armes et bagages aux Conservateurs. Est-ce que ce sont les liens du Bloc avec le Parti Québécois qui les fatiguent? Si c’est le cas, il serait intéressant de connaître leur appréciation du fait que les deux candidats vedettes du NPD au Québec soient deux anciens libéraux – Thomas Mulcair dans Outremont et Françoise Boivin dans Gatineau – et de la proposition de Jack Layton de former un gouvernement de coalition avec les Libéraux de Stéphane Dion. Et, pourrions-nous ajouter, avec les Verts de Mme May, puisque celle-ci a déjà conclu une alliance avec Stéphane Dion.

Paralysé par la question nationale

Alors, Mme David, alors M. Khadir, le Bloc?, le NPD ou les Verts? Qu’est-ce qui vous empêche de vous prononcer clairement? Qu’est-ce qui fait en sorte que Québec Solidaire ne puisse accoucher d’une prise de position se distinguant d’organisations syndicales qui n’ont pas le mandat de leurs membres de se prononcer en faveur d’un parti politique? Est-ce parce que Québec Solidaire n’est toujours pas un véritable parti politique?

Ou serait-ce parce que Québec Solidaire se retrouve écartelé entre son aile souverainiste et son aile fédéraliste? Ce que confirmerait le fait que des membres influents de Québec Solidaire soient candidats NPD au Québec dans cette élection.

À plusieurs reprises, nous avons prédit que le refus de Québec Solidaire de prendre clairement position en faveur de l’indépendance du Québec le paralyserait. C’est exactement ce que l’absence de position limpide de ses porte-parole démontre. La question nationale québécoise n’est pas qu’un item parmi une longue liste d’épicerie – comme l’a toujours considérée Québec Solidaire – mais le pivot central de la politique québécoise et, dans une large mesure, de la politique canadienne.

Bien plus, la question nationale est le point nodal de toutes les revendications économiques et sociales, féministes et culturelles, en un mot de ce « Québec écologiste, de justice et d’égalité, de ce Québec où fleurissent les arts et ouvert à la différence » dont parlent Françoise David et Amir Khadir dans leur texte. La question nationale est porteuse d’un projet de société.

L’absence de prise de position claire de Québec Solidaire lors de cette élection fédérale permettra à l’électorat de juger du sérieux de cette organisation à la veille d’une élection québécoise où ses deux porte-parole aspirent à se faire élire dans des circonscriptions détenues par le Parti Québécois et, bien entendu, en proclamant haut et fort leur « idéal souverainiste » (sic!) !