Cri du coeur d'un Madelinot

2008/10/20 | Par Raymond Gauthier

Vous tous qui n'avez pas hésité à grimper dans les rideaux, à faire coalition et à mobiliser le Québec entier en faveur de Kyoto, dans les dossiers du Suroît et de Rabaska, lors du Sommet de Montréal sur le climat, pour la marche du Jour de la Terre à Montréal (dont j'étais avec mes proches), contre l'harnachement des rivières encore sauvages par les PPP - et quoi encore ? - où êtes-vous donc, que faites-vous alors que la suite se passe dans le golfe Saint-Laurent ?

L'échec de Rabaska et les SLAPP vous ont-ils démobilisés à ce point ? Je peux comprendre l'usure et l'essoufflement. J'avais moi-même décroché depuis un an et ce sont les plus jeunes qui m'ont débusqué, début septembre, et fait reprendre le collier. Je me suis joint au regroupement citoyen « Madelinots en alerte ».

Gastem arrive aux Îles-de-la-Madeleine, clé en main, pour venir « explorer » (pas juste pour voir !) le sous-sol de l'archipel, en attendant que ne se règle le différend Québec-Ottawa sur la juridiction des fonds marins.

Avant de pomper dans le gisement Old Harry, près de chez-nous - et tout en planifiant les installations à venir pour exporter son futur butin (port méthanier, etc.) -, Gastem ne va pas se priver de pomper notre sous-sol, sous l'honorable prétexte de convertir la très polluante centrale thermique d'Hydro-Québec des Îles, au mazout lourd, en centrale « plus propre au gaz naturel » (ça vous rappelle quelque chose ?).

On va même nous offrir de l'énergie « plus propre » pour faire marcher nos usines et même chauffer nos maisons. La belle affaire !!! Si encore on s'arrêtait là, j'en serais, et dans le peloton de tête.

Connaissez-vous une pétrolière qui se contenterait de régler les problèmes de pollution atmosphérique causés par les besoins essentiels des résidents d'un petit territoire isolé, au coeur du Golfe ?

Quand on voit saliver le gouvernement Charest et la chef du Parti Québécois Pauline Marois devant la perspective des redevances alléchantes que les ressources fossiles présumées du golfe Saint-Laurent pourraient rapporter : la richesse du Québec saoudite !

On ne va tout de même pas laisser dormir ça dans le sous-sol et les fonds marins, où se côtoient les dômes de sel et les gisements d'hydrocarbures. Si on ne le fait pas nous-mêmes, nos voisins des Maritimes vont le faire et en profiter !

Et ce, malgré le beau discours écolo des politiciens et la belle réputation du Québec en matière d'énergie électrique faible en GES ! Beau sépulcre blanchi. Le Québec maritime n'aurait-il pas un leadership à prendre auprès de ses voisins qui, sauf Terre-Neuve qui pourrait se précipiter, ne semblent pas si impatients de mettre en péril le garde-manger que représente le golfe Saint-Laurent.

Ici, aux Îles, nous avons connu et subissons encore, depuis 38 ans, les impacts d'un déversement de mazout contaminé aux BPC dans le Golfe (Irving Whale).

Plus de 200 000 sacs de cette merde toxique, enfouis dans nos dunes, nous hantent toujours, sans que la pétrolière responsable - plutôt irresponsable - n'ait été poursuivie pour ses crimes et sans que le gouvernement - supposément responsable - ne prenne au sérieux nos revendications en faveur de la santé publique.

Pensez-vous qu'on peut regarder venir le développement de cette méga-industrie du gaz naturel - gage de richesse pour qui au juste ? - sans broncher, sans avoir le réflexe de protéger nos acquis ?

Nous vivons relativement bien, malgré tout, à partir d'industries basées sur des ressources renouvelables. Allons-nous, à contre courant d'un mouvement mondial de remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, risquer de bousiller nos emplois actuels, somme toute naturels, par l'invasion barbare de soi-disant nouveaux emplois très payants, dont il faudra importer massivement la main-d'oeuvre ? Avec tout ce que cela représente pour la qualité de notre milieu, de notre mode de vie, de nos produits actuels ?

Le rapport du BAPE, en 2004, avait souligné les risques que représente la perspective d'une exploitation des hydrocarbures pour les populations côtières du Golfe ; ses avis 15 et 16 sont explicites sur les précautions à prendre...

Nous autres, là-dedans, on est bien petits. C'est David contre Goliath. On est bien loin des grands centres et, en dehors des rêves et/ou des souvenirs de vacances, les Îles-de-la-Madeleine ne font pas partie des préoccupations quotidiennes des Québécois. Les gens des Îles-de-la-Madeleine vont-ils être abandonnés à leur sort ?

Salutations cordiales,
Raymond Gauthier
Regroupement « Madelinots en alerte »

P.S. Un appui de taille inattendu s'est manifesté : celui de David Suzuki en personne. La précarité du moratoire qui existe sur la côte ouest, en regard de l'exploitation offshore, inquiète au plus haut point les défenseurs de l'environnement là-bas et une sympathie, sinon une synergie, s'installe d'un océan à l'autre. Le « Drill, baby drill » de Bush pour suspendre le « ban » sur la côte ouest américaine et le déni de mini-Bush de l'existence d'un moratoire sur la côte ouest canadienne sont inquiétants. Surtout pour nous, qui réclamons, depuis 4 ans, un moratoire pour le Golfe.