Le Paris de Cédric Klapisch

2008/10/08 | Par Ginette Leroux

« La forme d’une ville change plus vite hélas que le cœur d’un mortel »,
écrivait Baudelaire devant les grandes réalisations d’Haussmann.


Pendant que Paris respire, bouge et se renouvelle, un homme dans la fleur de l’âge attend une transplantation cardiaque. Pour Pierre, tout s’arrête lorsque le médecin lui assène le verdict : 40% de chances de réussite. Alors, il met sa vie en suspens, mettant entre parenthèses sa carrière de danseur au Moulin Rouge. Pour passer le temps, du haut de son balcon, il observe la vie des autres. C’est ainsi qu’entrent en scène une kyrielle de personnages, chacun présenté dans sa petite histoire quotidienne. Des maraîchers, une boulangère, une assistante sociale, un architecte, un sans-abri, un prof d’histoire, une mannequin, un immigrant camerounais forment les éléments de cette mosaïque parisienne. Ainsi s’expose le dernier film de Cédric Klapisch, « Paris ».

Des couples contrastés

Le réalisateur de « L’auberge espagnole » et des « Poupées russes » s’est entouré d’une équipe d’acteurs chevronnés. Dans le rôle titre, Romain Duris, l’acteur fétiche de Klapisch présent dans six de ses neuf longs métrages, aborde avec sensibilité ce personnage quasi condamné par la médecine moderne. À ses côtés, Juliette Binoche interprète le rôle d’Élise, la sœur dévouée du malade. L’actrice française livre ici une prestation impressionnante de vérité et d’émotion qui crève l’écran. Sa sincérité étoffe son personnage lui donnant une vie autonome, sans rien perdre de sa relation avec son frère. C’est ainsi que l’intrigue amoureuse qui se noue entre Élise et Jean, l’un des trois maraîchers, (l’excellent Alain Dupontel), donne une lueur d’espoir dans la vie plutôt étale de la mère de trois enfants.

L’inénarrable Fabrice Luchini exécute une fois encore un numéro de danse solo complètement loufoque. Rappelez-vous « Confidences trop intimes ». Il incarne Roland Verneuil, professeur d’histoire à la Sorbonne, spécialiste de Paris, le frère de Philippe, (un François Cluzet dans toute sa forme), un architecte qui représente l’aspect moderne d’un Paris actuel en pleine expansion.
Le personnage, à mon avis, le plus caricatural est celui de Karin Viard. La charmante rousse, qui a débuté sa carrière en 1990 dans le film « Tatie Danielle », joue une boulangère dépassée qui ne jure que par la tradition. Il est presque impossible pour elle de trouver l’employée parfaite qui va correspondre à ses exigences. Voilà pourquoi elle en change à répétition, s’indignant, au passage, de la formation inadéquate des jeunes fraîchement sorties des écoles de métiers. Sa critique est sans appel : la jeunesse d’aujourd’hui est « délabrée avant l’heure ».

Ces couples antinomiques se croisent, se font et se défont au gré du moment. Par exemple, Roland Verneuil, en plein crise de la cinquantaine, s’entiche d’une de ses étudiantes (Mélanie Laurent, récompensée du César du meilleur espoir en 2007) qui, à son tour, est attirée par Geoffroy, un étudiant de son âge. S’ensuit un chassé-croisé comme seuls les films français ont le secret. Qui escaladera la pyramide sentimentale sans retomber sec sur les genoux?

Trop ambitieux Klapisch?

Klapisch a-t-il été trop ambitieux en insérant des personnages dont, selon l’avis de certains critiques, l’histoire n’aboutit pas? Pour ma part, je crois que tous ces rôles sont justifiés. Faisons l’exercice ensemble. Prenons le métro. Sans aucune raison, nous nous mettons à observer les gens et laissons trotter notre imagination, échafaudant au hasard une histoire pour l’individu qui a attiré notre attention pendant que d’autres nous laissent indifférents. Une ville est une expérience humaine. Chacun ne cherche-t-il pas son chat?

Hommage à Paris

Les amoureux et les inconditionnels de la ville éternelle seront aux premières loges pour s’inscrire à ce tour de ville de plus de deux heures ayant pour guides les grands acteurs français de l’heure. Un pur délice. Au gré des histoires, Paris se montrera plus belle que jamais avec ses toits, ses cafés, ses ponts, ses rues en enfilade, ses monuments, son métro. La Tour Eiffel qui scintille, Montmartre et son Sacré-Cœur haut perché, Montparnasse, Ménilmontant, c’est Paris passion, Paris la fête, Paris canaille, Paris aux mille visages.

Paris, de Cédric Klapisch est actuellement à l’affiche.