À surveiller en 2009

2009/01/04 | Par Pierre Dubuc

Ci-dessous les trois sujets développés par Pierre Dubuc lors de sa chronique à l’émission Samedi et rien d’autre de la Première chaîne de Radio-Canada du 3 janvier 2009.

1. Barack Obama et le Canada. La prolongation de la mission en Afghanistan et les négociations pour sauver l’industrie automobile ontarienne.

À surveiller, un lien entre les deux. On sait que le retrait de l’Irak et une présence accrue en Afghanistan sont les priorités en politique étrangère de Barack Obama. Robert Gates, le secrétaire à la Défense de George W. Bush et qui sera également le secrétaire à la Défense de Barack Obama, a déclaré à la fin décembre qu’il souhaitait que le Canada prolonge sa présence en Afghanistan au-delà de 2011.

D’autre part, l’industrie automobile nord-américaine lance des appels à l’aide. Barack Obama, au cours de sa campagne électorale, a déclaré qu’il subventionnerait l’industrie américaine, à la condition qu’elle crée des jobs… aux États-Unis.

Le gouvernement canadien s’est empressé de déclarer qu’il est lui aussi prêt à aider les trois Grands de l’auto avec des montants proportionnels à l’aide américaine.

Malgré tout, des usines vont fermer. Vont-elles fermer aux États-Unis ou au Canada? Il ne serait pas étonnant que l’administration Obama exige plus que de l’aide financière du gouvernement canadien, qu’il exige un engagement à prolonger la mission canadienne en Afghanistan pour garder des usines ouvertes au Canada.

S’il était à la tête d’un gouvernement majoritaire, Harper ne se ferait pas prier longtemps. On sait qu’il s’est donné le mandat de redéfinir l’identité canadienne autour de la Politique étrangère, de la Défense et de l’Armée. On l’a entendu dans son message du Nouvel An dater la naissance du Canada de la Première Guerre mondiale.

Le problème découle du fait qu’il dirige un gouvernement minoritaire et qu’il pourrait être renversé par une opposition qui comprend le NPD – qui réclame la fin immédiate de la mission en Afghanistan – et le Bloc québécois qui a voté contre la prolongation.

Cela explique sans doute la campagne menée contre la Coalition dans la presse canadienne, non seulement par les milieux financiers de Bay Street, mais également par l’establishment militaire.

Mais ces gens sont sans doute rassurés avec le remplacement de Stéphane Dion par Michael Ignatief à la tête du Parti libéral. Ignatieff, on s’en souviendra, avait voté avec le gouvernement Harper lors de la première prolongation de la mission, alors que le Parti libéral était divisé. Stephen Harper avait traversé la Chambre pour lui serrer la main.

2. Stephen Harper et les modifications apportées à la carte électorale canadienne pour refléter le poids démographique respectif des provinces.

Le projet est dans l’air depuis déjà un certain temps. C’est normal que, dans notre système de représentation par la population, il faille ajuster le nombre de circonscriptions pour refléter les changements démographiques.

Tant que M. Harper pensait pouvoir faire des gains au Québec pour obtenir un gouvernement majoritaire, le projet est resté sur la glace. Mais, on sait ce qui est arrivé. Alors, M. Harper a changé son fusil d’épaule. Il veut aller se chercher une majorité dans le reste du Canada et ça serait évidemment plus facile si on modifiait la carte électorale pour octroyer plus de circonscriptions en Ontario – on parle de 21 circonscriptions – et un nombre encore indéfini en Alberta et en Colombie-britannique.

Concrètement, cela signifie la fin du « french power », la fin du pouvoir politique du Québec à Ottawa. Plus besoin d’accorder des bonbons à l’enfant braillard de la famille. C’est la formule qu’utilisent en s’en réjouissant plusieurs commentateurs politiques de Toronto.

Le Bloc québécois et tous les partis politiques à Québec s’opposent à cette réforme électorale. Le Bloc et le PQ ont déclaré que M. Harper devait être conséquent avec sa reconnaissance de la nation québécois, autrement dit prévoir un statut particulier pour le Québec.

Mais on voit mal comment cela serait possible sur une question aussi fondamentale que la représentation par la population. C’est beaucoup plus que la « société distincte » et les autres éléments de l’Accord du Lac Meech. Et le Québec ne peut pas revendiquer d’être les Iles de la Madeleine du Canada.

Il est possible que cette réforme provoque une prise de conscience aussi importante que les statistiques sur l’assimilation des allophones aux anglophones à la fin des années 1960. Cette prise de conscience avait entraîné les émeutes de Saint-Léonard et donné les lois 63, 22 et finalement la loi 101.

La démographie est une donnée fondamentale de la société. Plus importante encore que l’économie. Le déclin du poids relatif du Québec au sein du Canada et la perte du pouvoir politique et économique qui s’ensuit va ramener au premier plan la nécessité de l’indépendance du Québec.


3. La sacoche de Monique Jérôme-Forget et la réponse de Québec à la crise économique.

Mme Jérôme-Forget nous a dit, lors de la campagne électorale, qu’il restait de l’argent dans sa sacoche pour faire face à la crise économique. J’ai bien hâte de voir combien.

Pendant la période des Fêtes, son gouvernement a dû allonger 1,3 milliard en garantie pour les papiers commerciaux adossés à des actifs détenus par les institutions québécoises comme la Caisse de Dépôt, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins, tout cela pour satisfaire aux exigences de banques étrangères.

La Caisse, qui détient pour une valeur de près de 13 milliards de ces papiers, aujourd’hui à peu près sans valeur, a dû ajouter un autre demi-milliard en garanties.

Je ne sais pas si nous allons avoir tous les chiffres – dont ceux de la Caisse de dépôt – lorsque l’Assemblée nationale se réunira à la mi-janvier mais, chose certaine, il y a un véritable débat à tenir.

Au cours des dernières années, nos institutions financières ont joué au casino avec l’argent des contribuables. Ça semblait rapporté gros. Mais on voit aujourd’hui que c’était basé sur du vent. C’est une forme de structure Ponzi à la Madoff. Pendant ce temps-là, on laissait filer à l’étranger la propriété d’entreprises aussi importantes pour notre économie que l’Alcan.

Les pressions vont être fortes pour qu’on revienne à un rôle plus actif des sociétés d’État dans l’économie. Il ne peut en être autrement pour une petite nation comme le Québec. Mais il faudra se débarrasser de tout le discours néolibéral sur l’État minimal. Là-dessus, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Bonne année !