La loi Lilly Ledbetter contre la discrimination

2009/02/24 | Par Paul Martineau

« J’étais classée comme citoyenne de seconde classe pour le reste de ma vie. Cela a eu un effet sur chaque sou que j’ai aujourd'hui », déclarait Lilly Ledbetter, 70 ans, le 23 janvier dernier.

Cinq jours plus tard, la résidente de Jacksonville, en Alabama, se tenait aux côtés du président Barack Obama, alors que celui-ci signait une loi nommée en son honneur, la toute première de son mandat de président. Une loi qui doit assurer que jamais plus une femme ne serait bafouée comme Lilly Ledbetter. Mais qui ne donnera malheureusement aucune compensation financière à la grand-mère qui s’est battue pendant plus de dix ans au nom du principe du « à travail égal, salaire égal ».

En 1979, Lilly Ledbetter commence à travailler comme superviseure de nuit à l’usine de pneus Goodyear de Gadsden, en Alabama. Au sein de cette usine syndiquée, les hausses de salaire sont accordées au mérite, après une évaluation de l’employée par ses patrons, une procédure courante.

Pendant des années, la mère de famille est victime chez Goodyear de harcèlement et de discrimination parce qu’elle est une femme dans un milieu à prédominance masculine. Elle racontera plus tard qu’un superviseur lui avait demandé des faveurs sexuelles en échange d’une évaluation positive pour une hausse de salaire.

Au moment de sa retraite, en 1998, un collègue anonyme lui laisse dans son courrier une note comparant sa paye à celle de trois de ses vis-à-vis masculins. Après une vingtaine d’années chez Goodyear, elle gagnait 3 727 $ par mois. Les trois hommes qui faisaient le même travail et avaient eu les mêmes évaluations gagnaient entre 4 286 $ et 5236 $ par mois.

La superviseure de nuit était pourtant une employée dévouée qui n’avait pas peur de travailler dur. « Il n’y avait rien que je ne faisais pas, peu importe à quel point c’était salissant ou difficile », se souvenait-elle en entrevue à l’Agence France Presse l’an dernier.

Consciente d’avoir été discriminée uniquement en raison de son sexe, Lilly Ledbetter a porté plainte devant les tribunaux. La cause s’est rendu jusqu’à la Cour suprême, qui a débouté la plaignante pour une technicalité bureaucratique en 2007. Le motif invoqué : Ledbetter avait attendu trop longtemps avant de porter plainte. Pour que sa poursuite soit recevable et puisse être jugée sur le fond, elle aurait dû la signifier dans les 180 jours suivant son premier chèque de paye alléguément discriminatoire.

Le fait qu’il lui était impossible de savoir qu’elle était payée moins que les hommes au moment du premier chèque de paye ne changeait rien au principe pour la Cour suprême, dont la décision avait semé l’indignation chez les féministes, mais aussi parmi tous les groupes luttant contre la discrimination sexuelle, raciale ou autre sur les lieux de travail.

Cette décision de la plus haute instance judiciaire du pays a empêché une foule de travailleurs lésés de porter plainte contre leur employeur en raison de la rigidité de ce délai des 180 jours. Ceux qui apprenaient trop tard qu’ils avaient été discriminés étaient privés de tout recours.
Barack Obama avait promis de corriger cette injustice flagrante on adoptant une nouvelle loi qui rendrait inopérante la décision de la Cour suprême et garantirait le droit pour les travailleurs et travailleuses de porter leur cause devant les tribunaux s’ils se croient victime de discrimination salariale. Il a tenu promesse.

Depuis l’adoption du Lilly Ledbetter Fair Pay Act, le 29 janvier dernier, la loi prévoit que le fameux délai de 180 jours pour porter plainte se renouvelle automatiquement à chaque nouveau chèque de paye qui est estimé discriminatoire. Le candidat républicain John McCain et sa colistière Sarah Palin avaient fait campagne contre une telle loi cet automne.

La nouvelle législation ne change pas la situation financière de Lilly Ledbetter. Pour elle, il est de toute façon beaucoup trop tard pour intenter des recours en justice contre son ancien employeur. Mais la dame a tout de même tenu à faire campagne pour son adoption pour les générations futures.

Comme l’expliquait Michelle Obama à l’émission Larry King Live, en octobre : « Elle (Lilly Ledbetter) a perdu depuis longtemps la possibilité de faire le moindre gain financier de cette défaite en Cour suprême, mais elle est sur la route et se bat fort pour s’assurer que nos filles et nos petites-filles seront payées équitablement pour le travail qu’elles font. C’est une dame spéciale, une dame de la classe ouvrière, et une combattante. »