Nouvelles du Saguenay : La destitution du Gros Champagne

2008/11/10 | Par Pierre Demers

Vendredi dernier le 7 novembre à 10 heures 10, le Gros Champagne, animateur de radio tonitruant du 98,3 (Réseau Corus ) de Chicoutimi a été remercié de ses services par la direction à la sortie de son émission matinale. On lui a demandé de remettre ses clés de la station avant de quitter les lieux.

Par la suite, le bouillant animateur s'est lamenté tout le reste de la journée à tous ceux qui voulaient l'entendre, surtout à des journalistes du coin qui flairaient la grosse nouvelle du jour.

Le lendemain, Le Quotidien le catapultait à la une en lui réservant quatre pages et un édito complaisant de Carol Néron, un ami obligé de longue date. Comme beaucoup d'autres journalistes de la région qui le redoutaient au point de lui donner carte blanche malgré ses « écarts de langage »…

Soulagement

Dès l'annonce de son départ, un vent de soulagement s'est levé un peu partout dans la région. Un ami, ancien membre de la section régionale de la Ligue des droits et libertés, qui avait été maintes fois insulté en onde par le gros animateur m'a avoué qu'il respirait plus à l'aise depuis qu'il avait su la nouvelle de sa mise à pied.

Ses prises de bec avec Champagne s'étaient terminées devant les tribunaux après de longs mois d'hésitations.

Pour une fois, le Gros Champagne avoue avoir été déstabilisé par la nouvelle de son congédiement. Lui qui toujours se vantait de tout savoir avant tout le monde.

Dans l'hebdomadaire jonquiérois Le Réveil du dimanche 9 novembre, il continuait de se lamenter sur son sort en déplorant le fait qu'il était victime de la pensée unique contre la liberté d'expression (sic), tout comme ses deux camarades de la radio poubelle de Québec qu'il ne cesse d'admirer, André Arthur et Jeff Filion.

En plus, toujours dans le même journal, il affirmait que c'est pour une raison strictement financière que Corus a décidé de le limoger. Son salaire annuel de 200 000$ (sic) pèse trop lourd dans la balance du poste selon lui, en déficit actuel de 500 000$.

Les patrons du réseau ont donc pris la résolution de stabiliser les finances de leur station de Chicoutimi en remerciant le Gros Champagne qui leur coûtait une petite fortune.

D'autant plus qu'on sait que son salaire annuel de 200 000$ qu'il devait recevoir pour les 4 prochaines années selon son contrat signé en juin dernier était bonifié par des bonus publicitaires et des primes au rendement.

C'est intéressant d'apprendre que l'animateur mal embouché est payé la peau et les os pour dénigrer les personnalités publiques qui ne partagent pas ses points de vue sur tout. Mais, son explication ne tient pas la route. D'autres raisons justifient sa mise à l'écart de la station. La première est d'ordre juridique.

La poursuite de Jean-Marc Crevier de la FTQ

Depuis quelques mois, le représentant de la FTQ pour la région, Jean-Marc Crevier, a intenté une poursuite pour diffamation contre l'animateur de radio. Ce dernier ne devait plus s'en prendre au syndicaliste sur les ondes durant les procédures judiciaires.

Or, le Gros Champagne a passé outre à cette directive en continuant de diffamer Jean-Marc Crevier, l'accusant encore une fois de tous les torts et surtout d'appuyer le Bloc québécois lors de la dernière campagne électorale fédérale et… d'avoir forcé la compagnie Wall Mart à fermer son magasin de Jonquière le 5 mai 2005(sic).

Les avocats de Jean-Marc Crevier ont augmenté sa poursuite à 2,4 millions depuis.

C'est une poursuite encombrante que les comptables de Corus n'acceptaient pas de gaieté de cœur malgré le fait que le Gros Champagne draine avec lui un certain nombre de clients rentables. Il a passé outre les directives de Corus dans cette poursuite de ne pas aborder ce sujet en ondes.

Les ententes hors cours

Une autre raison explique sans doute la suspension définitive du Gros Champagne. Une raison plus secrète celle-là que nous avons recueillie d'une source fiable. Lors de son passage devant des étudiants d'ATM au cégep de Jonquière, il y a quelques mois, il a révélé le contenu de certaines ententes hors cours intervenues entre ses avocats et ceux de ses anciens demandeurs.

Hors, il est interdit de dévoiler ces ententes sous aucun prétexte. La personne qui le fait s'expose à voir les actions prises contre lui reconduites. Les avocats de Jean-Marc Crevier mis au courant de cette bévue grave du Gros Champagne avaient l'intention de s'en servir dans leur poursuite.

Bref, l'animateur n'est pas au bout de ses peine juridiques et il ne peut plus compter sur les avocats de Corus pour se sortir de son bourbier. Il se croit depuis trop longtemps au-dessus de tout tribunal prétextant toujours son droit à la liberté d'expression signifiant pour lui de cracher n'importe quoi à travers un micro.

Climat de travail exécrable

Autre raison qui explique en partie la nécessité de Corus de se débarrasser du Gros Champagne, ce dernier était considéré depuis fort longtemps comme persona non grata dans les locaux du 98,3 de Chicoutimi.

