Budget fédéral : Je suis en « calvinse »

2009/01/27 | Par Pierre J. Hamel

Je ne joindrai pas ma voix au chœur de ceux qui célébreront le plan de relance fédéral : c'est trop tard et trop peu. C'est surtout beaucoup trop peu.

C'est  du moins ce qui s'annonce à quelques heures du discours du budget. Hier, Radio-Canada rapportait :

7 milliards aux infrastructures
[...] [L]e ministre fédéral des Transports John Baird a annoncé, lundi, à Ottawa, une enveloppe de 7 milliards de dollars, incluant un fonds de 4 milliards pour les infrastructures (routes, ponts, systèmes d'aqueducs et d'égouts, transports en commun) et un autre de 2 milliards pour les écoles et les collèges. Le tout est complété par une enveloppe de 1 milliard destinée aux infrastructures vertes.

Les milliards et les millions, ça donne le vertige. Aussi, pour comprendre un peu mieux à quoi cela correspond, j'aime mieux ramener le tout à l'aune de Montréal.

Si la proportion allouée au Québec est du quart (de 4 milliards), ça nous fera quelque chose comme 1 milliard pour les infrastructures traditionnelles.
En partageant 50-50 entre les travaux du gouvernement du Québec (autoroutes, routes, ponts, etc.) et ceux des municipalités, ça laissera vraisemblablement 500 M$ aux municipalités et donc, en proportion de la population, environ 100 M$ pour la Ville de Montréal.

Est-ce beaucoup?

Une tempête de neige, à Montréal, ça nous coûte 18, 19, 20 M$. Le fédéral va donc verser à Montréal l'équivalent de cinq ou six tempêtes : merci. (Faut être poli et reconnaissant : ils n'étaient même pas obligés. Enfin, si, tout de même, vu les circonstances...). C'est tout de même très peu.

Dans son budget adopté en décembre dernier, la Ville de Montréal a déjà prévu investir dans ses infrastructures, en 2009, 1,156 G$ (1,156 milliard de dollars), 1156 millions.

L'apport fédéral représentera donc 8 ou 9% (1/12) de ce que la Ville investira en 2009 : même pas un supplément de 10 %!
On est loin du gros coup pour fouetter l'économie! C'est la crise ou non? Ce n'est pas + 10 % qu'il aurait fallu, mais + 40 %, +60 % et peut-être même plus.

Il est vrai que, pour 2009, il n'aurait pas non plus fallu que ce soit beaucoup plus (que 40 ou 60% de plus), car il faut tout de même un minimum de temps de préparation. Sans compter qu'il faut éviter d'engorger les capacités de l'industrie par un afflux trop massif et subit. Autrement, c’est parti pour le gaspillage comme en 1976.
Par ailleurs, ce n'est pas à la fin janvier qu'il faut annoncer ces montants : au rythme où l'argent fédéral est débloqué, on posera du béton en décembre prochain (et encore, si on se grouille et si on est chanceux).
Et d'autant que la crise est bien partie pour durer jusqu'en 2010, au moins.

Il aurait fallu annoncer dès l'automne dernier des dépenses pour 2009 ET pour 2010. Minimum. Déjà, les services techniques municipaux se plaignent du fait que les budgets municipaux ne sont adoptés officiellement que très tard dans l'année, à la fin de l'automne : ça leur laisse peu de temps pour se revirer en enclencher les travaux rapidement, pour que les chantiers commencent dès le début du printemps et qu'on ne se retrouve pas à étendre de l'asphalte en plein hiver.

Il aurait été intelligent de permettre un minimum de planification sur deux ans et il aurait été approprié d'en mettre pas mal plus : quatre ou cinq fois plus, par année, pour au moins deux ans.

Au lieu de ça, on donnera des réductions d'impôts... à ceux qui paient de l'impôt : merci pour eux.

Si ces heureux contribuables sont rationnels pour deux sous — c'est ce qu'on leur souhaite et ce qu'il faut leur recommander, ils rembourseront leurs emprunts et, si possible, ils en économiseront un petit peu. Tant mieux pour eux. Tant pis pour la relance de l'économie!

Pierre J. Hamel, professeur-chercheur
INRS-Urbanisation, Culture et Société
Institut national de la recherche scientifique