Radio-Canada, les deux pieds dans les sables bitumineux

2009/03/03 | Par Serge Charbonneau

La détérioration environnementale majeure que subit le Nord de l'Alberta ne fait pas les premières pages de nos valeureux médias.  À croire l'information, on pourrait penser que la pollution incroyable causée par l'exploitation des sables bitumineux n'existe pas.

Cette semaine, il aura fallu un reportage du réputé National Geographic pour que cette réalité soit, un peu, même très peu dénoncée.  D'ailleurs, je me demande si les lecteurs de cette page ont même vu passer la nouvelle.  Le texte qui suit a été soumis aux journaux « officiels », mais l'article n'a pas été retenu pour publication.

Une réalité que le régime Harper interdit de montrer

Incroyable!

J'écoute cette nouvelle et je tombe à la renverse. On parle, à Radio-Canada, de l'article « dévastateur » du National Geographic concernant les sables bitumineux de l'Alberta.

La description est paraît-il « satanique ». On parle de l'image du Canada.  Le pauvre Canada qui va devoir lutter de toutes ses forces pour continuer à « convaincre » nos voisins d'acheter cette saleté de pétrole.

Ce qui me renverse ce n'est pas la nouvelle en elle-même, mais c'est plutôt le ton. Surtout lorsqu'on entend ce ton sur les ondes de Radio-Canada.

On constate, une fois de plus, que l'Information n'existe pas.  Il s'agit de propagande.
On ne parle pas du contenu de l'article de neuf pages du National Geographic sur Internet, mais de son effet « dévastateur » sur le Canada. 24 pages seront publiées dans l'édition papier du mois de mars.

On parle de l'effet et non de la réalité environnementale.  Celle-ci est précieusement gardée sous silence.  Radio-Canada ne nous montre pas de tournage récent d'un survol de la région. Non, il nous offre en entrevue le ministre de l'Environnement (sic) de l'Alberta (je devrais peut-être dire : «ministre de l'Exploitation des sables bitumineux »), M. Rob Renner qui propose aux journalistes, non pas de voir la situation présentement, mais il leur propose de revenir dans trois ans pour voir comment se portera l'environnement de l'Alberta.

Une proposition qui semble avoir été acceptée tout de go de la part des journalistes de Radio-Canada.  Donc aucune image, aucun reportage de prévu pour tout de suite, nous attendrons comme le « suggère » le ministre dans trois (3) ans.

Évidemment, on a aussi recours à l'expert qui apaise, certifie et dénonce les méchantes ONG qui sont contre les vertus écologiques du pétrole albertain.

Le recours à « l'expert »

M. Stefan Bachu, un « scientifique » qui lui ne parle nullement d'environnement, mais voit une pression sur le gouvernement de l'Alberta ainsi que sur le gouvernement canadien.  Une observation que le simple citoyen, sans être « scientifique », voit encore plus clairement que tous les « experts » réunis.

Le consciencieux « scientifique » nous explique, parce que le citoyen a toujours besoin qu'on lui explique, que les ONG sont des professionnels du chialage qui n'ont pour bu que de salir la réputation de la valeureuse industrie pétrolière albertaine, qui ne connaissent absolument rien à l'environnement et qui veulent tout simplement anéantir toute l'industrie de l'énergie fossile.

La parole au « porte-parole »

En dernier recours Radio-Canada ne reculant devant rien pour mieux informer le public a « tenté » de rejoindre un « porte-parole » de l'industrie pour qu'il nous « éclaire » sur la situation, mais en vain, les compagnies pétrolières ont pris connaissance de l'article, mais n'ont pas voulu faire de commentaires.

Dans une revue de presse entendue à la radio de Radio-Canada, Mme Pauline Vanasse disait que même les autochtones voyaient d'un bon œil les retombées de l'exploitation des sables bitumineux parce qu'ils en profitent maintenant.

Et l'environnement dans tout cela?

Malheureusement, nos journalistes ont délaissé l'information pour servir la propagande gouvernementale et industrielle.

Il faudrait que de ma poche je me paie un voyage en Alberta, que je loue les services d'un hélicoptère, que je survol la région et que j'aille voir les Indiens de Fort McKay pour connaître leurs conditions de vie et leur état de santé pour vous offrir un réel suivi du saccage. Il faudrait aussi débusquer le montant des profits générés ainsi que de découvrir à qui tout cet or noir rapporte le plus.

