Pourquoi un PPP pour le CHUM ?

2009/01/20 | Par Robert Comeau

Le partenaire chargé du montage financier d’un des deux consortiums en lice pour l’obtention du contrat en PPP pour la construction du futur CHUM vit des difficultés financières majeures. Cette menace de faillite de la firme australienne Babcock and Brown signifie une possible absence de concurrence dans le processus d’appel d’offres.

Pour rassurer les contribuables face aux risques associés à cette situation, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a déclaré que le consortium n’aura qu’à remplacer ce partenaire. À l’entendre, on trouve des entreprises spécialisées en ingénierie financière capables de gérer des projets de cette envergure à tous les coins de rue!

La ministre Jérôme-Forget a pourtant fait valoir à plusieurs reprises dans le passé qu’un des avantages des PPP est que la concurrence qu’ils créent stimule la recherche d’une plus grande productivité. Encore faut-il qu’il y ait concurrence!

Le gouvernement libéral ne cesse de dire que le partenariat public-privé va permettre de faire des économies de temps et d’argent. Pourtant, force est de constater que le projet du CHUM est une saga sans fin qui tarde à se réaliser, avec des augmentations répétées de coûts associées à ces délais.

Le projet qui était évalué à 1,1 milliard en 2005 est passé à 1,5 milliard puis à 1,7 milliard en 2008 et le premier ministre Charest lui-même a dit qu’il ne ferme pas la porte à d’autres dépassements de coûts. Les entreprises qui tentent de mettre la main sur ce lucratif contrat ont fait la grève pendant plus de trois mois au cours de la dernière année pour faire passer de deux à quatre millions l’indemnité accordée en guise de dédommagement à l’entreprise qui n’obtiendra pas le contrat.

L’entêtement du gouvernement à vouloir réaliser le nouveau CHUM en PPP, malgré les multiples critiques et remises en question, malgré les échecs de cette formule constatés ailleurs dans le monde et surtout, malgré son inexpérience dans ce type d’approche, nous laisse perplexes.

Bien sûr, les projets en PPP sont intéressants pour la classe politique, car les avantages se concrétisent à court terme alors que les problèmes et les coûts se répercutent davantage à long terme, quand les décideurs d’aujourd’hui ne seront plus là pour en répondre.

Dans le cas d’infrastructures comme un hôpital, il ne sert à rien de transférer le risque vers le privé puisque l’État demeurera l’ultime responsable de la livraison de services publics aussi essentiels que les soins de santé. À moins qu’il en soit arrivé à vouloir se délester aussi de cette responsabilité?!

Tous ces débats entretiennent un sentiment d’insécurité au sein du personnel salarié du CHUM. La persistance du climat d’incertitude face à l’avenir n’est pas pour aider le recrutement et la rétention de la main-d’oeuvre. Or on sait que le manque criant d’effectifs est la raison première des ratés de notre système public de santé et des attentes
interminables, que ce soit à l’urgence, pour voir des spécialistes ou pour subir une intervention.

Le personnel clinique sur le terrain se démène pour répondre aux besoins de la population. Pris au coeur de la tourmente au quotidien, il n’a qu’un souhait : que les décideurs cessent de jouer aux apprentis sorciers avec des modèles supposément innovateurs qui les  dépassent et assument leurs responsabilités, pour le bien commun… et pas seulement en fonction de leur intérêt immédiat.

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L’auteur est technologue en radiologie et directeur sur le conseil d’administration de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)