Négawatts plutôt que mégawatts

2009/03/16 | Par Gabriel Danis

Le gouvernement québécois a récemment fait connaître ses intentions pour relancer et stimuler l’économie. Comme on pouvait s’y attendre, le béton et les projets hydroélectriques accaparent la majeure partie des ressources. Mais au lieu de répondre de façon traditionnelle à la crise économique, pourquoi le Québec n’opterait pas pour un programme d’économie d’énergie à grande échelle?

L’investissement massif dans les économies d’énergie, au sein d’un plan cohérent et ambitieux, s’avère être une solution rentable, créatrice de richesse, d’emploi et indissociable de notre lutte aux gaz à effet de serre.

Le Québec, leader nord-américain en production hydroélectrique, s’avère être un cancre en matière d’économie d’énergie, particulièrement dans le secteur résidentiel. Malgré la hausse des investissements d’Hydro-Québec consenties à l’efficacité énergétique au cours des dernières années, force est de constater que la société d’État pourrait aller beaucoup plus loin en ce sens.

De fait, les objectifs annuels d’économie d’énergie se chiffrent à 4,7 térawattheures (TWH) pour 2010, ce qui est bien peu, tant par rapport à notre consommation annuelle (environ 170 TWH en 2007) qu’en rapport du potentiel en présence.

Comme le secteur résidentiel fournit le plus grand potentiel d’économie d’énergie et que le chauffage représente la moitié des dépenses d’électricité des ménages québécois, qu’attend-on pour investir massivement dans un vaste chantier de rénovation et d’isolation des bâtiments?

Le potentiel d’économie d’énergie est le plus lucratif des gisements que le Québec recèle. Selon différentes estimations, la consommation d’électricité évitée du Québec pourrait facilement atteindre 10 TWH par an, générant des bénéfices additionnels annuels de 400 M $  pour Hydro-Québec (la société d’État vend son électricité à un prix supérieur sur le marché américain) tout en soulageant les consommateurs d’une dépense de 600 M$ par année. Ainsi, on se retrouve avec une injection annuelle directe de 1 milliard $ dans l’économie québécoise, sans compter les nombreuses retombées indirectes du chantier de rénovation.

En effet, non seulement le coût par kilowatt économisé est inférieur au coût marginal de production d’un kilowatt réalisé par un projet hydroélectrique conventionnel, mais les initiatives d’économies d’énergies peuvent créer jusqu’à 12 000 emplois par milliard de dollars investis contre 9 000 emplois pour de grands projets hydroélectriques. Tout ça, sans affecter d’autres bassins hydrographiques, comme on se propose de le faire avec ceux de la rivière Rupert et Romaine.

Depuis des années, on nous répète que l’avenir des régions-ressources passe inévitablement par la deuxième et la troisième transformation des ressources naturelles. Or, ce vaste chantier de rénovation serait l’occasion rêvée de faire une utilisation maximale du savoir-faire et des produits québécois, particulièrement ceux fabriqués à partir du bois (portes, fenêtres, etc.).

Pour toutes sortes de raisons, les locataires profitent beaucoup moins des programmes actuels d’efficacité énergétique que les propriétaires. Ce projet viserait donc prioritairement l’isolation des immeubles locatifs.

Voilà une façon de libérer et de créer de la richesse tout en réduisant sensiblement la dépendance de milliers de ménages québécois à faibles revenus qui voient leurs dépenses d’énergie fuir par les portes et fenêtres. Ces ménages pourront ainsi consacrer cette nouvelle marge de manœuvre à la consommation et à l’épargne, deux options souhaitables au plan macroéconomique.

De surcroît, chaque TWH économisé et vendu sur le marché du nord-est américain permet d’éviter la production d’électricité avec du charbon, principale source de production d’électricité de cette région. On évite ainsi la production de gaz à effet de serre (GES) et de pluies acides qui, en raison des vents dominants, tombent sur nos têtes, édifices, lacs et rivières.

Puisque les efforts consentis aux économies d’énergie constituent un formidable outil de création de richesse, à la fois solidaire et écologique, pourquoi s’entêter, particulièrement en période de ralentissement économique, à ne pas doubler, voire tripler nos efforts annuels d’économies d’énergie avec la mise en place d’un vaste chantier de rénovation des immeubles locatifs?

En somme, ce projet de développement durable nous permet de diminuer notre consommation d’électricité, de créer des milliers d’emplois, de réduire la production de GES et d’augmenter nos exportations d’énergies propres, de stimuler l’économie, particulièrement celle des régions et d’améliorer la situation financière de milliers de ménages à faible revenus.

Le comble, c’est que ce projet pourrait rapidement s’autofinancer grâce aux négawatts produits et exportés! Arrêtons le compte-goutte et l’éparpillement en matière d’économie d’énergie et adoptons une attitude proactive, fonceuse et un plan à grande échelle de rénovation des bâtiments.

Malheureusement, la mise en œuvre de ce cercle vertueux nécessite vision, audace et détermination… attributs qui font cruellement défaut à nos dirigeants actuels.

 

Gabriel Danis est conseiller à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Montréal