Pas de pub dans mon cégep

2009/01/25 | Par Camille Beaulieu

Quelques controverses et manifestations estudiantines pendant l’automne ont convaincu l’administration de dénoncer son contrat avec Rouge Campus, une agence publicitaire présente dans près de 70 collèges et université canadiens.

Au retour du congé des Fêtes, cinq énormes bannières, plus de 2 sur 3 mètres, vantant les cellulaires de Télébec et le vaccin Gardasil de Merk Frosst Canada avaient disparu des murs. La direction envisage dorénavant des messages du genre : « As-tu déjeuné ce matin? » ou « As-tu vraiment besoin d’un cellulaire avec contrat de trois ans? »

La direction du cégep a mis fin au contrat avec Rouge Campus devant l’impossibilité de concilier la publicité et les valeurs de l’établissement, rapporte Luc Sigouin, directeur des affaires étudiantes. « Le campus de Rouyn-Noranda est le premier à leur claquer la porte au nez au Québec. Ils ont facilement accepté de rompre pour éviter de déclencher une polémique. »

Le cégep perd environ 8 000 $ dans l’affaire, des sous que l’institution prévoyait consacrer à des activités sportives ou au programme « Coup de Pouce » pour cégépiens aux prises avec des difficultés financières.

Rouge Campus

L’agence publicitaire Rouge Campus se présente comme le média le plus imposant et prestigieux présent dans les écoles et universités réputées du Canada. Au Québec ses oeuvres ornent les murs ou les plafonds de Laval, Montréal, McGill, UQAM, Concordia, Sherbrooke, Bishop’s et quantité de cégeps parmi lesquels Bois-de-Boulogne, André-Laurendeau, André-Grasset et Champlain. 

Outre les mégas bannières qui ont soulevé la colère en Abitibi-Témiscamingue, Rouge Campus aligne des Big Banners interactives avec détecteurs de mouvements et des « LAB », infrastructures supportant « plus de 1000 livres de pure création. »

Publicité responsable

Le problème en Abitibi-Témiscamingue ne résidait toutefois pas dans la forme, mais dans le fond. « On aurait été d'accord avec de la publicité pour le lait ou des messages responsables, ajoute Luc Sigouin, mais ça n’a pas pu se faire. L’agence est encore une jeune compagnie à la recherche active de la clientèle des 70 campus au Québec. »

L’Abitibi-Témiscamingue constitue une exception. « On les retrouve souvent près des grands centres où les gens sont habitués aux publicités grands formats. »

De la santé à la consommation

C’est curieusement le Gardasil, un vaccin prévenant le cancer du col de l’utérus, qui a d’abord  déclenché l’ire estudiantine. Le médicament n’a pas fait ses preuves, assuraient certains. Ce que nie vigoureusement l’Agence régionale de la santé, consultée à toutes vapeurs par le cégep.

L’Agence régionale n’émet que des éloges à l’endroit de ce vaccin efficace et gratuit pour les moins de 17 ans qui constituent le tiers de la clientèle des cégeps.

Un programme de vaccination contre le premier responsable des cancers du col de l’utérus, le virus du papillome humain (VPH), débuté en septembre dernier dans les écoles du Québec, soulève tout de même une certaine polémique à cause de son efficacité réduite à quatre des cent souches du VPH existantes. Trente pour cent des cancers échapperaient encore à l’efficacité du vaccin. 22 000 Québécois sont actuellement contaminés par le VPH, 325 cancers de l’utérus sont diagnostiqués chaque année.

Quittant ces arcanes scientifiques, la polémique à l’intérieur du cégep a divergé par la suite vers la surconsommation et la publicité dépourvue de racisme, de dénigrement de la personne, de violence ou d’hypersexualisation.

Étudiants et administration, réunis en comité, ont réclamé le droit de viser les messages de Rouge Campus. Le fossé entre les parties s’est approfondi, les discussions ont dérapé, jusqu’au divorce. C’est ainsi que déjà sans fumée, le cégep témiscabitibien est devenu un établissement sans pub.