Nouvelles du Saguenay : La renaissance du «Canadien»

2008/10/20 | Par Pierre Demers

Ce n’est pas régional/régional la renaissance du club de hockey «Le Canadien » de Montréal.

Ici au SLSJ, il faut se taper cinq heures de route (L’hiver, les tempêtes), coucher dans son char, obtenir des billets en pitonnant sur le net pour avoir la chance de voir la Grosse équipe au Centre Bell dans la zone Molson, ex paquetée où le dé à coudre de bière coûte 10-15$.

Sans compter les produits dérivés d’une équipe qui traîne à la queue d’une ligne depuis des années, mais continue de les vendre à tous les fanatiques qui se font tatouer le CH un peu partout sur le corps.

Une «machine de cash bien huilée », comme dirait Réjean Tremblay à sa chronique quotidienne du Gros Champagne à la radio locale. Il y a encore des anciens mordus des Nordiques qui trouvaient que c’était plus facile d’aller dépenser son $$$ au Colisée de Québec avant… à l’époque où tout le monde ici prenait pour l’équipe de la vieille capitale.

Les deux équipes de hockey locales, les Saguenéens en reconstruction de Chicoutimi et une équipe de la LNAH de joueurs jeunes retraités (le 98.3, celle du poste de radio du Gros Champagne qui a perdu le contrat exclusif de pub de l’autre équipe…) de Jonquière qui ne gagnent pas souvent drainent tout de même un public captif, faute de hockey professionnel de gros calibre.

Dans la région, les journalistes sportifs couvrent le bas de gamme.

Mais ici, quand on dit que les hockeyeurs de la Ligue Nationale gagnent trop d’argent et se traînent les patins sur la glace, surtout ceux du «Canadien » depuis des décennies, eh bien, on vous regarde de travers et on risque de passer pour intellectuels. Le «Canadien » est en train de renaître de leurs cendres et va peut-être, en plus de faire les séries, GAGNER LA COUPE STANLEY …

Hockeyville

À Roberval au Lac, ils sont venus jouer une partie pré-saisonnière le 24 septembre contre les Sabres de Buffalo dans une aréna de 1200 sièges et les vestiaires qu’on a retapés avec 100 000$ , prix du concours Hockeyville Canada du poste anglophone (sic) de Radio-Canada.

Le maire de la ville et celui du village des cabanes à pêche sur la glace (la plupart n’ont même pas de trou, on y fraternise en famille et en gang… d’amateurs de houblon) ont mobilisé toute la province pour voter pour eux à ce concours. Occupant les lignes et les sites internet.

Pendant des mois, les médias de la région nous ont cassé les tympans avec ce Hockeyville. Les anciens joueurs du «Canadien » (Réjean Houle, Guy Lafleur) et les actuels en insistant sur ceux qui avaient du sang local (le gardien de but Marc Denis, Desharnais, un petit ex-Saguenéen junior de passage au camps d’entraînement) et évidemment le coach Guy Carbonneau, actionnaire de l’équipe junior de Chicoutimi, ont paradé partout dans la ville, les écoles, les hôpitaux, les foyers de l’âge d’or, etc.

La Coupe Stanley était exposée en chapelle ardente pour que tout le monde puise se photographier avec et l’embrasser. La game a été remportée par Montréal évidemment où tous les politiciens régionaux brillaient dans l’aréna, l’ex-maire de Roberval, le conservateur Denis Lebel circulait devant toutes les caméras, le smile fendu jusqu’aux oreilles.

Le maire de Chicoutimi, Ti-jean Tremblay y était évidemment avec une délégation du Saguenay pour la circonstance. RDS a diffusé en direct la fameuse partie de Roberval, mais pas la télé anglaise de Radio-Canada (avec le commentateur anti-québécois qui porte des vestons de clowns) ne l’a pas fait malgré que c’était leur concours(sic).

Le beau Réjean Tremblay s’est tapé des papiers dans La Presse sur sa visite à Roberval en soulignant qu’il soupait avec les grands de son monde dont le propriétaire de l’équipe montréalaise, George Gillett descendu avec son jet privé…

Il capitalisait encore sur ses origines régionales en flattant dans le sens du bleuet ses contacts locaux qui lui permettent d’entretenir son aura, confident des richards et des vedettes comme tout bon courriériste du volant et des lames.

La semaine suivante, au cercle de presse de Saguenay, on a invité les organisateurs de Roberval qui vivaient encore sur leur high et calculaient par millions $$$ les retombées touristiques d’une pareille visite.

Les deux maires qui avaient piloté ce concours avaient juste peur que les gens de Roberval fassent un mauvais parti au commentateur qui s’habille en clown. Mais personne ne l’a reconnu… Peut-être que là, tout le monde s’habille comme ça ?

