Sagan à l’écran

2008/10/23 | Par Ginette Leroux

Le film s’ouvre sur une grande maison normande, qui aurait pu être celle de Sagan, située tout près de Honfleur à proximité des casinos de Deauville et de Trouville. On raconte que cette maison, Françoise Sagan l’avait achetée au lendemain d’un coup de chance au casino. Le 8 août 1960, elle gagne 80 000 francs, prix que demande le propriétaire décidé à se débarrasser de son improbable locataire. Croyant à un appel du destin, elle acquiert cette maison qu’elle gardera tout au long de sa vie.

C’est dans cette maison que Diane Kurys a choisi, dans la première scène de son film, de montrer Françoise Sagan au terme de sa vie, juste avant que les volets se referment pour de bon. Abandonnée, recluse, elle n’aura d’autres choix que d’aller mourir à l’hôpital. « Glisser vers la mort sans une main pour nous retenir, voilà la tristesse », dira celle qui aura combattu la solitude jusqu’à son ultime souffle.

Une Miss contrôle incontrôlable

Idolâtrée par ses parents, la cadette est cajolée par sa sœur Suzanne et protégée par Jacques, son frère. Le « charmant petit monstre » n’en fera qu’à sa tête, devenant pour ses amis et sa secrétaire une Miss contrôle impitoyable qui ne craindra jamais l’impunité.

Même si le film ne s’attarde pas à l’enfance de la romancière, une scène particulièrement éloquente décrit le manque d’autorité du père, un homme plutôt « léger » qui, au moment où sa fille reçoit les redevances pour son incroyable succès littéraire, lui recommande de tout dépenser. À cet âge-là, lui assure-t-il, c’est ce qu’elle peut faire de mieux.

L’incontrôlable frénétique se passionne pour les voitures de sport puissantes. Vite, toujours plus vite devient le mode de vie de l’écrivaine consacrée par la sortie fracassante de « Bonjour Tristesse » en 1954. Trois ans plus tard, l’accident de voiture au volant de son Austin Martin cabriolet la laissera complètement démolie avec, en prime, une indélébile dépendance à un dérivé de la morphine. Elle ne sortira plus de cet enfer. Il est intéressant de noter que la réalisatrice a choisi un extrait des archives de l’époque pour montrer la commotion énorme qu’a causée le terrible accident.

L’amour passe, les copains restent

Chez Françoise Sagan, hormis l’écriture, les copains occupent toute la place. » Intimement liés par l’amitié, la charmante indisciplinée forme avec Bernard Frank, son alter ego (joué par Lionel Abelanski, un personnage peu convaincant qui ne rend pas justice au journaliste de renom ni au caractère éclectique de l’écrivain le plus doué de sa génération que l’on a comparé à Proust), et Florence Malraux, la fille de l’écrivain André Malraux, (Margot Abascal) un trio soudé par l’esprit et par le jeu.

Parce que, pour l’amour, Sagan n’est pas terriblement douée. Bien qu’elle ait eu de nombreuses relations avec les hommes, qu’elle ait été mariée deux fois, à Philippe Schoeller puis à Bob Westhoff, et qu’elle soit restée une amie indéfectible de Jacques Chazot, un danseur étoile, (le séduisant Pierre Palmade) elle restera vraisemblablement attirée par les femmes. Le mannequin Peggy Roche, interprétée par l’excellente Jeanne Balibar qui incarne avec justesse son rôle d’amante, restera le grand amour de sa vie.

Magistrale Sylvie Testud

Magistrale, impressionnante et troublante est Sylvie Testud dans la peau de Françoise Sagan. « Si un film se faisait sur Sagan, il faudrait prendre Sylvie Testud », avait conseillé le journaliste et éditeur français Thierry Taittinger à Diane Kurys en revenant de l’enterrement de la célèbre romancière. Il avait raison de voir en elle la femme de la situation, car l’actrice incarne une Sagan aussi vraie que nature. À ce propos, il faut saluer la magie opérée par le maquillage qui permet à l’actrice de vieillir sous nos yeux, passant de 19 ans jusqu’à sa mort, à l’âge de 69 ans.

L’insouciance de la jeunesse

Françoise Sagan a eu le génie d’être le reflet son époque. Un modèle parfait de la jeunesse d’après-guerre à l’instar de Francis Scott Fitzgerald, qui avec sa femme Zelda, ont représenté le couple idéal des Années folles. La Française et l’Américain ont tous deux symbolisé, dans leur époque respective, la liberté et l’insouciance, antithèses éloquentes aux privations obligatoires en temps de guerre.

À l’occasion, le film de Diane Kurys semble manquer de souffle, la mise en scène souffre parfois d’inspiration et on peut se demander pourquoi la réalisatrice a préféré mettre l'accent sur les frasques et les déboires de la vie mouvementée de Sagan plutôt que sur le talent de la femme de lettres.

En salle à partir du 17 octobre.