Nouvelles du Saguenay : Ils ont sauvé Jean-Pierre Blackburn

2008/10/15 | Par Pierre Demers

Le 15 octobre.
Dans Jonquière /Alma, le ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn capitalise sur son siège payant de «député à la table ovale des grandes décisions » avec 26 639 votes, la bloquiste Chantale Bouchard, 19 015, le libéral 2616, et le NPD 2 475 (Vivement la proportionnelle en passant).

Jean-Pierre obtient donc 52,5% des votes et la bloquiste 37,5% avec un taux de participation de 64,2%, le plus fort taux dans la région où le bloquiste Robert Bouchard conserve son siège dans Chicoutimi/Le Fjord et le conservateur Denis Lebel qui sauve sa couenne chaude dans Roberval/Lac-Saint-Jean.

Les pions n’ont pas bougé beaucoup si ce ne sont les convictions des uns et des autres quelque peu révélées au grand jour et la manière de faire la politique ici comme ailleurs.

L’inverse des intentions de votes des deux sondages de la firme GPS du 29 septembre et 10 octobre plaçant Blackburn en sérieuse difficulté contre une parfaite inconnue de 28 ans originaire d’Alma parachutée de Montréal (Non, de Laval souligne Patrick Lagacé de La Presse lors de son séjour à Kénogami) par l’organisation bloquiste pour lui faire du mal et miner la région qu’il arrose pourtant de 247 millions$ depuis deux ans et demi. Le gros bon sens a sonné juste encore une fois… Heureusement pour notre grande noirceur.

Voici quelques raisons qui expliquent sa victoire à la toute fin de parcours et des réflexions spontanées sur le vécu intérieur d’une campagne électorale fédérale au pays bleu encore 2/3 bleu.

1. Ils, ce sont qui ? Ceux et celles qui ont sauvé Jean-Pierre Blackburn ? D’abord les médias locaux.

Les journaux qui trouvent ça payant une campagne électorale avec ses pages et ses pages de pub et des nouvelles faciles à aller cueillir parce qu’elles viennent à vous toutes seules. Par exemple, dans Le Quotidien de Chicoutimi, une ou deux photos par jour de Jean-Pierre Blackburn qui a usé de la méthode du maire Ti-Jean Tremblay, régulièrement rédacteur en chef du Quotidien et de son gros frère plus payant encore du dimanche, Le Progrès… en téléphonant la une.
Une ou deux photos par jour et surtout des conférence de presse le plus souvent possible. Une fois sorti le premier sondage du 29 septembre qui le mettait derrière la bloquiste dans les intentions de votes, le Quotidien lui a donné toute la place. Ou plutôt, il l’a prise.

C’est vrai que le journal avait ouvert le bal avec la chronique de Jacques Brassard qui discréditait les duceppistes à Ottawa et ouvrait la période de la chasse aux maudits bloquistes inutiles.

Ce discours est repris par la majorité des chroniqueurs du Quotidien (dont Myriam Segal, animatrice verbomotrice du poste de radio du Gros Champagne qui clame comme tous les candidats conservateurs que les bloquistes sont payés à rien faire et qu’ils ne peuvent pas décider des millions$ qu’on peut injecter dans la région) et de ses collaborateurs et éditorialistes.

La radio tient sensiblement le même discours sur les candidats bloquistes, le Gros Champagne en tête, les animateurs plus jeunes du poste KYK-FM d’Alma dont l’une des animatrice du matin qui se targue d’être jeune et de vouloir voter pour celui qui a du cash et non pour celui qui regarde passer la parade.

Évidemment, les radios et les télés organisent des débats avec des candidats et quand les conservateurs s’absentent, ils n’en font pas un plat. Radio-Canada tout de même plus neutre (et professionnel) et les postes privés de radio optent pour des sujets connus.

Aucun d’entre eux n’a abordé la question des dépenses militaires par exemple malgré le fait que Blackburn et le bloquiste dans Chicoutimi promettent des soldats de plus à la base militaire de Bagotville.

Pour sa part, le Gros Champagne ce matin, le 15 octobre, le lendemain de la victoire de Blackburn, avance que Jean-Pierre a souffert lui et sa famille de cette campagne et de ces deux sondages qui le mettaient dans le trouble.

Il accuse la FTQ et les maudits syndicalistes qui ont fait fermer le WallMarde de Jonquière d’avoir payé les sondages – pour le Gros, tout s’achète – et de tout faire pour nous mettre dans la merde. C’est de leur faute les maudits syndicalistes de la FTQ et tous les autres qui votent Bloc. Vous voyez la neutralité des médias de la région qui ont une évidente sympathie pour les politiciens qui couvent le pouvoir.

Le Gros Champagne espère ce matin que Harper va donner un poste de ministre à Denis Lebel dans Roberval, une puissante nouille, ancien maire de cette ville et plus chien de poche encore que Blackburn devant son chef.

Il pourrait donc en avoir un comme Jean-Pierre qui aime «être à genoux à Ottawa plutôt que debout tout seul dans son coin » pour citer le candidat conservateur dans Chicoutimi, Jean-Guy Maltais lors de la conférence de presse au local de Blackburn le 10 octobre dans une salle remplie à raz bol de partisans fanatiques d’un certain âge. J’y étais.