Des signes qui ne mentent pas

En fait, des signes ne mentent pas que le «Canadien » va bientôt renaître de ses cendres. Des amis ont commencé à m’inquiéter. Moi, je ne regarde plus cette équipe depuis des années pour la simple raison que j’ai connu la Grosse Équipe quand elle gagnait presque tous ses matchs et le plus souvent qu’à son tour, la Coupe Stanley.

Mais, depuis trop longtemps, les journalistes sportifs qui la suivent nous font croire (c’est leur gagne-pain et ils ne savent pas couvrir autre chose) que le «Canadien » est en reconstruction. Ou encore, il lui en manque pas beaucoup. Avec un petit peu plus d’intensité et de talent, ils vont aller plus loin. Puisque vous nous le dites…

Et puis, je vais chez un des mes amis à Québec qui habite avec des colocs étudiants à l’Université Laval. Mon chum et ses colocs m’ont initié au culte des nouveaux «Canadiens ». Moi, je ne connais même pas cinq joueurs de cette équipe, des noms russes difficiles à écrire et de plus en plus de francophones, m’affirment-ils.

Un de ces russes - Kovalev- est tellement populaire, plus que le capitaine Koivu , qu’il se fait photographier en bedaine sur le magazine La Semaine…

Tant mieux. Si mon père revenait aujourd’hui pour regarder son équipe le samedi soir, il se demanderait où ils ont pris ces joueurs d’en dehors en bedaine. Lui qui ne jurait que par les Richard, Béliveau, Jacques Plante, Bouchard, Boum-Boum qui ont toujours gardé leur camisole de laine dans le vestiaire et sans doute aussi dans la douche.

En plus de connaître ses joueurs qui viennent de partout, il y a même un Français qui a goalé un temps pour eux et qui s’exprimait très bien au micro. Ça repose de ce que les autres joueurs disent quand on les rencontre dans le vestiaire de sueur après le match.

Bref, comme ils jouent depuis le début de l’année, ils ont «de la profondeur » comme diraient les colocs de mon chum. En plus de connaître les joueurs, leurs forces et leurs faiblesses, ils commentent les journalistes et commentateurs du poste qui diffusent les games plusieurs fois par semaine, RDS.

Moi je les trouve coincés ces commentateurs et pas à peu après. Ils s’expriment sur leur style, leur vocabulaire et le degré d’insignifiance de certains d’entre eux. Je pense ici à ces émissions de la radio et de la télé. 110% par exemple, où la majorité des «journalistes » mal dégrossis, faux psychologues de série Z disent n’importe quoi sur n’importe qui pour épater la galerie.

Ce n’est pas pour rien que TQS n’a conservé à son horaire que cette émission de fin de soirée qui alimente les autres vautours de sportifs qui radotent le lendemain sur toutes les ondes et canaux et entretient le niveau intellectuel le plus bas possible en ville.


Les «Canadiens » à la radio

Je me retrouve chez un autre de mes amis un samedi soir et lui n’a pas le câble. Impossible de regarder la game des «Canadiens » avec un autre de mes amis montréalais. Quand ces derniers viennent ici, ils demandent d’abord et avant tout si on peut voir la game quelque part.

Je trouve ça ordinaire que les Anglos canadiens puissent voir les games des «Canadiens » le samedi soir sur leur réseau de la SRC et que les Francophones eux doivent se payer RDS (une fortune pour les pauvres, les étudiants qui ont à choisir entre RDS ou manger comme du monde) avec le culte de ce poste pour les «Canadiens » sans trop d’esprit critique.

Alors, on a regardé la game à la radio. C’était spécial de nous voir coller au petit poste en imaginant ce qui se passait. C’était la game de samedi soir dernier où ça brassait pas mal. Kurt Sauer des Coyotes de Phoenix a assommé Andrei Kostitsyn. (Mon chum était dans tous ses états. Je lui ai fait une tisane pour qu’il se calme. Il m’a dit qu’il regarderait le match en rediffusion le lendemain de retour à Montréal. J’avais peur pour son moral…).

C’est son frère Sergei (comme le prénom du cinéaste Eisenstein…) qui prendra sa place à gauche de Tomas Plekanec et d’Alex Kovalev face aux Panthers.

Je pense que je vais commencer à apprendre par cœur les noms de l’équipe montréalaise. C’est le centième anniversaire de la Grosse machine. Elle va rouler fort cette année. Tout est possible. Tout le monde s’emporte. Je me mets au russe. Je sors mon vieux gilet de l’équipe. Je m’achète un nouveau poste de radio. Le ou les «Canadiens » sont de retour, les vrais. Ferais-je de la fièvre ?