Nouvelles du Saguenay : HA HA museur public

2008/11/03 | Par Pierre Demers

Jean-Jules Soucy a verni sa nouvelle exposition de toutes sortes d’affaires à déchiffer sur les murs de la galerie Séquence (En bas de la rue Racine de Chicoutimi, presqu’en face du poste de radio du Gros Champagne qui ignore tout de ça) jeudi dernier le 30 octobre.

Une exposition ludique, remplie de surprises comme l’artiste lui-même, inspiré jour et nuit par son lieu de résidence permanente (La Baie des Ha Ha) et cette fois-ci, par une fréquentation assidue d’artistes visuels qu’il admire et vénère au point de les recycler en jeux de mots détournés dans les œuvres qu’il a imaginées pour cette sortie publique au titre généreux «Dédouaner le plaisir ».

Des artistes d’ailleurs (Marcel Duchamp, Léonard De Vinci, Christo, BGL, Joseph Beuys) et d’ici (Denis Tremblay, le monarque de l’Anse-Saint-Jean, Richard Martel, même Robert Lepage) qui l’habitent.

Le soir de son vernissage justement, Jean-Jules a senti le besoin d’instruire les amis et autres visiteurs curieux présents de sa démarche particulière. Des volontaires ont manipulé la lettre « d » qui finissait par se convertir en ha ha pour montrer à quel point ce sujet incontournable dans son parcours dévoilait son art toponymique.

Sans ficher

Il y a de tout dans la nouvelle exposition de JJSoucy. Beaucoup d’écritures sur les murs, comme une sorte de journal de bord que l’artiste aurait voulu signer sur les murs de la ville s’il en avait eu la possibilité.

En fait, Jean-Jules s’amuse toujours un peu beaucoup quand il expose. Cette fois-ci, il le fait aux dépens de ses lectures et de ses notes de travail qu’il accumule depuis des décennies (Trois précisément).

Il a imaginé des affiches carrément politiques en détournant ses jeux de mots habituels. Des affiches imprimées numériquement sur du papier archive aux estampes Sagamie d’Alma, format géant.

Parmi celles-ci, sa binette photographiée en lapin Eveready (type B, D, AA) prêt à bondir, plein d’énergie et de douce folie qui nous accueille à l’entrée de la galerie avec son titre allumeur «Je m’explique mal la peinture ».

Juste à côté, une grosse peau de lièvre synthétique (sic) intitulée «l’Hare est mort » pour ajouter à la réflexion du visiteur qui pénètre sur le territoire de chasse du créateur dadaïste de la Baie.

Jean-Jules dessine donc et écrit beaucoup sur les murs. Il laisse tomber ses objets habituels pour adopter le pari de l’écriture systématique de jeux de mots, de collages divers sur des surfaces empruntées.

Dans une des trois salles qu’on lui a offertes pour s’épandre, il se permet tout de même un essaim de papillons monarques («l’oeuvre en ti-monarques », allusion à Denis Tremblay) dont certains débordent dans les autres salles et une tapisserie de petits « a » (« l’œuvre en ti-cristaux », allusion à Christo ) tout à fait inusités. Du Jean-Jules à son meilleur.

Pour montrer qu’il est de son temps, dans la plus grande salle, il nous offre son premier vidéo clip minimaliste (bdaa et dada) composé par lui-même en quelques secondes comme l’écho d’une corne de brume.

Jean-Jules Soucy se porte bien. Il n’a jamais été si dadaïste que ça dans sa nouvelle exposition à la galerie Séquence de Chicoutimi. Il prolongera tout ça au Lieu de Québec en mai prochain. Entretemps, il se retire dans son appartement -musée à la Baie, la tête encore plein de projets inachevés.

Entrevue

Au vernissage, tu as signalé que l’exposition en cours n’était pas le projet initial que tu avais dans la tête. Quel était-il ?

Jean-Jules Soucy : je voulais sortir le HA de Duchamp au sens propre. J’avais eu l’idée de construire deux immenses lettres (HA) qui engloberaient toute la galerie Séquence. Les visiteurs se seraient engloutis dans ce HA HA.

J’ai manqué de budget et de moyens pour mener à terme tout ça. Je me suis rabattu sur un DucHAmp dessiné sur du papier d’emballage dans la plus grande des trois salles d’exposition.

Dans quelle mesure Duchamp t’inspire-t-il ?

JJSoucy : Ses jeux de mots sont dix fois meilleurs que les miens. Ses objets, ses sculptures toujours provocantes et débordantes de sens. J’ai lu beaucoup de ses livres, de ses notes de travail. Elles sont fabuleuses. Plus on le fouille, plus on découvre sa folie communicatrice.

Parmi ses jeux de mots, «mes salutations distinguettes… » j’aimerais avoir une once de son imagination. Il a le premier détourner plein d’objets pour en faire des œuvres d’art à part entière.