Le saccage environnemental semble vraiment secondaire par rapport aux retombées économiques dont peut profiter le Saint Canada. Les journalistes de Radio-Canada semblent incapables de nous donner l'information réelle concernant l'état des lieux. Tout le traitement de cette nouvelle concerne la contre-attaque médiatique des gouvernements et des représentants de l'industrie pour étouffer au plus vite cette mauvaise publicité.  Il ne faut surtout pas sensibiliser la population sur les dégâts environnementaux. Au diable les générations futures.  Faisons des profits maintenant et pour le reste revenez dans trois (3) ans.

Renversant le ton lorsqu'on se souvient de ce superbe reportage, exactement identique à celui du National Geographic, qu'une équipe de l'émission « Zone libre » de Radio-Canada avait fait en janvier 2007.
 
Extraits du reportage :

« Au lendemain de l'élection du gouvernement Harper, en janvier 2006, les patrons de l'industrie pétrolière américaine se sont réunis à Houston, au Texas, avec les dirigeants des grands projets d'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta…

« Les prélèvements d'eau de la rivière Athabaska : deux fois la quantité d'une ville comme Calgary.  Ce qu'on fait de l'eau une fois souillée : Le mélange toxique est rejeté dans d'énormes bassins de décantation, parfois situés à quelques dizaines de mètres seulement de la rivière. Ces bassins font aujourd'hui (2007) plus de 50 kilomètres carrés, la superficie du lac Memphrémagog.

« Les autochtones de Fort McKay ne peuvent plus pêcher dans la rivière Athabaska, elle est trop polluée. Nombre d'entre eux tombent malades à cause de la pollution de l'air.

« Les gaz à effet de serre : Les cheminées de la région crachent par millions de tonnes. C'était 16 millions il y a dix ans. En 2010, ce sera 65 millions de tonnes. Une consommation astronomique de gaz naturel : 600 millions de pieds cubes par jour (2007).

« Avec une production de cinq millions de barils de pétrole par jour, l'Alberta deviendrait un cauchemar écologique »

Steven Guilbeault, directeur général de Greenpeace Québec

Sur le site de Radio-Canada :

« Après la diffusion du reportage « Du sable dans l'engrenage » à Zone libre, en janvier 2007, le Cabinet du premier ministre Harper a déposé une plainte à l'ombudsman de Radio-Canada. »

Aujourd'hui, par le ton qu'adopte Mme Tamara Alteresco (journaliste de RC), Radio-Canada ne recevra pas de plainte de Stephen Harper. Radio-Canada joue la découverte de la catastrophe et nous sert un ton offusqué (National Geographic a une vision «satanique»).

Depuis ce fameux reportage de Zone libre (un très rare reportage vraiment journalistique) nous n'entendons plus parler de l'environnement du nord albertain.  Comme si la terrible pollution avait disparu!

Elle a effectivement disparu… de nos médias!

Mais les images réelles de la région qui paraissent sataniques sont la simple réalité.  Une réalité que le régime Harper interdit de montrer.

National Geographic - The Canadian Oil Boom
 
Zone libre - Du sable dans l'engrenage
 
Reportage de Mme Tamara Alteresco
 
Reportage RDI de Maude Montembeault

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Lettre de Serge Charbonneau à Radio-Canada envoyée le 1er mars 2009 : 

Bonjour,

Il m'apparaît adéquat, pour donner suite au récent reportage du National Geographic concernant les dégâts causés par l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, de rediffuser l'excellent reportage de Zone libre, Du sable dans l'engrenage .

Est-il permis de penser à une telle chose?

Une mise à jour de la situation, la dégradation des lieux, la qualité de l'eau de la rivière Athabaska, la qualité du poisson pêché dans la rivière, l'état de santé des autochtones de la réserve de Fort McKay, le nombre de barils de pétrole produit quotidiennement il y a deux ans et aujourd'hui, etc.

La planète se dégrade à une vitesse suicidaire, je crois qu'un tel reportage est d'une importance capitale pour sensibiliser la population et tempérer les ardeurs capitalistes du gouvernement Harper.

Les dollars produits en saccageant l'environnement sont bien sûr bien intéressants pour quelques groupes, mais les retombées environnementales néfastes handicapent considérablement le futur de nos enfants.

Je crois que Radio-Canada, un service public, se doit de faire un suivi sur cette situation.  Il est gênant que ce soit nos voisins qui viennent faire chez nous du journalisme honnête.

Merci,

Serge Charbonneau
Québec