Il n'avait pas accès à la salle des nouvelles des journalistes. Son recherchiste, Régis Langevin, le même qui anime une émission de règlements de comptes de personnalités publiques en fin d'après-midi sous le modèle de celle du matin du Gros Champagne, avait toutes les misères du monde à survivre dans ce climat de suspicion.

Il doit se sentir passablement seul d'ailleurs depuis le départ de son Gros Loup bien aimé qu'il servait comme un petit chien de poche…

L'animateur comptait surtout sur une garde rapprochée de vendeurs de publicité qu'il dirigeait à la baguette et manipulait à sa guise. Son plus gros coup cette saison, c'était d'avoir obtenu en exclusivité une chronique hebdomadaire, le lundi matin, avec Ti -Jean-Tremblay.

En retour, les attachés politiques du maire avaient consenti 100 000$ de pub à même le budget promotionnel de la ville (cfr. information confirmée par une source interne du 98,3).

Les journalistes et autres animateurs de la station n'adressaient plus la parole au Gros Champagne depuis des lunes. Ils s'arrachaient les nouvelles exclusives et tous étaient à la merci des sautes d'humeur de l'animateur qui pétait sa coche fréquemment sous toutes sortes de prétextes.

Il avait été même accusé de harcèlement sur une stagiaire et le syndicat des employés ne savait plus depuis fort longtemps comment défendre ce membre plus ou moins en règle au statut particulier, profitant d'un contrat en or et d'un pouvoir de vie et de mort sur un poste de radio qu'il s'apprêtait même à acheter avec ses amis du milieu des affaires et du barreau. Certains d'entre ceux-ci intervenaient régulièrement comme chroniqueurs sur son émission matinale.

Une campagne électorale de trop

Ce qui semble avoir vraiment mis fin à la carrière de morning man du Gros Champagne, la goutte qui a fait déborder sa vase, c'est la présente campagne électorale provinciale.

On sait que, lors de la dernière campagne électorale au Québec en 2007, l'animateur avait versé son fiel sur le candidat péquiste dans Jonquière, Sylvain Gaudreault, l'accusant de ne pouvoir obtenir le vote des employés de l'Alcan à cause de son orientation sexuelle.

La direction de Corus avait alors suspendu l'animateur pour une semaine afin de lui permettre de réfléchir sur ses propos qui avaient été dénoncés par toute la province, y compris par le premier ministre Jean Charest qu'il avait reçu en entrevue amicale (« Vous viendrez manger chez-moi au Lac Kénogami…») à son émission deux jours auparavant.

Cette fois-ci, il en remet. Après s'être déchaîné contre la FTQ régionale et Sylvain Gaudreault qui appuyaient les candidats du Bloc québécois pendant la campagne fédérale, il n'a pas attendu le déclenchement des élections provinciales pour charger à fond de train contre le candidat péquiste dans Jonquière, encore une fois, Sylvain Gaudreault. L'accusant cette fois-ci d'avoir magouillé pendant la sélection de la candidate du Bloc québécois dans Jonquière-Alma.

Pendant deux semaines, lui le matin, et son recherchiste Régis Langevin à son émission de fin d'après-midi, ont littéralement bombardé Sylvain Gaudreault d'insultes et de tous les maux de la terre. Ils étaient partis pour se déchaîner pendant la présente campagne.

Les candidats libéraux évidemment comptaient sur la collaboration assidue du Gros Champagne pour faire la job de bras à leurs adversaires péquistes dans la région.

Le maire de Chicoutimi, Ti-Jean Tremblay (qui n'a pas encore commenté la destitution de l'animateur et on sait pourquoi…) a tout de suite affiché ses couleurs en encensant son conseiller municipal Serge Simard, candidat libéral à La Baie et sa grosse promesse électorale, un complexe sportif.

Il a même admis vouloir en faire l'une de ses promesses lors de la prochaine campagne municipale (« Ce serait un bel investissement pour La Baie. Je vais aussi l'inclure dans mon programme électoral si je sais que je peux le concrétiser… si Serge Simard est élu le 8 décembre, c'est certain que ça nous ouvrait des portes le 9 décembre pour obtenir des appuis financiers dans ce projet. » (Le Quotidien, 3 novembre 2008).

Encore une fois, comme lors des élections fédérales, le maire Ti-Jean Tremblay met la table dès le début de la campagne appréhendée et confirme sa vision de la politique axée principalement sur la quête du pouvoir à tout prix au-delà de toutes les autres valeurs démocratiques.

Mais cette fois-ci, malheureusement pour lui et ses amis libéraux au provincial et conservateurs au fédéral, il vient de perdre une grosse roue de son carrosse, le Gros Champagne.

Ce dernier, moyennant quelques faveurs et certains contrats publicitaires, entretenait leur popularité auprès de son public d'un certain âge. Ce temps est maintenant révolu. Leur gros haut-parleur vient de s'éteindre.

Pour une fois la campagne électorale provinciale risque d'être plus propre de ce côté-ci du Parc des Laurentides. Ça devrait faire du bien. Le Gros Champagne est parti. C'est le début de la fin. Ti-Jean Tremblay et les autres qui comptaient sur l'animateur pour diffuser leur propagande sont mal pris.

Il y a comme un vent de changement dans l'air. Comme si le smog radiophonique entretenu par cet animateur d'une autre époque depuis trop longtemps venait de se lever. Et si c'était le présage à un changement de garde politique ? Rêvons, rêvons.