Alcan au Saguenay : un contrat social légal, mais socialement illégitime

2009/02/09 | Par Arthur Bonneau, Guy Lessard, René Gagné

Le fait que tant de grandes corporations capitalistes de ce monde soient prêtes à concocter des offres d'achat hostiles (OPA) dirigées contre Rio Tinto-Alcan pour l'avaler nous fait penser à une véritable course au Trésor, ou à la recherche du Saint-Graal. En réalité, qu'elle est donc la nature de ce joyau, «objet de toutes les convoitises», selon le titre du Quotidien du 30 janvier dernier.

Bien que les citoyens de la région reconnaissent la valeur de ce patrimoine inestimable, il serait néanmoins utile de bien comprendre en quoi consiste la richesse de cet objet de convoitise.

Laissons les relations publiques de la compagnie Alcan l'expliquer à notre place : «Les bassins hydrographiques de la région ou bassins versants qui approvisionnent les réservoirs du réseau hydrique de l'Alcan ont une superficie de 72 800 kilomètres carrés. Ce qui représente une superficie aussi grande que le Nouveau-Brunswick».

Ce qui équivaut également aux superficies de la Belgique et du Danemark réunis. Tout cela pour une puissance installée de 2 687 méga-watts.

Voilà ce qui fait saliver les grandes corporations capitalistes d'Europe, de l'Australie et de la Chine. On sait qu'historiquement Alcan fut épargnée de la nationalisation de l'électricité au début des années 1960 parce que le gouvernement Lesage, jugeait que la compagnie Alcan donnait du travail à 12 000 travailleurs.

Par le fait même, les libéraux du temps entérinaient le contrat social implicite tissé entre l'Alcan et la région. Évidemment aux yeux du gouvernement c'était une raison suffisante pour éviter la nationalisation.

Le Contrat social, pertes d'emplois et déficit de légitimité

Ce contrat social fondé sur l'éthique utilitariste paraissait satisfaire l'ensemble de la population et l'Alcan. Or, aujourd'hui, cette entente tacite doit être revue de façon à rendre plus équitable à l'ensemble de la région, car bien que légale, elle n'a plus aucune légitimité sur le plan d'une éthique de société.

Des 12 000 emplois de l’époque, qui ont servi à justifier la non-nationalisation de ces barrages, on peut se demander ce qu'il en reste?

Nous croyons que l'instance qui pourrait fournir les chiffres, c'est la compagnie elle-même. Mais ces informations nous font défaut. Comme indication supplémentaire, peut-on citer M. Carol Néron qui a déjà mentionné que : «... le nombre de travailleurs au service d'Alcan est passé de 13 000 à 5 000» .

Hélas aujourd'hui, le constat serait plus sévère et déprimant encore. Malheureusement, avec le résultat que chaque emploi perdu accentuait davantage ce déficit de la légitimité éthique.

Les pertes d'emplois ne sont pas l'unique raison qui affaiblit la légitimité de ce pacte. Deux autres raisons motivent aussi notre intervention :

La première a trait aux baux emphytéotiques, «50 ans et plus» négociés et signés par nos gouvernements en 1984 et 2006. Dans chacun des cas, les citoyens de la région ont été ignorés (même les maires des grandes villes de la région l'ont été). Pourtant, il s'agissait des intérêts supérieurs de la population.

La seconde est inhérente au contenu du dernier bail signé en 2006 par le parti libéral de Jean Charest qui donnait des avantages supplémentaires aux baux précédents :

1. Par des clauses occultes;
2. Par la confidentialité qui se confond avec les intérêts de la compagnie;
3. Par les redevances nettement insuffisantes;
4. Par les prêts sans intérêts de 400$ millions payés avec nos impôts;
5. Par des blocs d'énergie supplémentaires.

Cette analyse d'une situation qui perdure nous amène à réclamer une nouvelle ouverture de ce pacte.

Est-on encore en droit d'exiger de nos gouvernements et des transnationales qui exploitent nos ressources naturelles et dont certaines vont jusqu'à les spolier, d'exiger une transparence nécessaire qui nous permettrait de les juger et de réagir de plein droit pour favoriser la légitimité sociale et éthique?

La plus grande dignité dans un pays démocratique est celle d'être un citoyen libre et épanoui, c'est-à-dire, informé, conscient et actif.