La Baie fait encore partie de ton point de départ pour cette exposition ?

JJSoucy : C’est à la fois toujours un peu mon point de départ et mon point d’arrivée. C’est mon sujet porteur mais, en même temps, il ne faut pas trop le prendre au pied de la lettre.

Je l’utilise pour mailler plein de choses, plein d’images. Ici, je le maille avec des artistes de tous horizons qui alimentent mon désir de créer. Je le découvre sans trop m’en rendre compte dans ma réflexion sur l’art et les artistes.

Par exemple, BGL dans Bagotville, je n’y avais pas pensé avant. C’est en détournant, en retournant la Baie des Ha Ha que je la découvre partout.

Ce qui t’intéresse dans cette exposition, c’est la réflexion sur l’art et le rôle de l’artiste ?

JJSoucy : Encore plus dans cette exposition que dans mes précédentes. Ici ma pâte c’est l’histoire de l’art, les artistes qui m’inspirent, que je nomme. Je sens de plus en plus la nécessité de nommer les choses, les lieux, d’appeler l’art à la résistance.

Ce n’est pas par accident que j’ai intitulé l’exposition «Dédouaner le plaisir ». Je pense que l’art peut faire du bien, donner du plaisir à ceux qui s’en préoccupent, qui s’en servent. On ne signale pas assez son côté libérateur.

J’aime faire plaisir, amuser le public, la galerie (Séquence) et les autres. La seule fois où les visiteurs ont pleuré devant mes œuvres c’est lorsque j’ai fait des objets en pelures d’oignons…

On dirait que tu fabriques moins d’objets dans cette expos, que tu recycles moins, l’écriture te sollicite-t-elle davantage ?

JJSoucy : Je m’en suis rendu compte tout en travaillant à cette expo. Les affiches sur les murs, le plaisir d’écrire et de détourner des mots de leur sens, c’est comme si j’exposais sur les murs mon carnet de notes prises au cours de ma carrière. Une forme de journal de bord que j’aimerais peut-être publié à part dans un livre, à un moment donné.

Quant au recyclage, eh bien, c’est évident que je fabrique moins d’objets qu’avant. L’une des raisons qui me pousse à l’écriture, c’est que je n’ai plus de place pour les entreposer chez moi. Et puis, je viens de recycler le bonhomme (lui-même…) en pédalant sur place sur mon vélo stationnaire depuis des mois. Je n’avais pas le choix après mon opération à cœur ouvert. Je devais me recycler…

J’ai fait le tour du Canada, j’ai visité plein de galeries avec ce projet et ce n’est pas fini. J’ai trois autres projets avec mon vélo , «Envahir New York »,«Libérer l’Hexagone » et «La philosophie du Champs » qui devraient aboutir à un moment donné.

Es-tu un artiste engagé politiquement ? Trouves-tu que Jean-Pierre Blackburn et les conservateurs charrient avec leur charge contre vous autres ?

JJSoucy : C’est impossible de ne pas être politique quand on crée. Mais je ne suis pas un adepte de l’art engagé. J’exprime dans mon œuvre une inquiétude face à ce qui se passe autour de moi, dans le monde. Je le fais souvent avec humour. Par exemple, dans les affiches sur le Darfour ou sur Beyrouth. L’important, c’est de nommer les choses, les injustices.

Quant aux propos de Jean-Pierre Blackburn, je pense qu’il ne parle même pas de nous autres quand il parle des artistes qui sont gras durs. Quand les conservateurs ont fait leur sortie contre les artistes, je faisais ma demande d’aide sociale. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’argent pour vivre. Je suis plutôt camping-caravaning. D’abord que j’ai assez d’argent pour faire mes projets, ça me suffit.

Pour les conservateurs, les artistes c’est Céline Dion, les chanteurs populaires qui engrangent du fric. Pas les créateurs visuels comme moi, encore moins les écrivains. On ne parle pas de la même chose. Ils me font rire quand je pense à tous les artistes qui vivent sur le BS. Les artistes et les politiciens, on ne vit pas dans le même monde.

Extraits (Quelques jeux de mots sur les affiches)

*Darfour
L’objet d’art fourre

*Nord rond
Nous jamais la paix

*Guère
Guerre
La Baie
Beyrouth

*Duchamp, Marcel
Le juge…

*King can kill you

*L’angoisse de la Lepage
blanche

*L’H…A
Rue
Devant les
Beuys

*Ecce
Ecce

*Oh Ben choque

*Avoir le lavis devant
soi

*Michel –An Jello
sculpture

*Se mettre
Martel en tête,
Se faire du Soucy…

*BaGotviLle

*Le goût des d

*HAUT (à chahûter)

ETC, etc, etc