On pourrait écrire un livre sur cette rencontre où les conservateurs, dans la salle, criaient aux journalistes de fermer leur gueule pour ne pas piéger Jean-Pierre. Ce dernier a même censuré un de ses partisans. Mais ça, ça ne sort pas beaucoup dans les médias officiels.

À la même conférence de presse, Jean-Pierre accuse Alain Proulx, leader syndical, d’avoir dit qu’il voulait le sortir à coup de pied dans le cul de Jonquière/Alma lors d’un rassemblement de la FTQ le 7 octobre. Tout le monde dans le local de crier aux excuses.

Toutefois, ce n’est pas Alain Proulx qui a dit ça à la fameuse soirée syndicale… Jean-Pierre va devoir s’excuser en téléphonant à Alain Proulx, quelques heures plus tard. Mais l’effet anti-syndical a joué et seule la radio de la SRC soulignera en fin de journée la bévue du ministre.

2. Ils, ce sont qui ? Les élus locaux.

Blackburn a des amis depuis qu’il est ministre du Travail et du Développement économique des régions, section Québec. Il donne des chèques à plein de maires de petite localité, les mêmes qui remplissaient le local de son comté lors de la fameuse conférence de presse pour faire le bilan de sa campagne.

Ce sont eux qui viennent du Lac et de Saguenay (Le maire Ti-Jean Tremblay en tête depuis les tous débuts de la campagne) qui se font photographier avec lui et qui l’appuient en leur nom personnel. Ils convoquent une conférence de presse à Alma pour le défendre comme ont fait d’autres maires conservateurs de d’autres régions du Québec. Ils se refusent bien de suggérer à leurs citoyens de voter pour Jean-Pierre, non, ils disent tout simplement que Blackburn est toujours là quand on veut le contacter, qu’il retourne ses appels et qu’il suit bien ses dossiers. Alors, s’il faisait autre chose ? C’est sa job de faire ça, mais ça ils le trouvent extraordinaire eux autres. C’est ce qu’on appelle ici «le réflexe périphérique ».

On est loin des centre de décisions, des parlements (Tiens, aucun journaliste de la région n’est à l’étranger – Québec ou Ottawa – pour nous dire ce qu’il s’y passe. Ils se fient à ceux et celles qui y travaillent…) et des métropoles.

Or. donc, quand les électeurs et les élus gagnent un ministre, pour eux c’est le jack pot. Ils ont tellement peur de le perdre qu’ils voudraient l’empailler, le geler dans la glace, le sauver à tout prix même s’ils savent qu’il est pee-wee et gaffeur. Il est au régime et au pouvoir. Il va nous donner des chèques et remplir ses promesses. On ne peut plus s’en passer.

Belle mentalité de sous-développé qui fait le jeu des politiciens en place à tous les niveaux et entretient l’idée que le patronage demeure la seule façon d’exercer le pouvoir. Dans le dictionnaire, on définit ce mot par «protection accordée par un homme puissant à un inférieur ».

La campagne de peur que les supporteurs de Blackburn dénonçaient de la part des bloquistes les accusant, entre autres, de démoniser Harpeur, politicien de droite et néo-duplessiste, et bien cette campagne de peur a mieux marché en faveur des conservateurs.

Ces derniers ont martelé que, sans Jean-Pierre, la région meurt, il faut le sauver pour sauver en même temps notre argent, nos chèques, nos grands projets comme un pénitencier fédéral de 1300 détenus prévu dans 15 ans à Larouche, 530 soldats à Bagotville, des milliers de croisiéristes à la Baie, le parc Price, la revitalisation des centres–villes et des arénas neufs partout partout.

Les élus en multipliant leur présence au côté de Jean-Pierre et en clamant haut et fort son beau travail ont fait élire Jean-Pierre. Ils ont fait sortir le vote des électeurs plus âgés qui favorisaient d’entrée de jeu les conservateurs un peu partout et surtout dans Jonquière/Alma. Entre élus, on se protège dans une région comme la nôtre.

3. Ils, ce sont qui ?

Ce ne sont pas les jeunes électeurs qui avaient sans doute un préjugé favorable envers la jeune candidate bloquiste qui ont voté hier. Encore moins dans Jonquière parce que, entre autres, le cégep était en semaine de relâche. C’est Jean-Pierre et sa gang qui ont fait peur aux électeurs de son comté.

Ceux qui croient que la politique consiste à prendre le pouvoir et à le conserver envers et contre toute mesure. Ceux qui pensent que, dans une région comme la nôtre, mieux vaut piler sur ses convictions pour profiter du régime quand le hasard vous le refile entre les mains. Il fallait sauver Jean-Pierre. C’est fait.

Les élus de la région sont contents. Le maire de Chicoutimi, Ti-Jean Tremblay peut dormir tranquille. Il devrait gagner ses prochaines élections. Jean-Pierre va lui donner un coup de main. Un service en attire un autre. Un élu en attire un autre. Ici, on confond parfois la droite et la gauche. Les gens chauffent mal. Région de cowboys d’un certain âge. Rendez-vous dans deux ans et demi où il faudra encore sauver Jean-Pierre.